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Fidesz – PPE : le feuilleton continue

Temps de lecture : 8 minutes

Par la rédaction.

Hongrie – La conclusion de la saga du PPE et du Fidesz n’est pas encore pour aujourd’hui. La dernière campagne du gouvernement hongrois liant l’actuel président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker (PPE) à George Soros avait fait réagir lourdement une partie des membres du PPE, qui ont demandé l’exclusion de leur encombrant partenaire hongrois. Quelques jours plus tard, Viktor Orbán avait évoqué pour la première fois un possible avenir du Fidesz en dehors du PPE.

Beaucoup attendaient une décision nette lors de la réunion du mercredi 20 mars, d’autant que le matin même Gergely Gulyás, ministre du cabinet du Premier ministre depuis 2018, déclarait qu’en cas de suspension du PPE le Fidesz quitterait le PPE.

Manfred Weber, candidat du PPE pour la succession de Juncker, s’était rendu à Budapest quelques jours auparavant pour tenter d’éviter l’exclusion du Fidesz, tout en donnant ses instructions à Viktor Orbán. Weber semblait préconiser une suspension du Fidesz pour éviter une exclusion qui lui aurait été dommageable d’un point de vue comptable en vue de l’accession à la présidence de la Commission européenne.

Au final, c’est une solution originale qui est sortie de la réunion :

  • il n’y a pas eu de décision d’exclusion ou de départ de prise,
  • un conseil de trois sages du PPE est chargé de rédiger un rapport pour le PPE au sujet du Fidesz ; ce conseil est composé de Wolfgang Schüssel (ancien chancelier ÖVP d’Autriche de 2000 à 2007), Herman van Rompuy (Premier ministre de Belgique en 2009 et Président du Conseil européen de 2010 à 2014) et Hans-Gert Pöttering (président du Parlement européen de 2007 à 2009),
  • le Fidesz aura aussi son propre conseil de trois sages chargés de discuter avec le conseil des sages du PPE ; le conseil du Fidesz est dirigé par Katalin Novák (vice-présidente du Fidesz ; Secrétaire d’État à la famille et à la jeunesse), accompagnée de Judit Varga (Secrétaire d’État en charge des relations avec l’Union européenne) et de József Szájer, chef de la délégation des députés européens du Fidesz,
  • durant cette période qui devrait durer trois mois où le conseil des sages préparera un rapport, le Fidesz gèle unilatéralement ses droits au sein du PPE.

Cette décision, comparée à la suspension provisoire de l’ÖVP en 2000 (lorsque Wolfgang Schüssel avait constitué un gouvernement avec le FPÖ de Jörg Haider), a été adoptée par la quasi-unanimité des membres (190 en faveur dont ceux du Fidesz ; 3 votes contre).

Cette décision a permis provisoirement d’éviter de trancher des désaccords lourds, entre les partisans de l’exclusion du Fidesz, les partisans du compromis et les partisans de Viktor Orbán (les conservateurs slovènes, dont le pays est encore sous la pression de la route migratoire des Balkans, ayant été les plus bruyants défenseurs du Premier ministre hongrois).

En attendant, l’unité du PPE semble préservée jusqu’aux élections européennes du mois de mai. Mais les discussions s’annoncent animées au mois de juin, période où se constituent les groupes et se négocient les postes au sein de l’Union européenne (présidence et composition de la Commission européenne, présidences et compositions des commissions du Parlement européen).

En tout état de cause, l’aile libérale du PPE n’est pas encore débarrassée du caillou hongrois dans sa chaussure.

Cette situation laisse le Fidesz dans une position à la fois précaire et forte, puisqu’en fonction des résultats des élections européennes (dont tous les sondages montrent que le PPE sortira affaibli) cela laisse une fenêtre de tir à Orbán pour être en position de faiseur de roi.


Déclaration de Viktor Orbán lors de la conférence de presse internationale qui a suivi l’Assemblée du PPE (20 mars 2019, Bruxelles)

Bonsoir Mesdames et Messieurs,

Si vous me le permettez je vais m’exprimer en hongrois, je vous prie donc d’utiliser vos casques. Si vous avez des questions en anglais, je vous répondrai en anglais, mais en raison de la présence des médias hongrois je m’exprimerai d’abord en hongrois.

