Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Pologne : le PiS largement en tête des sondages à l’approche des élections malgré les nombreuses « affaires »

Temps de lecture : 5 minutes

Par Olivier Bault.

Pologne – Les médias d’opposition ont beau sortir des affaires à grand renfort d’effets d’annonces, rien n’y fait. Le parti social-conservateur Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński semble bien parti pour reconduire sa majorité absolue au parlement polonais lors des élections législatives du 13 octobre prochain. Si cette prévision se vérifie, ce sera la deuxième fois qu’un parti politique obtient une majorité absolue à la Diète, malgré le scrutin à la proportionnelle (selon la méthode d’Hondt, avec un avantage au vainqueur), depuis la chute du communisme en 1989-90. La première fois, c’était quand le PiS avait remporté les élections en 2015.

Malgré la dernière affaire concernant une action de cyber-harcèlement menée contre des juges hostiles aux réformes du PiS menée depuis le ministère de la Justice, par des juges recrutés par le ministre Zbigniew Ziobro, dont un secrétaire d’État qui a démissionné suite aux révélations du site Onet.pl, le PiS caracole toujours aussi haut dans les sondages. La moyenne des sondages de septembre (telle que consultée le 20 septembre sur le site ewybory.eu) donne 44,3% d’intentions de vote au PiS contre 26,5% à la Coalition civique (KO) regroupant les libéraux de la Plateforme civique (PO), les libéraux-libertaires de Nowoczesna (« Moderne ») et les Verts de gauche libertaire. La coalition de gauche, Lewica (« Gauche »), peut quant à elle compter sur 11,7% des voix des électeurs polonais à en croire les mêmes sondages. Elle regroupe les sociaux-démocrates du SLD (le parti héritier de l’ancien parti communiste), les progressistes LGBT du parti Wiosna (« Printemps ») et l’extrême gauche sociale du parti Lewica Razem (« La gauche ensemble »). Vient ensuite le bloc formé par le parti agraire PSL et le parti « anti-système » de droite Kukiz’15 (du nom de son leader), crédités de 6,2% des intentions de vote, talonnés par les nationalistes et leurs alliés libéraux-conservateurs à 4,2%. Ces deux derniers blocs ne sont donc pas sûrs d’atteindre le seuil minimum de 5% pour entrer à la Diète.

Les médias d’opposition les plus engagés politiquement ne comprennent pas une telle popularité malgré toutes les affaires qui, à leurs yeux, entachent la présente législature dominée par le PiS. Car d’autres affaires avaient coulé la gauche post-communiste en 2005 (elle ne s’en est toujours pas remise) et ont grandement contribué en 2015 à faire perdre les amis de Donald Tusk, le Premier ministre polonais qui s’était réfugié à Bruxelles dès 2014. Le problème de l’opposition, c’est que, comparées aux affaires du SLD et de la Plateforme civique, celles du PiS paraissent sans doute trop peu compromettantes pour le gouvernement en place du point de vue des électeurs. En outre, même quand elles devraient logiquement l’être, comme dans cette affaire de cyber-harcèlement depuis le ministère de la Justice, elles n’arrivent visiblement plus à émouvoir un électorat déjà blasé par les pétards mouillés des affaires précédentes divulguées par les médias d’opposition.

La première grosse affaire qui aurait pu ébranler la domination du PiS si la responsabilité de membres du gouvernement ou de responsables du parti avait pu être démontrée, ce qui n’a pas été le cas, date de novembre 2018. Il s’agit de l’affaire KNF, du nom de l’autorité de surveillance financière (Komisja Nadzoru Finansowego). Le 13 novembre 2018, le journal Gazeta Wyborcza (férocement engagé contre le PiS) publiait la transcription de l’enregistrement d’une conversation de l’homme d’affaires Leszek Czarnecki, propriétaire d’une banque en difficulté, la Getin Noble Bank, avec le président du KNF Marek Chrzanowski. C’est Czarnecki qui avait réalisé cet enregistrement quelques mois auparavant, en mars, alors que Chrzanowski lui avait demandé un entretien en tête-à-tête. L’enregistrement prouvait que le président du KNF avait proposé à l’homme d’affaire d’embaucher un certain juriste de ses amis au conseil de surveillance de la Getin Noble Bank en échange de la bienveillance de l’autorité de surveillance financière, ce qui est bien entendu totalement illégal. Selon Czarnecki, la rémunération demandée pour cet ami du président du KNF correspondait à 1% du capital de la banque, même si le montant demandé n’est pas énoncé sur l’enregistrement puisqu’il aurait été inscrit sur un bout de papier. Chrzanowski a dû démissionner le lendemain des révélations du journal et il fait l’objet de poursuites du parquet. Si sa brillante carrière a pris fin brutalement, aucun membre du gouvernement ou du PiS n’a été à ce jour été impliqué dans cette affaire. La seule chose compromettante pour le PiS, c’est que c’est lui qui avait conduit à la nomination de Chrzanowski à la tête du KNF.

