Slovaquie – Tout commence avec le meurtre du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa compagne le 25 février. Depuis, le Premier ministre Robert Fico et le ministre de l’Intérieur ont démissionné, et les ONG mobilisent la rue pour déstabiliser le gouvernement qu’elles jugent corrompu. La souveraineté nationale slovaque est piétinée par les forces anti-gouvernementales et le pays entre en crise.
Le 25 février, Ján Kuciak et sa compagne sont assassinés. À côté des corps, on retrouve des douilles disposées comme le fait la mafia, rapporte la presse slovaque. Deux semaines plus tôt, Ján Kuciak avait publié un premier article sur les agissements de la mafia calabraise en Slovaquie. Il travaillait à un autre article sur le même sujet, qu’il n’a pas pu finir – et dont une version française est disponible ici.
L’histoire ne s’arrête pas à ce triste fait divers, aggravé par le fait que la cible soit un journaliste d’investigation – travaillant pour Aktuality.sk, appartenant à la coentreprise Ringier-Axel Springer. En effet, son travail a permis de mettre en avant des liens louches entre certaines personnalités proches du pouvoir et des éléments clefs de la mafia italienne présente et active en Slovaquie… vampirisant notamment des fonds européens – comme elle le fait aussi en Italie, en détournant l’argent de l’UE destiné à aider les clandestins.
Parmi les personnes désignées comme étant en lien avec la mafia, la jeune conseillère du Premier ministre Robert Fico, Mária Trošková, ancien mannequin de 30 ans, qui avant de connaître une ascension très rapide, avait co-fondé une société avec un homme d’affaire italien proche de la mafia. Autre personnalité proche, celui qui a servi de tremplin à Mária Trošková, le responsable de gestion de crise du gouvernement slovaque Viliam Jasan.
Les ONG entrent en scène
À ce stade, le Président libéral-libertaire Andrej Kiska décide d’intervenir à la télévision. Il appelle à ce que le gouvernement soit réorganisé en profondeur ou que des élections anticipées aient lieu. Robert Fico, le Premier ministre, réagit le lendemain sans détour devant ce qu’il considère comme une attaque contre la démocratie. Il demande pourquoi le Président Kiska avait rendu visite à George Soros chez ce dernier, à New-York, en septembre dernier.
En effet, pendant ce temps, les activistes étrangers affluent vers la capitale, Bratislava, et les ONG mobilisent leurs réseaux. Comme ailleurs, des réseaux organisés initient des mouvements de rues, avec la complicité d’un certain nombre de médias idéologiquement très proches et complaisants.
Pour Robert Fico, ce qui est en jeu est désormais la stabilité même de l’État slovaque. L’émotion suscitée par l’assassinat de Ján Kuciak et de son amie est rapidement récupérée politiquement par les mouvements anti-nationaux extrémistes, leur permettant de porter leurs idées sur le devant de la scène politique slovaque. Les appels à travers des médias étrangers à une ingérence de l’Union européenne sont légions. « On ne fait pas confiance à notre police, à notre justice, » peut-on lire comme « témoignages » dans tous les journaux occidentaux traitant de l’affaire.
Viktor Orbán notamment exprime son soutien à Robert Fico. « George Soros et ses réseaux utilisent toutes les opportunités pour faire tomber les gouvernements qui s’opposent à l’immigration, » a-t-il déclaré à la radio début mars, alors que les manifestations se multipliaient en Slovaquie « contre la corruption », « pour la démocratie » et « l’État de droit », thèmes servant habituellement de prétexte à l’ingérence des forces politiques mondialistes.
La pression populaire, amplifiée par les médias partisans, amène toutefois à ce que le gouvernement commence à céder. Le ministre de l’Intérieur, Róbert Kaliňák, accusé notamment par un procureur d’être impliqué dans des affaires de corruption, offre sa démission « pour que justice se fasse et que la stabilité de l’État soit préservée ». Retrait des affaires également pour la très décriée jeune conseillère du Premier ministre, afin que les enquêteurs puissent effectuer leur travail. Mais cela ne satisfait pas les manifestants : au contraire, cette victoire les encourage à aller plus loin, et à demander plus.
Le Premier ministre Robert Fico démissionne
Premier ministre de 2006 à 2010 et de 2012 au 15 mars 2018, Robert Fico est une figure majeure de la politique slovaque. Ce social-démocrate populiste a la langue bien pendue. Que ce soit face à l’immigration, la question tsigane ou à l’égard des journalistes – « vous êtes des prostitués, des idiots et des vipères, » avait-il dit une fois à leur égard lors d’une conférence de presse – l’homme a le sens de la formule choc.
Toutefois les mots n’ont pas suffit à sauver son poste. Robert Fico démissionne le 15 mars, mais en imposant trois conditions au Président Kiska.
- le Président Kiska devra respecter le résultat des élections législatives de 2016
- respecter et garantir l’accord de coalition qui a permis la mise en place du gouvernement actuel
- accepter que le SMER, le parti de Fico, propose son candidat à la tête du futur gouvernement
Ces conditions ayant été acceptées, Robert Fico laisse sa place à la gouvernance temporaire du vice-Premier ministre Peter Pellegrini, un fidèle lieutenant. Robert Fico annonce alors qu’il ne disparaîtra pas de la politique mais sera actif comme « président du principal parti politique slovaque ». Une retraite stratégique ? Robert Fico, en choisissant le Premier ministre devant le remplacer à la tête de la coalition qu’il a formée il y a deux ans pourrait ainsi se rapprocher du schéma de gouvernance existant en Roumanie. À Bucarest, le conflit entre le Président Iohannis inféodé à Berlin et aux États-Unis d’un côté, et le parti social-démocrate (PSD) patriotique a conduit à ce que le chef du PSD Liviu Dragnea – ne pouvant occuper aucune position gouvernementale – règne sur la Roumanie à travers ses lieutenants, des Premiers ministres nommés et révoqués au gré des crises à répétition. En Pologne également, dans un contexte bien plus favorable au parti dominant, le PiS – le président en étant un membre également -, le vrai pouvoir de l’exécutif repose dans les mains de l’éminence grise Jarosław Kaczyński. Peut-être assiste-t-on à la mise en place généralisée d’un nouveau système de gouvernance démocratique à la centre-européenne, où le président du grand parti au pouvoir dirige le pays indirectement à travers un cabinet de son choix ?
Quoiqu’il en soit, la démission de Robert Fico n’a pas non plus suffi aux manifestants et aux agitateurs professionnels présents en Slovaquie qui demandent désormais des élections anticipées, et l’intervention à tous les niveaux d’enquêteurs internationaux. Les références à la révolution de velours de 1989 ont également été nombreuses. Reste donc à savoir où cette crise mènera la Slovaquie.