Nous avons eu un débat très intéressant, stimulant et éclairant. Dans le contexte de la politique européenne, je suis un vieux combattant, et je ne pensais pas que quelque chose que je n’avais pas encore vu nous arriverait. Mais la beauté de la politique en général – y compris de la politique européenne – est qu’il est toujours possible que se passent des choses inédites. Vous savez que ces dernières semaines l’avenir du PPE est devenu un objet de débat. Ce débat, dont je vous fais le rapport maintenant, était centré sur l’avenir du PPE. Le Parti Populaire Européen est une entreprise courageuse sans précédent. Nous parlons d’une famille politique allant de partis très libéraux de la gauche jusqu’à des partis chrétiens et conservateurs de droite comme le nôtre [ndt : le Fidesz]. La particularité de cette expérience est la tentative de maintenir ces partis très divergents au sein d’une même communauté ; et historiquement – de Helmut Kohl à Wilfried Martens – cela a permis de faire du PPE la plus grande force parmi les partis politiques européens.

Je ne pense pas que le centre d’intérêt ici soit le Fidesz. La raison pour laquelle vous êtes aussi nombreux ici n’est pas que vous êtes intéressés par les affaires du parti de gouvernement d’un pays de 10 millions d’habitants : vous êtes aussi nombreux ici car vous êtes intéressés par l’avenir de l’Europe – dans lequel le PPE joue un rôle décisif. Vous avez vu dans les dernières semaines que 13 partis politiques – l’aile libérale de gauche de cette grande et diverse communauté – ont proposé l’expulsion de l’aile droite du PPE, qui sont l’aile chrétienne-conservatrice, ce que nous sommes. Ils transformeraient ainsi le PPE en une organisation avec un profil beaucoup plus étroit, un centre de gravité qui n’est pas celui que nous avons actuellement, mais beaucoup plus à gauche et dans une direction libérale.

Le débat portait donc sur l’avenir de la nature du PPE. C’est aussi ainsi que nous avons abordé cette question. Le fait que tout cela se soit produit à la veille d’une campagne électorale a conféré une dimension particulière à ce débat. Et je dois dire qu’aucune formation politique ne peut recevoir un plus beau cadeau que de voir son adversaire se diviser deux mois avant une élection. Tandis que l’enjeu était la nature de l’avenir du parti populaire européen et savoir quelle sera sa nature spirituelle et idéologique, il y avait aussi la question de savoir si le PPE sera en mesure de restaurer son unité et d’agir comme un parti unifié durant l’élection, en vue de vaincre les socialistes et que le PPE reste la plus grande famille politique dans l’Union européenne. C’est ce qui était en jeu aujourd’hui. Bien que j’aie essayé, nous avons vu que nous étions incapables de convaincre les 13 partis de retirer leur demande visant à nous expulser du PPE. J’ai essayé de parvenir à cela, j’ai demandé aux présidents de partis de voir cela, car ce n’est pas bon ni pour la campagne ni pour le PPE à long terme. Ils n’ont toutefois pas souhaité cela, il y a donc eu un débat aujourd’hui. S’ils avaient retiré leur demande, il n’y aurait pas eu besoin de ce débat aujourd’hui. Mais ils ont insisté sur notre expulsion, nous avons donc discuté de cela trois heures durant.

Le résultat final est qu’à l’avenir nous voulons que le PPE reste le plus grand parti politique européen. Nous souhaitons être en mesure de mener une campagne unifiée. Et à long terme nous ne voulons pas que le PPE soit dominé par les idées de la gauche libérale mais reste une famille politique équilibrée. Cela ne sera possible que si nous en faisons partie, en tant que parti qui représente les valeurs chrétiennes-conservatrices. C’est pourquoi dans l’intérêt de cette unité nous avons choisi une solution qui rappelle le scénario de 2000. Nous avons proposé cela comme compromis. En 2000, c’était le scénario autrichien. À cette époque, il y avait une volonté d’exclure l’ÖVP autrichienne, car l’ÖVP avait formé un gouvernement de coalition avec Jörg Haider.

Et donc ensuite, L’ÖVP et son président Schüssel ont été invités à passer dans des petits procès en inquisition à Bruxelles, qui ont abouti avec la solution du scénario autrichien. Le PPE a invité trois sages à produire un rapport, et sur cette base il a été possible de décider sur l’avenir à long-terme du PPE, et des relations entre le PPE et l’ÖVP. Nous avons longuement et durement réfléchi sur l’éventualité de proposer cette solution autrichienne. Finalement, nous sommes arrivés à la conclusion que ce qui avait été bon pour les Autrichiens le serait également pour les Hongrois, et quelque chose qui n’était pas indigne pour le Président Schüssel ne sera pas indigne pour moi non plus.

Effectivement, étant donné que M. Schüssel sera membre de ce comité de trois sages je peux dire que M. Schüssel était sous examen approfondi il y a 20 ans au sujet de l’État de droit, et maintenant il sera l’un de ceux qui vont examiner l’État de droit.

