Hongrie – Le premier ministre conservateur Viktor Orbán est connu pour sa réthorique anti-immigration. Moins pour sa position nataliste. Cela va pourtant de pair.
« […] il y a en Europe aujourd’hui deux façons de considérer [le déclin et le vieillissement de nos populations]. L’une appartient à ceux qui veulent résoudre le problème démographique de l’Europe à travers l’immigration. Et l’autre point de vue, défendu par l’Europe centrale – et au sein d’icelle, par la Hongrie. Notre point de vue est que nous devons résoudre les problèmes démographiques en nous appuyant sur nos propres ressources et en mobilisant nos propres réserves, et – prenons-en conscience – en nous renouvelant spirituellement. »
C’est en ces termes que Viktor Orbán a une nouvelle fois mis en avant une dychotomie profonde au sein de l’Union européenne lors du 2e Forum Démographique du Sommet de la Famille de Budapest s’étant tenu fin mai. Pour l’homme fort de Hongrie, le refus de l’immigration va de pair avec une politique nataliste.
L’immigration, cheval de Troie du terrorisme
Ayant commencé son discours en rappelant la menace terroriste liée à l’immigration, Viktor Orbán a également rappelé que l’immigration changeait la nature et la qualité de vie des peuples d’Europe, et qu’elle représentait donc un risque également du point de vue compétitif pour les pays d’Europe.
Le premier ministre hongrois s’est fait connaître mondialement lors de son opposition à Bruxelles et à Berlin sur la question migratoire en 2015 en érigeant une clôture à la frontière sud de la Hongrie – et de Schengen – avec la Serbie. Viktor Orbán a depuis rappelé qu’il était prêt à tout pour « protéger les jeunes, les familles », y compris ériger un mur en lieu et place de la clôture, si cela devenait nécessaire. Pour lui, « Bruxelles est du côté des terroristes », et l’immigration est hors de question : selon le premier ministre, les Hongrois veulent « une Hongrie hongroise et une Europe européenne ».
Objectif 2030 : passer le taux de natalité de 1,5 à 2,1
Il s’agit pour le premier ministre hongrois de drastiquement « renverser la tendance ». Pour se faire, aux mesures déjà entreprises en 2015 – le programme CSOK en particulier, accordant des dons d’Etat pour l’achat ou l’aménagement d’immobilier par des familles de plus de deux enfants – le gouvernement hongrois met en place de nouvelles mesures « pro-familles ». En outre, le gouvernement dépense déjà 5% du PIB hongrois pour les familles.
Les nouvelles mesures annoncées sont les suivantes :
* pour les familles endettées, prise en charge de la dette par l’Etat à hauteur d’un million de forints (env. 3.300€) par enfant à compter du troisième
* construction et rénovation de crèches pour que toutes les familles y aient accès
* remboursement par l’Etat de 50% du prêt étudiant pour les femmes ayant leur deuxième enfant, et 100% dès le troisième enfant
* réduction supplémentaire des impôts pour les familles ayant plus de deux enfants
En parallèle, Viktor Orbán a également annoncé que la croissance du PIB serait comprise entre 3 et 5 % cette année et que le chômage était en passe d’être résorbé. Ces conditions sont, pour le chef du gouvernement hongrois, essentielles pour favoriser la croissance démographique.
Les mariages en Hongrie ont augmenté également de 40% depuis 2010, selon le député Fidesz Mariusz Révész.
Endiguer la saignée
Si ces mesures paraissent fortes – et elles le sont – c’est parce que la situation est catastrophique. Viktor Orbán ne le cache d’ailleurs pas. « En moins de quarante ans, nous avons perdu un million d’habitants. C’est plus que les pertes que nous avons endurées pendant la 2e Guerre Mondiale ».
L’émigration des Hongrois – en particulier vers l’Europe de l’Ouest – est également un facteur important de la dépopulation. 37% des jeunes prévoient de quitter la Hongrie, au moins temporairement.
Le faible taux de mariages, l’avortement, la perte progressive de la volonté – par individualisme mais aussi beaucoup par manque de moyens – de fonder un foyer sont des facteurs majeurs de la baisse démographique. Mais les espoirs du premier ministre semblent fondés, car en Hongrie, si les statistiques montrent que le taux de fécondité est de 1,5, la moyenne du nombre d’enfants souhaités est presque de 2.
L’urgence est donc indiscutable. Et le gouvernement hongrois ouvre donc la voie à une ère de politique nataliste importante et non-partisane. Il y a bien peu de chances que Viktor Orbán récolte lui-même les fruits de sa politique nataliste car il ne sera probablement plus candidat à une élection dans les années 2030…
Le tournant « illibéral » de la Hongrie prend tout son sens
L’organisation et le soutien du Congrès Mondial des Familles, ainsi que l’intervention de Viktor Orbán lui-même, ont été un symbole fort. Si la Hongrie s’inscrit désormais dans une ligne illibérale, elle reste pourtant un pays européen ordinaire en matière d’avortement ou de « droits des femmes ». Il est à noter toutefois que la Hongrie a cessé déjà de renouveller des aides accordées à des cliniques pratiquant l’avortement.
Mais lors du Congrès, les interventions ont ciblé aussi bien le libéralisme, l’ONU, l’avortement ou encore la promotion du droit des femmes, par opposition aux droits de l’Homme. Pour l’opposition libérale-libertaire, le soutien gouvernemental à ce Congrès, et la place donnée à la religion dans le débat autour de la notion de famille, sont des gestes forts qui font craindre un recul de l’influence des lobbies LGBT.