Article paru sur le site de l’OJIM le 20 janvier 2023.
Retour sur un rapport qui a déclenché l’ire des Ukrainiens
Amnesty International (AI), c’est ce mastodonte au budget annuel de plus 300 millions d’euros distribuant les bons et les mauvais points sur la scène internationale en matière de droits de l’homme et gardant les totems de la bien-pensance. En Hongrie, cette ONG est très active aux cotés de l’ambassade des États-Unis à Budapest contre le gouvernement de Viktor Orbán. En toute indépendance et au nom de la Démocratie, bien sûr ! Aujourd’hui, la branche hongroise de cette organisation est accusée par d’anciennes employées de discrimination et de harcèlement. En Hongrie, cette ONG aux liens évidents avec les réseaux mondialistes est tout sauf dormante, à tel point qu’il n’est pas exagéré de se demander si ses activités ne peuvent pas être qualifiées d’ingérence. En août 2022, AI a publié un rapport accusant les forces armées ukrainiennes de mettre en danger des populations civiles dans leur tactique de défense. Retour sur une affaire pour le moins surprenante au vu des affiliations géostratégiques de cette ONG.
Un comportement inhabituel
AI n’est pas véritablement connue pour esquinter les versions officielles de ses commanditaires occidentaux. Cette organisation a toujours fait preuve d’une grande fidélité dans la dénonciation sans concession des ennemis du Bien. D’ailleurs, son engagement de la première heure au service des différentes croisades otano-américaines a par le passé fait l’objet de polémiques. En 1990, AI répand la version bidon des couveuses du Koweït et facilite ainsi l’adhésion de l’opinion à l’entrée en guerre des Occidentaux contre l’Irak. Dans les années 2000, AI prend ouvertement part pour l’OTAN en lançant une campagne publicitaire appelant l’alliance de l’Atlantique Nord à continuer son bon boulot en Afghanistan.
Mais AI s’est aussi illustrée par une critique des prisons de Guantanamo et par des positions ayant considérablement secoué l’ukrainophilie ambiante. En effet, son rapport rendu le 4 août 2022 a provoqué l’émoi dans les rangs des adorateurs de Saint Zelensky. AI prétend alors que les forces ukrainiennes violent aussi les lois de la guerre, en ayant installé des bases militaires dans des zones résidentielles, comprenant des écoles et des hôpitaux, et en ayant lancé des attaques depuis des zones peuplées par des civils. Zelensky s’en mêle, les responsables d’AI Kiev éructent et l’ukrainologue en chef BHL crie au scandale. Trouble in paradise.
Ah cette joie mauvaise après le rapport d’#Amnesty! Cet autre «lâche soulagement» à l’idée que des victimes, acculées, puissent éventuellement commettre des erreurs! Encore un effort et on ne sentira plus tenu de rien, plus coupable de rien – adieu, alors, l’aide à l’#Ukraine !
— Bernard-Henri Lévy (@BHL) August 4, 2022
Pourquoi ce rapport ?
Certainement pas pour aller dans le sens de la version russe du conflit, ni même pour rééquilibrer la narration occidentale par un souci d’exactitude factuelle. Les organisations aussi bien intégrées aux sphères mondialistes ne font jamais rien au hasard et, ne soyons pas naïf, ont une vision à géométrie variable de la réalité et des faits.
Si AI a fait le choix de publier ce rapport, c’est avant tout pour rappeler à ses obligés ukrainiens qu’ils ne devaient pour rien au monde oublier à qui ils obéissaient. Ce rapport est assurément un moyen de serrer la bride sur les dirigeants kiéviens. Il ouvre une séquence chargées en termes d’évènements ayant été présentés comme des actions en solo de Kiev, pour lesquelles les maîtres occidentaux de l’Ukraine ont pu se dégager de toute responsabilité (assassinat de Daria Douguine le 20 août et explosion du pont de Crimée le 8 octobre). Le rapport d’AI a en partie contribué à laver de tout soupçon le rôle des alliés de l’Ukraine dans ces deux évènements. Les médias de grand chemin français ne l’évoquent presque jamais : le jeu politique consiste en premier lieu à faire place nette dans son propre camp avant de s’attaquer au camp adverse. C’est dans cette perspective que le rapport si décrié d’AI peut surtout se comprendre.
Une affaire qui en dit long sur la réelle nature d’Amnesty International
Autre angle de compréhension (déjà esquissé dans les précédents volets) : AI n’est pas tant un outil de l’impérialisme US (et encore moins un bras du néo-conservatisme) qu’une officine à la solde de réseaux mondialistes tendance Davos, qui ont d’ailleurs, n’en déplaise aux pro-russes français primaires, des ramifications russes et chinoises. Cet angle, l’Ojim le suggérait déjà dans un article paru le 5 mai 2022 à propos des positions prises par un seigneur néo-con américain, Robert Kagan, dans Foreign Affairs. Notre article soulevait l’hypothèse selon laquelle le conflit russo-ukrainien pouvait à bien des égards marquer la fin du néo-conservatisme US au profit des davosiens.
Voici ce que nous y écrivions :
« Washington serait sorti de la traditionnelle logique géopolitique de puissance pour prendre sa part dans un projet d’une autre dimension. On pense par exemple à la manière dont mesures sanitaires et sanctions contre la Russie s’imbriquent pour laisser place au même terreau et aux mêmes conséquences : hystérie climatique, conditionnement mental et contrôle de la liberté d’expression, pénuries, restriction des libertés, saccage du tissu industriel, monnaie numérique, crise alimentaire, etc. »
Un agenda bien plus large que la simple défense des intérêts US par la force. Pour y parvenir, un moyen des plus ignobles : ne pas chercher la victoire mais le pourrissement du conflit. Cette hypothèse tient d’autant plus même la presse polonaise s’en est récemment fait l’écho. AI a contribué à ce pourrissement avec son rapport-scandale, qui crée des signaux contraires dans la guerre de l’information menée par les alliés de l’Ukraine. L’envoi de ce type de signaux est une méthode de propagande éprouvée, elle rend les cibles de la propagande plus confuses et en bout de course affaiblies et plus vulnérables et malléables. Tout cela pour faire durer le plaisir, ou plutôt le malheur des victimes directes et indirectes de ce conflit.
En allant épisodiquement contre la narration officielle, AI joue son rôle dans ce mondialisme de type nouveau. Initialement simple outil impérialiste, cette ONG est pleinement intégrée à ce monde étant plus une imbrication de réseaux qu’un choc des empires. AI est on ne peut plus à la pointe en matière de défense des nouveaux piliers du mondialisme : agenda bio-sécuritaire, féminisme pathologique, totem du climat, primauté des droits LGBT, sacralisation de l’avortement, immigration massive, religion du multi-culturalisme, etc. Tout cela sur fond d’appauvrissement du continent européen. Elle sert de vivier d’informations à tous les médias de grand chemin, son action doit faire l’objet de la plus grande des vigilances.
Les points de vue et opinions exprimés dans cette tribune libre sont ceux de l’auteur, n’engagent que lui et ne reflètent pas nécessairement la position du comité de rédaction.