L’autre « grosse » affaire qui devait faire perdre au PiS tout crédit aux yeux de ses électeurs, selon Gazeta Wyborcza et l’opposition anti-PiS, c’est l’affaire « Srebrna Towers » (ou « Kaczyński Towers » / « K-Towers »), du nom de deux tours de 190 mètres de haut qu’une société liée au PiS projetait de faire construire sur un terrain lui appartenant à Varsovie. Le journal était une nouvelle fois entré en possession d’un enregistrement jugé compromettant pour le PiS et même, en l’occurrence, pour Jarosław Kaczyński en personne. L’enregistrement était l’œuvre d’un homme d’affaire autrichien chargé de préparer le projet. Un Autrichien qui a par ailleurs de lointains liens de parenté, par alliance, avec Kaczyński. Gazeta Wyborcza avait annoncé la veille de sa publication, en faisant circuler des bruits de couloir, une véritable bombe atomique qui allait faire exploser le PiS en vol. Des bruits de couloir repris par d’autres journalistes et politiciens d’opposition déjà tout frétillants d’impatience. Mais quand Gazeta Wyborcza a fait exploser sa bombe le 5 février dernier, la Pologne a bien ri. Y compris l’auteur de ces lignes en lisant la transcription de l’enregistrement avec les passages soulignés et mis en évidence par le journal, car ces passages, comme le reste de la conversation, n’avaient rien de scandaleux. C’était un gros pétard mouillé dont la force de détonation n’a pu être renforcée par la profusion d’articles et opinions publiées par le journal afin de convaincre du caractère compromettant pour Kaczyński de sa conversation concernant le projet de construction. En gros, c’était une discussion d’affaires pendant laquelle le président du PiS expliquait à son interlocuteur autrichien qu’il fallait abandonner ce projet parce que, d’une part, les médias hostiles au PiS allaient l’exploiter pour attaquer l’image du parti et que, d’autre part, de toute façon la ville de Varsovie aux mains de la PO refusait d’accorder les autorisations nécessaires pour des raisons politiques. L’Autrichien exigeait d’être payé pour le travail fait, ce à quoi le Polonais répondait qu’il avait bien l’intention de le payer, mais qu’il lui fallait des justificatifs, c’est-à-dire des factures et le détail des prestations réalisées, afin que tout soit parfaitement légal et documenté. En bref, s’il ressortait de cet enregistrement que le PiS investissait dans l’immobilier par le biais d’une société privée (ce qui n’est pas illégal et n’est pas propre à ce parti), il ressortait aussi, malgré toutes les circonvolutions intellectuelles et tous les effets de langage de Gazeta Wyborcza et de l’opposition, que Jarosław Kaczyński est un homme honnête, attaché au respect de la légalité et impuissant (alors qu’il est toujours présenté par l’opposition comme une éminence grise toute puissante en Pologne) face à une mairie de Varsovie qui, elle, abuse de son pouvoir.

Comme dans l’histoire du berger qui criait au loup, après cette fausse bombe atomique, il n’est pas étonnant que des affaires comme celle des juges cyber-harceleurs n’ait plus aucun impact sur les sondages. Pas plus que l’affaire de ce juge promu par le ministre de la Justice Zbigniew Ziobro et nommé avec les voix des parlementaires du PiS au Conseil national de la magistrature (KRS) qui avait, selon les révélations de Gazeta Wyborcza ce mois-ci, publié en 2015 sur Internet, en utilisant un pseudonyme, un commentaire violemment antisémite qui lui vaut d’être aujourd’hui sous le coup d’une enquête du parquet. Une enquête qui dure depuis quatre ans. Il en va de même pour l’affaire du maréchal (président) de la Diète Marek Kuchciński, accusé d’avoir souvent fait voler des membres de sa famille à bord d’un avion gouvernemental. La stratégie payante du PiS, notamment à l’approche des élections, consiste à limoger ou faire démissionner les personnes impliquées. C’est ainsi que Kuchciński a été remplacé en août pour désamorcer l’affaire et l’on n’en parle plus beaucoup aujourd’hui.

Outre le fait que les électeurs, mis à part ceux qui pensent déjà tout le mal possible du PiS, ne prennent plus trop ces affaires au sérieux, elles donnent l’impression de n’être de toute façon que des affairettes aux yeux de ceux, nombreux, qui se souviennent des grosses affaires des législatures précédentes. D’autant que le PiS prend soin de conserver toute leur fraîcheur à ces affaires compromettantes pour la PO à coups de commissions d’enquêtes parlementaires qui viennent justement de rendre leurs rapports à l’approche de la fin de la législature en cours.

 

Suivez l’actualité polonaise sur Facebook, en français, avec Olivier Bault !