Par Olivier Bault.
Pologne – Le 24 janvier, l’Institut de la mémoire nationale (IPN), dépositaire des archives des anciens services de sécurité de la dictature communiste, a rendu publics 6500 dossiers jusqu’ici classés secret défense. L’ensemble de la partie restée jusqu’ici confidentielle des services communistes doit être divulguée d’ici au 31 mars. Seuls les documents dont la divulgation pourrait encore compromettre la sécurité de l’État seront laissés dans les archives secrètes. Le processus de passage en revue des archives communistes est réalisé en collaboration avec les services de sécurité polonais. La directrice des archives de l’IPN a informé qu’à ce jour, sur plus de 14 000 dossiers contrôlés, plus de 8 000 ont reçu le feu vert pour être rendus publics. Les archives concernées ne contiennent toutefois pas les dossiers hérités du renseignement militaire de l’ancienne armée « populaire ».
La divulgation de ces dossiers, si elle peut se révéler gênante pour certaines personnes, y compris des personnes qui ont rempli des fonctions importantes dans la Pologne post-communiste, donnera aux historiens une vaste source d’informations sur la Pologne satellite de la Russie soviétique dans les années 1945 à 1990, et notamment sur le fonctionnement de sa police politique et de son contre-renseignement, ainsi que sur les personnes ayant collaboré ou ayant été ciblées par ces services.
Parmi les nouveaux documents consultés par l’historien Sławomir Cenckiewicz, vice-président du conseil d’administration de l’IPN, certains concernaient par exemple le colonel Ryszard Kukliński, alias Jack Strong, qui avait été exfiltré aux USA après avoir dévoilé aux Américains les plans d’attaque du Pacte de Varsovie, et le futur général, devenu chef du contre-renseignement de la Pologne démocratique au début des années 90, Gromosław Czempiński. C’est lui qui avait, en tant qu’officier du Service de sécurité (SB) communiste, mené l’opération contre l’agente de liaison de la CIA chargée des contacts avec Kukliński. Si ce dossier avait été placé dans les archives secrètes, c’est justement en raison de sa fonction importante dans la Pologne post-communiste. Même après la chute du communisme, le général Czempiński qualifiait le colonel Kukliński, dont les deux fils ont perdu la vie dans des circonstances non élucidées en 1994 (une vengeance des anciens services communistes ?), de traître. Car comme l’avait expliqué le général Jaruzelski lui-même : « Si Kukliński est un héros, alors qu’étions-nous ? Si on rend à Kukliński son honneur et qu’on l’innocente, cela veut dire que c’est nous qui n’avons pas d’honneur et que nous sommes coupables ».
La divulgation de ces archives secrètes pourrait donc encore faire des vagues et accentuer l’hostilité d’une certaine opposition face au PiS.