En introduisant un embargo contre le charbon russe plusieurs mois avant le reste de l’UE, le gouvernement de Mateusz Morawiecki avait assuré en mars que la production polonaise de houille serait accrue cette année de 1 à 1,5 million de tonnes. On sait désormais que ce résultat ne sera pas atteint et la production totale de houille pour les huit premiers mois de l’année est même en baisse, à 35,6 millions de tonnes contre 36,2 millions pour la même période de 2021.
Or le charbon compte en Pologne pour 70 % environ de la production d’électricité et sert de combustible de chauffage à 4,3 millions de ménages. L’embargo sur le charbon russe a conduit à un triplement des prix du charbon, forçant le gouvernement à verser des compensations. Prévue dans le projet de loi initial pour couvrir le différentiel de prix, la compensation finalement votée par le parlement est une somme fixe de 3000 zlotys (environ 630 €) payée en une fois à chaque ménage dont le charbon est la principale source de chaleur.
Mais les importations n’arrivent toujours pas à remplacer le charbon auparavant importé de Russie si l’on en croît le niveau des stocks de charbon non vendu en Pologne : c’était un million de tonnes en août (le plus bas niveau depuis 20 ans) contre 1,18 million en juillet et 4,41 million un an plus tôt. En août (les données pour septembre n’ont pas encore été publiées), le total des réserves de charbon extrait détenu par les mines et les centrales électriques polonaises étaient de 5,3 million de tonnes, ce qui correspondait à seulement 53 jours de consommation.
Pourtant, comme on pouvait le lire dans le journal Rzeczpospolita du 28 octobre, les mineurs de charbon en Pologne travaillent en ce moment sept jours par semaine, accumulant les heures supplémentaires et les week-ends payés le double du salaire normal. De nouvelles tailles sont en cours de préparation par les compagnies minières, qui devraient commencer à produire prochainement. Mais le principal problème, c’est le manque de mineurs après des années de politique de réduction des effectifs à grands frais d’indemnités de départ particulièrement généreuses. Ainsi, la plus grosse compagnie minière polonaise, Polska Grupa Górnicza (PGG), a cette année environ 36000 mineurs à sa disposition contre 2000 de plus l’année dernière.
Un autre problème risque de surgir en ce qui concerne les aides publiques versées pour réduire les effectifs en vue d’une fermeture des mines de charbon polonaises d’ici à 2049 : la Commission européenne pourrait demander leur remboursement si ces effectifs sont maintenant augmentés. Il ne sera toutefois pas facile de les augmenter, le métier de mineur n’étant depuis longtemps plus perçu comme un métier d’avenir et le taux de chômage en Pologne étant particulièrement bas.
D’après un analyste cité par le journal Rzeczpospolita, on peut toutefois voir un signe positif dans le fait que les appels d’offres pour les machines minières sont en nette hausse cette année, ce qui pourrait malgré tout présager une augmentation de la production polonaise de charbon l’année prochaine. Mais pour cette année, c’est probablement déjà foutu, et le gouvernement polonais a assuré fin septembre que la Pologne importerait 11,2 millions de tonnes, alors qu’elle était autrefois un gros exportateur de cette matière première et qu’elle possède dans son sous-sol les plus grosses réserves de l’UE.
En attendant, un sondage du même journal Rzeczpospolita publié le 12 octobre montrait que 50 % des Polonais font porter la responsabilité du manque de charbon au gouvernement et à sa décision de décréter un embargo sur le charbon russe, seulement 17 % désignent la politique climatique de l’UE comme principale coupable, et 16 % pointent du doigt les politiques des gouvernements précédents qui réduisaient systématiquement l’extraction du charbon en Pologne.