Par Ferenc Almássy.
Pologne, Varsovie – Le 11 novembre 2017, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Varsovie durant la marche de l’Indépendance, organisée tous les ans par une association nationaliste, et dont le slogan de cette année était « nous voulons Dieu ». L’opposition de gauche libérale qui tient la mairie de Varsovie a tenté de lancer une « fake news » sur l’événement, et la presse internationale a conspué la marche, le gouvernement polonais, et parfois le pays entier. Mais ce qui se dessine aujourd’hui est une dynamique identitaire forte en Pologne, allant de pair avec un accroissement du poids politique et diplomatique du pays. Par Ferenc Almássy, à Varsovie.
Le 11 novembre, les Polonais célèbrent le recouvrement de leur État indépendant, leur territoire national ayant été auparavant divisé entre Prussiens, Russes et Autrichiens.
Selon les organisateurs de l’événement, 125.000 patriotes ont défilé durant la marche de l’Indépendance (Marsz niepodległości) ce samedi 11 novembre dans la capitale polonaise faisant cette année de la marche, organisée tous les ans depuis 2009, un des plus grands succès en terme de participants. Des supporteurs de football aux familles avec poussette, en passant par des étudiants et des vétérans de la Seconde Guerre mondiale, toute la société polonaise semblait représentée dans cette marche de témoignage patriotique trans-courants. Selon la police, le nombre de participants était de l’ordre de 60.000. Trois contre-manifestants ont été vus le long du parcours.
Propagande, « fake news » et discours de haine anti-conservatrice
La mairie de Varsovie, aux mains du parti d’opposition PO, tente cependant de faire accroire que seuls 30.000 participants ont défilé sur la principale avenue de Pologne. En mai 2016, les manifestants de l’opposition libérale-libertaire dont fait partie le PO ont défilé contre le gouvernement. Le cortège de gauche avait mis une heure pour passer un point rue Nowy Świat, et selon la gauche polonaise, les participants étaient 240.000. Samedi, pour passer un point, le cortège de la Marsz niepodległości a mis 50 minutes, sur une avenue – Aleje Jerozolimskie – quatre fois plus large…
Si le chiffre de 30.000 avancé par l’opposition n’a pas été repris – les médias mainstream reprenant celui de 60.000 estimé par la police – les qualificatifs employés relèvent d’un parti pris terrible à l’égard de la Pologne et de sa gouvernance conservatrice. CNN propage que les nationalistes ont semé le trouble et provoqué la peur dans les rues de la capitale. D’autres médias très partiaux et anti-conservateurs ont qualifié de l’absurde et grotesque qualificatif de « fasciste » l’ensemble des participants …
Par delà la méconnaissance, les préjugés et la haine
… alors même que les slogans lancés par les participants dénonçaient le fascisme, le nazisme et le communisme contre lesquels les nationalistes polonais se sont battus, au sens propre. La Pologne a en effet été en guerre contre l’Allemagne nationale-socialiste et l’Union soviétique. La première a brisé la Pologne et rasé Varsovie, et la seconde a occupé et oppressé le pays pendant 45 ans.
Ces articles à charge, insultants et faisant fi de la déontologie du journaliste prouvent l’agenda politique d’un certain milieu transnational visant à détruire tout élément s’opposant à leurs vues, mais plus encore l’inquiétude face à l’ascension d’une conscience identitaire. L’usage de raccourcis par des gens ne connaissant rien à la Pologne, à l’Europe centrale voire à l’Europe, démontrent le visage haineux et l’absence d’éthique d’une caste détenant les clefs des principales rédactions de médias mondiaux, de CNN à Al Jazeerah en passant par the Daily News. L’ancien conseiller d’Hillary Clinton, Jesse Lehrich, est représentatif d’une caste libérale internationale haineuse et avide de stigmatisations de ses opposants politiques. Selon l’expert nord-américain, les Polonais ayant défilé étaient des « Nazis ».
Bien entendu, un certain nombre d’extrémistes ont également pris part à la marche, mais malgré la dénonciation de leurs propos d’appel à la violence par le gouvernement et les organisateurs, un certain nombre de médias généralisent leur attaque idéologique à tous les participants, voire à tous les Polonais.
