Par Olivier Bault.
Pologne – Conférence de presse commune dimanche à Varsovie, dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, avec le leader du parti libertaire homosexualiste et anticlérical Wiosna (Printemps), puis critique de la Pologne au Conseil de l’UE qui se tenait à Luxembourg mardi à propos de la procédure de sanction intentée sur son initiative par la Commission européenne : le travailliste hollandais Frans Timmermans n’a pas peur du mélange des genres. Premier vice-président de la Commission européenne, il est pourtant chargé des questions d’État de droit. On pourrait donc s’attendre à ce qu’il respecte lui-même scrupuleusement l’État de droit.
Or on peut lire dans le Traité sur l’Union européenne en vigueur que « la Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin » (article 17, par. 1) et que « la Commission exerce ses responsabilités en pleine indépendance » et « (…) les membres de la Commission (…) s’abstiennent de tout acte incompatible avec leurs fonctions ou l’exécution de leurs tâches » (article 17, par. 3).
Comment Timmermans peut-il défendre l’intérêt général de l’Union et prétendre s’abstenir de tout acte incompatible avec ses fonctions s’il accuse le parti au pouvoir en Pologne d’avoir porté atteinte à l’indépendance de la justice par ses réformes et s’il soutient en même temps ouvertement la campagne électorale d’un parti polonais d’opposition ? Sans compter que Timmermans est encore candidat du groupe socialiste au Parlement européen pour la succession de Jean-Claude Juncker et qu’il mène donc campagne aussi pour lui-même. Même le correspondant du Wall Street Journal, que l’on ne saurait soupçonner de sympathies pour les « populistes », estimait le 3 avril après une conférence de presse de Frans Timmermans : « Plus j’écoute Timmermans parler d’État de droit et répondre aux questions, plus il me semble évident que les spitzenkandidaten devraient quitter provisoirement leur poste européen rémunéré pendant la campagne. Cela jette une ombre de soupçon politique sur tout ce qu’ils font, à tort ou à raison ».
Mardi, au Conseil des ministres des Affaires européennes de l’UE, 11 pays ont exprimé, sous le leadership franco-allemand,leur soutien pour l’action de Frans Timmermans contre la Pologne. Pour enclencher la procédure de sanction de l’article 7, il en faudrait néanmoins 22, soit le double.
Dans un entretien publié mercredi sur le site Euractiv (financé par la Commission européenne), le Hollandais Frans Timmermans, dont le parti travailliste n’a obtenu que 5,7 % des voix aux élections législatives néerlandaises de 2017, a ensuite appelé à la formation d’une majorité progressiste après les élections de mai au Parlement européen. Pour Timmermans, « l’époque de la domination de deux partis au Parlement européen touche à sa fin » et il va maintenant falloir inviter les libéraux de l’ALDE (que rejoindra très probablement le parti LREM d’Emmanuel Macron) à l’éternelle Große Koalition entre le groupe socialiste et le PPE (dont font partie les LR de Laurent Wauquiez). « Au vu des pronostics actuels, je pense qu’on aura aussi besoin des libéraux progressistes dans cette équation », a-t-il insisté, en ajoutant : « Ce serait bien de pourvoir faire la fine bouche, mais on parle d’Europe, vous êtes obligés de trouver des coalitions et des compromis et je vais essayer de faire comprendre ça autant que possible au camp progressiste ».
Et le travailliste hollandais de poursuivre : « Ma plus grande peur est que la jeune génération du PPE a de moins en moins de complexes à travailler avec l’extrême droite, ce qui pour moi est absolument impensable. (…) La raison pour laquelle je ne veux pas coopérer avec l’extrême droite n’est pas que leurs idées ne sont pas assez sociales mais parce qu’ils ont une vision différente de l’humanité, de la société ».
Or, comme beaucoup de socialistes, Frans Timmermans semble classer à l’extrême droite tous les partis un tant soit peu conservateurs et hostiles à une Union européenne fédérale, ce qui vaut donc aussi pour le PiS polonais. En outre,Timmermans est partisan de ce que la Commission européenne cherche à imposer le « mariage gay » à tous les pays de l’UE, et le PiS a justement dans ce domaine « une vision différente de l’humanité, de la société ». Deux bonnes raisons pour s’en prendre au gouvernement et à la majorité parlementaire en Pologne, fussent-ils issus d’élections démocratiques.
Les questions d’État de droit brandies par le premier vice-président de la Commission européennes ne seraient-elles pas rien d’autre qu’un prétexte pour s’en prendre à ses adversaires politiques et idéologiques ?