Cela veut dire que dans 20 ans je vais aussi examiner des affaires relatives à l’État de droit, chez les Suédois ou d’autres libéraux scandinaves par exemple. C’est une perspective attrayante pour moi et nous avons donc pensé que c’était une solution acceptable.

Après cela – une fois ce comité de trois sages convenu – nous avons eu à répondre à la difficile question de ce qu’il va se passer pendant qu’ils préparent leur rapport. Et ici, de nouveau, nous avons revisité le scénario autrichien : les Autrichiens avaient insisté sur le fait qu’ils ne pouvaient être exclus ou suspendus ; et c’est aussi ce sur quoi nous avons insisté. De par la volonté des citoyens hongrois, nous avons reçu lors des trois dernières élections européennes 47, 56 et 52% des suffrages. De toute évidence, un tel parti ne peut accepter d’être suspendu ou exclu, mais se lèverait et partirait de son propre chef. La solution que nous avons choisie est que pendant que ces trois personnes préparent leur rapport, nous gelons unilatéralement l’exercice de nos droits. Nous gelons unilatéralement l’exercice de nos droits, attendons pour le rapport de ces trois personnes, et ensuite nous nous asseyons de nouveau pour discuter avec le PPE.

Nous avons également décidé d’établir notre propre comité de trois sages issus du Fidesz. Ce comité sera dirigé par Katalin Novák, qui sera accompagnée par notre déléguée aux affaires étrangères Judit Varga – qui s’occupe des affaires européennes – et József Szájer. Ce sont nos trois représentants qui seront engagés dans des discussions avec les trois personnes déléguées par le PPE. Après les élections européennes nous attendons d’eux de transmettre leur rapport au Fidesz sur la façon dont nous devrions établir les rapports entre le PPE et le Fidesz, s’il y a une place pour le Fidesz dans le PPE ou dans quel type de PPE nous avons notre place, et ce que nous devons représenter au sein du PPE.

Donc pour le moment je peux vous dire que la bonne nouvelle est qu’aujourd’hui le PPE a pris une bonne décision car il a préservé son unité. Il a pris une bonne décision en nous permettant de lancer une campagne unie. Il a pris une bonne décision car nous pouvons continuer à soutenir M. Weber, notre Spitzenkandidat. Et nous avons pris une bonne décision car nous n’avons fermé aucune porte, et après les élections le PPE et le Fidesz pourront librement décider de nos relations.

Bien évidemment aujourd’hui il n’y avait pas de discussion de fond, puisque nous étions concentrés sur l’interaction des forces politiques. Pour ma part, lors de ma contribution j’ai clairement établi que nous ne voulons pas changer notre point de vue : l’essence de notre point de vue politique européen est que nous voulons une Europe forte. Je pense que vous devez savoir que, au sein de l’UE, les degrés les plus élevés de soutien à l’adhésion à l’UE se trouvent en Hongrie et en Pologne. Nous avons construit ce soutien en Hongrie durant les 9-10 dernières années. Nous continuons à être engagés en faveur d’une Union européenne forte, nous ne souhaitons pas changer notre perspective politique, nous ne pouvons pas imaginer le moindre changement concernant nos positions sur la question migratoire, de même que nous ne pouvons imaginer de compromis sur la défense de la Chrétienté européenne, la défense des valeurs et de la culture chrétiennes. À l’avenir, nous continuerons à représenter cette ligne politique, et lorsque les négociations commenceront nous devrons établir cela clairement aux trois sages.

La seule question maintenant est : « Et ensuite ? » Il convient d’appliquer le sage dicton «Les premières choses d’abord ». Donc, si vous le permettez, maintenant je ne souhaite pas m’occuper des spéculations si nos trois sages et les trois sages du PPE ne parviennent pas à se mettre d‘accord, et qui, comment et dans quelle direction nous continuerons notre avenir en dehors du PPE si nous y sommes contraints. C’est une spéculation compréhensible, mais actuellement le temps n’est pas venu de s’occuper de cela, et nous allons mettre cela de côté pour le moment. Nous allons faire campagne pour le PPE, nous allons faire campagne pour la victoire du PPE et nous allons concentrer exclusivement nos efforts sur la campagne. Lorsque nous rencontrerons le PPE de nouveau ici à Bruxelles, le PPE sera toujours la plus forte alliance de l’Union européenne, puisqu’il sera celui qui compte le plus grand nombre de membres et le groupe parlementaire le plus large. C’est à cela que nous devons travailler dans les prochains mois, et toute autre question suivra. Ce sera un travail agréable, et pas pour les timorés !

Merci beaucoup de votre attention.