Le nationalisme polonais veut se faire entendre et peser sur la scène politique
L’organisateur principal de la marche, Robert Bąkiewicz, nous a confié que leur association nationaliste espérait en effet avoir un rôle sur la scène politique. En 2015, après que le PiS a remporté la présidence et les élections parlementaires, les troubles cessent à la marche. « Depuis que le PiS est au pouvoir, on se rend compte qu’en fait la marche n’est pas du tout violente, » nous a déclaré Piotr Gliński, vice-Premier ministre et ministre de la Culture et du Patrimoine, un brin sarcastique. En effet, malgré la narration des mondialistes, il n’y a depuis 2015 plus aucun violence durant la marche…
Pour Robert Bąkiewicz, l’attitude du gouvernement envers la marche est appréciable, mais son association entend mobiliser la jeunesse en particulier, demandeuse d’un patriotisme plus important « après l’oppression communiste et face à la dissolution des identités amenée par l’Ouest ». Selon Mr Bąkiewicz, le gouvernement PiS n’est pas nationaliste et ses positions sur la scène internationale se rapprochent trop de ce qui est attendu des États-Unis ou de Bruxelles. Ils veulent pousser le gouvernement à aller plus loin dans la défense des intérêts de la Pologne.
« Ni Moscou, ni Bruxelles ! » était l’un des slogans régulièrement lancé depuis les camions des organisateurs durant la marche. Pour les nationalistes polonais, deux dangers menacent la Pologne et l’Europe : le libéralisme – comprendre, essentiellement le libéralisme des mœurs : agenda LGBT+, laïcité, individualisme… – et l’Islam, associé à l’immigration de masse, en particulier depuis l’arrivée massive, incontrôlée et chaotique de migrants via la route des Balkans en 2015, qui a également provoqué une augmentation du nombre d’attaques terroristes en Europe.
Pour eux, la solution repose sur l’unité dans la foi chrétienne, fondement de la civilisation européenne. « Nous voulons Dieu », le slogan de la marche de cette année, ponctuée de chants religieux polonais entendus entre les chants patriotiques des années 20 et le rap nationaliste, est assez explicite. Il fait également référence à un chant polonais utilisé durant le communisme. Le message est clair : le nationalisme polonais se veut identitaire et catholique, anti-communiste, anti-libéralisme et anti-islamisation.
Cette avant-garde nationaliste experte en métapolitique tente donc d’influencer le gouvernement conservateur du PiS, déjà riche de nombreux succès à l’échelle européenne et internationale : la contre-révolution culturelle annoncée par l’éminence grise du pouvoir polonais Jarosław Kaczyński avance à grands pas et une symbiose semble se dessiner entre la rue tenue par les nationalistes et les urnes tenues par le gouvernement conservateur. L’opposition est totalement déconstruite, malgré sa surreprésentation médiatique et le soutien massif et disproportionné des médias occidentaux. À mi-mandat, le gouvernement de Beata Szydło est passé de 37,6% des votes à l’automne 2015 à 47% d’intentions de vote aujourd’hui. De quoi détruire la propagande d’une gauche parlant d’un pays engoncé dans une crise politique et d’un gouvernement en difficulté et en perte de vitesse. Plus c’est gros, mieux ça passe, pourrait-on répondre à ce qui s’avère être de la part de l’opposition un aveu d’impuissance.
Un pays qui reprend confiance en lui-même
Tous ces indicateurs, la politique du gouvernement polonais et la capacité de nationalistes marginalisés par les gouvernements précédents de centre gauche de réunir des « patriotes polonais » par delà les orientations politiques pour une marche devenu le principal événement national polonais lors de la fête de l’Indépendance, montrent la dynamique politique d’un regain de confiance en soi des élites et du peuple de Pologne.
Avec le Groupe de Visegrád comme tremplin pour une politique centre-européenne unitaire autour des questions d’identités nationales, la Pologne s’aventure aujourd’hui à s’assumer comme ce qu’elle est : la principale puissance d’Europe centrale et orientale, et un poids lourd de la politique européenne. Ce pays dotée d’une conscience identitaire très forte mais non issue d’une idéologie car façonnée au fil des siècles par les agressions extérieures quasi permanentes, a toutes les cartes en main pour assumer ses besoins, ses envies et faire valoir ses attentes civilisationnelles.
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