Hongrie – La conférence de presse de ce mercredi 12 avril était attendue. En effet, la presse d’opposition annonçait de probables sanctions contre des responsables hongrois de la part des États-Unis. Au final, l’ambassadeur des États-Unis à Budapest, David Pressman, a critiqué la Hongrie pour sa coopération avec la Russie et annoncé des sanctions contre la Banque Internationale d’Investissement (BII), basée à Budapest depuis 2019.
Tensions croissantes entre la Hongrie et les États-Unis
Viktor Orbán a toujours été un indéfectible soutien de Donald Trump, et ce dès 2016, lorsqu’il avait été le premier dirigeant européen à se prononcer en sa faveur publiquement.
Depuis l’élection de Joseph Biden, le climat est devenu plus tendu entre les États-Unis et la Hongrie, l’entrée en fonction de l’actuel ambassadeur David Pressman en septembre 2022 n’arrangeant pas les choses alors que la Hongrie n’est pas alignée sur la position des États-Unis concernant la guerre en Ukraine. « Marié » à un homme et père adoptif de deux garçons, Pressman, lors des auditions au sénat en juin 2022, avait déclaré qu’il s’inquiétait pour la démocratie, la justice ou encore la liberté de la presse en Hongrie.
Depuis sa prise de fonction, l’ambassadeur états-unien s’est illustré par plusieurs piques et opérations d’influence en Hongrie. Tantôt un quizz pour faire deviner si les citations étaient celles de dirigeants hongrois ou de Vladimir Poutine, maintenant une campagne d’affichage nationale faisant le parallèle entre l’insurrection hongroise de 1956 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie – en utilisant les codes couleur et la police d’écriture des communications gouvernementales. Le message reprend un slogan des insurgés hongrois de 1956, « Russes, rentrez chez vous ! », et ajoute que « la paix ne sera possible que lorsque les troupes d’occupation russe s’en iront ». Une opération mal reçue en Hongrie par beaucoup, où 91 % de la population souhaite que soient imposés un cessez-le-feu et des négociations de paix immédiatement, et où le rôle d’agitation des États-Unis durant l’insurrection et en amont ainsi que l’abandon de la Hongrie lors de la répression n’ont pas été oubliés.
Intensification des accrochages par voie de presse
Depuis des mois, les échanges par voie de presse entre l’ambassadeur états-unien et le chef de la diplomatie hongroise, Péter Szijjártó, ont fait la une de la presse hongroise. « Nous accueillons de l’étranger des ambassadeurs. […] Nous n’accueillons pas de gouverneur ou de régent, qui, je suppose, nous est envoyé pour nous dire comment vivre dans notre propre patrie », avait notamment déclaré en début d’année le MAE hongrois. Ce à quoi l’ambassadeur Pressman avait répondu que les États-Unis « ne considèrent pas la tentative de révision des frontières russes comme une affaire intérieure hongroise ».
En février, dans son discours sur l’état de la Nation, le Premier ministre Viktor Orbán a fait référence aux tensions actuelles avec les États-Unis : « Encore heureux que la Maison Blanche ait gardé son sens de l’humour, et que le président Biden, au lieu d’un bon ami [l’ancien Chargé d’affaires s’appelait Goodfriend, ndlr], nous ait envoyé comme ambassadeur un homme-pression, un « press-man » chargé de presser les Hongrois dans la guerre quel qu’en soit le prix, et de nous presser le jus d’une déclaration d’allégeance. C’est une bonne chose, l’humour peut favoriser l’amitié dans les temps difficiles. Mais il ne faudrait pas en arriver à nous envoyer la prochaine fois un individu du nom de Puccini ou de l’équivalent. »
Plus récemment, une note confidentielle du renseignement des États-Unis a fuité, qui, outre le fait d’être un aveu d’espionnage sur un allié, affirme que la Hongrie a réalisé « une escalade du niveau de rhétorique anti-américaine dans son discours ». Vu par la droite hongroise comme l’incarnation du progressisme et de l’impérialisme états-unien, David Pressman a donc ce mercredi poussé plus loin la pression sur la Hongrie en rapportant la décision des États-Unis de sanctionner la BII, institution bancaire soviétique puis russe, sur le déclin au fur et à mesure que ses membres la quittent, dont le siège a été déplacé de Moscou à Budapest en 2019. Ainsi, un citoyen hongrois est sur la liste des sanctions, Imre Laszlóczki, qui est vice-directeur de la BII. L’ambassadeur a expliqué que les États-Unis avaient plusieurs fois exprimé leurs craintes par rapport à la présence de cette banque, et que face à l’absence de mesures prises par la Hongrie, son pays avait décidé d’agir en conséquence.
Refusant les questions de la presse, sauf celle du média d’opposition RTL, l’ambassadeur n’a pas commenté les écoutes de gouvernements alliés.
Mise à jour, 13.04.2023, 18h45 :
La Hongrie a annoncé quitter la Banque Internationale d’investissement, dont elle possède 25,27 %.