La capitale hongroise Budapest a été témoin dimanche d’une de ses plus grosses manifestations de ces dernières années. Les manifestants protestaient contre le gouvernement de Viktor Orbán et tout particulièrement contre la détérioration du niveau de vie et la rémunération des enseignants.
Les pays du Groupe de Visegrád sont confrontés à une inflation nettement au-dessus de la moyenne européenne, et c’est particulièrement vrai des trois pays qui n’ont pas adopté l’euro : la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie. Mais la Slovaquie, qui utilise l’euro, est malgré tout elle aussi touchée par ce phénomène qui affecte toute la région, avec un taux d’inflation harmonisé (calculé selon la méthodologie européenne) de 13,7 % sur un an en septembre, soit le plus haut niveau d’inflation depuis le début du siècle. C’est plus que le niveau d’inflation pour l’ensemble de l’UE, qui a atteint 10,9 % en septembre, contre 9,9 % pour la seule zone euro.
En ce qui concerne la Hongrie, malgré la livraison ininterrompue à ce pays de gaz et de pétrole russe, le taux d’inflation annuel a atteint 20,7 % en septembre,
ce qui place la Hongrie en 4e position de l’UE derrière les pays baltes, l’Estonie détenant le record absolu de l’UE avec 24,1% d’inflation. C’est très loin devant la France et ses 6,2 % en septembre, ce qui en faisait au contraire le pays avec le moins d’inflation de toute l’UE. On notera au passage que l’Estonie est passée à l’euro en 2011 et que la monnaie unique européenne ne semble donc apporter aucune garantie dans ce domaine.
La Tchéquie a de son côté connu un taux d’inflation annuelle de 17,8 % en septembre, soit le plus haut niveau depuis décembre 1993 selon ce qu’a affirmé l’office tchèque de la statistique à l’annonce de ce chiffre.
En Pologne, si le chiffre donné par l’office polonais de la statistique (GUS) pour septembre est de 17,2 %, le taux harmonisé d’inflation n’est « que » de 15,7 %. Quoi qu’il en soit, c’est là aussi un niveau qui n’avait plus été vu depuis fort longtemps.
Du coup, même si les taux de référence des banques centrales des trois pays du V4 hors zone euro ont beaucoup augmenté depuis un an, ils restent bien inférieurs au taux d’inflation : 6,75 % pour la banque centrale polonaise (NBP), 7 % pour la banque centrale tchèque (CNB) et 13 % pour la banque centrale hongroise (MNB).
Le forint hongrois est en effet particulièrement attaqué et sa faiblesse est un facteur d’inflation supplémentaire. Et
s’il est attaqué, c’est au moins en grande partie du fait du blocage par la Commission européenne des fonds liés au plan de relance Next Generation EU (sur lesquels seuls deux pays de l’UE – la Pologne et la Hongrie – n’ont toujours pas touché un seul centime) et aussi du lancement contre la Hongrie d’une procédure de suspension des fonds du budget européen,
une procédure « d’État de droit » que la Commission menace aussi aujourd’hui d’enclencher contre la Pologne, au plus mauvais moment. Pour ces mêmes raisons, le zloty polonais a aussi baissé par rapport à l’euro depuis le début de la guerre en Ukraine, mais moins que le forint.
Les autres facteurs d’inflation sont les mêmes qu’ailleurs en Europe : les très fortes hausses des prix mondiaux des matières première suite aux politiques anti-Covid de confinement (qui ont pourtant été moins strictes en Pologne ou en Hongrie qu’en Europe occidentale, avec des récessions moins marquées) et à la guerre en Ukraine ainsi que le recours massif à la planche à billets ces dernières années, en particulier pendant la crise Covid.
« C’est le prix que nous payons pour des gouvernements d’analphabètes économiques, pour la croyance insensée que la prospérité ne vient pas du travail, de l’esprit d’entreprise et de l’épargne, mais des prestations sociales, de la dette et de l’impression de monnaie », a commenté le Polonais Sławomir Mentzen, chef du parti libéral-conservateur KORWiN (membre de Konfederacja, une alliance avec les nationalistes qui a 11 députés à la Diète), lors de l’annonce de l’inflation de septembre dans son pays par le GUS. « Cette illusion n’est pas seulement populaire en Pologne, presque toute l’Europe est aux prises avec les mêmes problèmes.
Ils ont tous fait la même chose. D’abord les taux d’intérêt quasi nuls, puis les confinements, et enfin la submersion de l’économie avec des sommes absolument énormes d’argent vide. Ajoutez-y la guerre, les sanctions, et vous obtenez une catastrophe. »
Dans les pays du V4, c’est justement le gouvernement social-conservateur polonais qui a le plus à craindre de l’emballement de l’inflation et des difficultés que cela génère pour la population, car des élections législatives l’attendent à l’automne 2023, et cela fait maintenant deux ans que les sondages ne lui donnent plus la majorité absolue.