Hongrie – Les Hongrois ont reçu ces derniers jours dans leurs boîtes aux lettres une nouvelle consultation nationale initiée par le gouvernement et annoncée en septembre. Cette pratique récurrente du gouvernement hongrois s’inscrit dans une stratégie de légitimation d’actions réalisées ou sur le point de l’être, notamment face aux instances bruxelloises. Avec des taux de soutien indiscutables dans les questionnaires renvoyés, le gouvernement hongrois peut donc sereinement prendre des mesures qui vont à l’encontre de ce que souhaite la Commission, en arguant que c’est la volonté populaire, et donc, souveraine et incontestable.
Dans le contexte de crise économique et de guerre en Ukraine, le gouvernement de Viktor Orbán a donc décidé de lancer une consultation nationale sur la politique européenne de sanctions, laissant entrevoir l’éventualité d’une rupture avec l’UE sur ces questions qui se traduirait par, potentiellement, une sortie du marché commun de l’énergie, l’arrêt du vote des sanctions – jusqu’à présent, la Hongrie a voté toutes les sanctions européennes contre la Russie -, ou encore une demande d’extension du régime d’exception dont bénéficie la Hongrie – comme à l’heure actuelle pour le pétrole russe.
Accompagnant le questionnaire, les citoyens hongrois peuvent lire une lettre de Viktor Orbán, dont nous avons traduit le corps principal :
Les dirigeants bruxellois ont décidé, à cause de la guerre, d’introduire des sanctions économiques. Ils ont promis que les sanctions amèneraient la Russie à genoux, et mettraient un terme à la guerre.
Il est désormais évident que les sanctions acceptées en juin ne sont pas efficaces. Les prix de l’énergie se sont envolés, l’alimentation est de plus en plus chère, et l’inflation atteint un niveau inédit depuis des décennies. Les sanctions nuisent donc aux économies européenne et hongroise. Pendant ce temps, la Russie a même réussi à augmenter ses recettes.
Bruxelles, au lieu de corriger ses erreurs, veut maintenant étendre encore les sanctions. C’est une politique irresponsable qui aggravera les problèmes économiques.
Nous condamnons l’agression militaire de la Russie et nous aidons les réfugiés en provenance d’Ukraine. Cependant nous ne pouvons soutenir des décisions qui mettent en difficulté les familles hongroises. Nous n’avons pas besoin de sanctions inefficaces, mais bien de négociations de paix immédiates. La fin des sanctions bruxelloises peut mettre un terme à la hausse des prix et peut limiter les difficultés pour l’économie.
Le questionnaire est quant à lui composé d’affirmations du gouvernement hongrois, suivies chacune d’une question à laquelle il faut répondre par oui ou par non. Voici l’intégralité de la consultation nationale, qui doit être renvoyée avant le 9 décembre 2022 :
1. Bruxelles décide de sanctions sur le pétrole.
Après le début de la guerre, il y avait un accord pour ne pas étendre les sanctions au domaine de l’énergie. En contradiction avec cet accord, en juin, il a été décidé à Bruxelles d’interdire l’import depuis la Russie de pétrole et de produits pétroliers. La Hongrie a arraché une exemption, car il faudrait plusieurs années et plusieurs centaines de milliards de forints d’investissement pour remplacer le pétrole russe. L’embargo pétrolier, dans le cas de la Hongrie, conduirait à de graves problèmes d’approvisionnement et signifierait une gigantesque charge pour l’économie.
Êtes-vous d’accord avec les sanctions bruxelloises sur le pétrole ?
2. Ils veulent étendre les sanctions au transport de gaz.
Les dirigeants bruxellois veulent étendre les sanctions au transport de gaz. L’économie européenne dépend en grande partie du gaz russe (dans le cas de la Hongrie, cette dépendance est de 85 %). L’éventualité de sanctions sur le gaz a provoqué une hausse du prix de l’énergie plus importante que le déclenchement de la guerre en lui-même. Les conséquences sont déjà sérieuses. Le coût des charges pour les particuliers a déjà atteint un niveau record partout en Europe. La Russie menace de mettre fin à l’exportation de gaz en réponse aux sanctions. Cela signifie un risque pour le chauffage des logements et pour l’économie européenne.
Êtes-vous d’accord avec les sanctions sur le transport du gaz ?
3. Les sanctions bruxelloises s’appliquent aussi aux matières premières.
Bruxelles a également interdit l’importation de matériau combustible solide (par exemple, le charbon). Il y a un embargo sur l’acier et sur le bois également, et ils souhaitent étendre cet embargo à d’autres matériaux. Cette mesure a provoqué une hausse de prix drastique, augmentant la pression sur les ménages. La crise énergétique a pour conséquence un besoin croissant pour l’Europe de se procurer des combustibles solides, et l’Europe n’est pas capable de répondre à ce besoin par ses propres moyens d’extraction.
Êtes-vous d’accord avec l’application des sanctions aux matières premières ?
4. Ils souhaitent étendre les sanctions aux combustibles nucléaires.
Le Parlement européen et certains États membres souhaitent élargir les sanctions aux combustibles nucléaires. Les centrales nucléaires jouent un rôle crucial dans la production énergétique électrique de l’Europe. Une partie significative de ces centrales fonctionnent avec du combustible russe dont le remplacement, pour des raisons techniques, est impossible dans un délai court. C’est pourquoi une extension des sanctions aux combustibles nucléaires mettrait en péril la stabilité de l’approvisionnement européen en électricité et provoquerait une hausse des prix.
Êtes-vous d’accord avec l’extension des sanctions aux combustibles nucléaires ?
5. L’extension de la centrale nucléaire de Paks est dans la ligne de mire de la politique de sanctions.
La centrale nucléaire de Paks est pour la Hongrie la garantie d’une électricité bon marché. L’extension de la centrale se fait avec l’implication d’entreprises russes. De nombreuses personnes souhaitent étendre les sanctions nucléaires à l’extension de la centrale de Paks. Selon le Parlement européen et certains partis d’opposition, il faudrait même suspendre la coopération avec les entreprises russes existant pour le développement et l’extension de la centrale. La suspension de l’extension de la centrale pourrait conduire à une hausse supplémentaire des prix et à des problèmes d’approvisionnement électrique.
Êtes-vous d’accord pour étendre les sanctions aux investissements pour l’extension de la centrale nucléaire de Paks ?
6. La politique de sanctions n’épargne pas le tourisme.
Les sanctions ont des conséquences négatives également sur le tourisme européen, lequel n’est déjà pas dans une situation aisée après la période d’épidémie. Les limitations d’entrées dans l’UE ont provoqué une chute du nombre de touristes en provenance de Russie. Cette mesure touche notamment la Hongrie, en particulier à l’aune d’un effondrement du tourisme depuis l’épidémie. Il s’agit d’un secteur économique qui donne du travail à plusieurs centaines de milliers de personne dans notre pays.
Êtes-vous d’accord avec les sanctions touchant le tourisme ?
7. Les sanctions augmentent le prix de l’alimentation, et peuvent provoquer de nouvelles vagues migratoires.
Les sanctions ont également une influence importante sur l’approvisionnement alimentaire. La hausse du prix du gaz augmente grandement les coûts de production du secteur agricole, de plus, les sanctions concernent un certain nombre de composants pour engrais chimiques. La hausse des prix de l’alimentation accroît les risques de famine dans les pays en voie de développement. Cela peut conduire à des vagues migratoires plus importantes qu’auparavant, augmentant ainsi la pression sur les frontières de l’Europe.
Êtes-vous d’accord avec les sanctions responsables de la hausse des prix de l’alimentation ?