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Marie d’Anjou, « roi » de Hongrie

Temps de lecture : 5 minutes

Le 17 mai 1395, la reine de Hongrie, Marie d’Anjou, mourrait dans les bois près de Buda à la suite d’une chute de cheval ayant provoqué une fausse couche alors qu’elle s’y était aventurée sans la moindre escorte. Ainsi s’achevait à 24 ans la vie d’une souveraine dont le destin fut tragique à tout point de vue.

Fille de Louis 1er de Hongrie 

Née en 1371, Marie était la seconde fille de Louis 1er, roi de Hongrie (1342-1382) et de Pologne (1370-1382) – de la dynastie d’Anjou-Sicile, une lignée cadette des Capétiens –, et d’Élisabeth de Bosnie (fille du ban de Bosnie Étienne II Kotromanić). Comme il fut privé de descendance mâle, Louis 1er s’évertua à légitimer sa succession par ses filles – Catherine, Marie et Hedwige – au sein de son royaume qui regroupant la Hongrie, la Croatie, la Valachie et la Pologne, s’étendait alors de la Baltique à l’Adriatique et même jusqu’au Sud de l’Italie. C’est ainsi qu’il fiança sa fille aînée Catherine (Katalin) avec Louis de Valois, duc d’Orléans et fils du roi de France Charles V, dit le Sage, et Marie avec Sigismond de Luxembourg, fils de Charles IV, empereur d’Allemagne, roi de Bohême et d’Italie. Le contrat de mariage entre Sigismond (sept ans) et Marie (quatre ans) fut signé à Brno en Moravie le 14 avril 1375.

Fiancée à Sigismond de Luxembourg 

Trois ans plus tard la sœur aînée de Marie, Catherine, mourut en mai 1378 et Louis 1er reconfirma en juin 1379 à Zólyom (Zvolen) avec le frère aîné de Sigismond, Venceslas de Luxembourg, roi d’Allemagne et de Bohême, l’alliance précédemment conclu avec son père entre-temps décédé. Cependant, de nombreux membres de la noblesse polonaise voyaient cette alliance d’un mauvais œil à cause de l’origine allemande de Sigismond, c’est pourquoi Louis 1er réunit en août 1379 les magnats et prélats polonais à Cassovie (Košice) afin de leur ordonner de reconnaître les droits de Marie sur le trône de Pologne, une exigence que ceux-ci n’acceptèrent que sous la contrainte, Louis 1er les ayant pratiquement retenus prisonniers dans la ville jusqu’à ce qu’ils s’inclinent. Le mois suivant, les fiançailles de Marie et Sigismond furent célébrées en grande pompe à Nagyszombat (Trnava) et Sigismond fut désormais élevé à la cour de Hongrie.

Couronnée « roi » de Hongrie à Székesfehérvár 

Lorsque Louis 1er mourut le 10 septembre 1382, les Hongrois reconnurent immédiatement cette jeune fille d’à peine onze ans comme leur légitime souveraine et l’archevêque d’Esztergom, le cardinal Dömötör, la couronna une semaine plus tard comme « roi de Hongrie » (rex Hungariae) en la cathédrale de Székesfehérvár où étaient traditionnellement intronisés les souverains du pays. Son fiancé Sigismond était absent de cette cérémonie ce qui laisse à penser que la mère de Marie, la régente Élisabeth, voulait empêcher le couronnement de ce dernier.

Prétentions de Charles de Durazzo

Tandis qu’Élisabeth prit le cardinal Dömötör et le palatin Miklós Garai comme proches conseillers, de nombreux barons du royaume commencèrent à douter du bien fondé d’être gouvernés au nom d’une reine et à considérer Charles de Durazzo, comme un plus légitime successeur à Louis 1er. Par ailleurs, la noblesse polonaise exigea à plusieurs reprises en novembre et décembre 1382 que leur future souveraine – que ce soit Marie ou sa sœur cadette Hedwige – s’installât de manière permanente en Pologne avec son époux. Finalement, des émissaires d’Élisabeth délièrent les magnats polonais de leur allégeance à Marie et proclamèrent qu’Hedwige se rendrait en Pologne pour en être la souveraine.

Révolte en Dalmatie 

Au printemps 1383, le prieur de Vrana (en Dalmatie), Ivan Paližna, se souleva contre la régence d’Élisabeth qui fit assiéger Vrana qui se rendit en novembre de la même année tandis qu’Ivan Paližna devait s’enfuir en Bosnie voisine. Dans le but de renforcer la position de Marie face aux prétentions de Charles de Durazzo, la régente Élisabeth engagea des négociations avec la France tendant à substituer Marie à sa défunte sœur aînée Catherine comme future épouse de Louis d’Orléans.

La grogne des magnats hongrois ne faiblissant pas, Élisabeth convoqua la diète en juin 1384 et y confirma les privilèges des grands seigneurs. Pendant ce temps, une partie de l’aristocratie hongroise ainsi que le clergé s’opposèrent au mariage de Marie et de Louis d’Orléans insistant pour que la souveraine de Hongrie épouse bien Sigismond.

Mariage avec Sigismond 

Pendant ce temps Charles de Durazzo était devenu roi de Naples à la mort de Louis d’Anjou et put renforcer de ce fait ses positions en Italie et trouva le soutien de l’évêque de Zagreb, Paul Horvat et de son frère Ivan, ban de Macsó, dans le Sud du royaume de Hongrie, tandis que Sigismond quittait la Hongrie suite à un nouveau refus d’Élisabeth de laisser célébrer son mariage avec Marie. En mai 1385, des émissaires français furent reçus en Hongrie et on proclama les fiançailles de Marie avec Louis d’Orléans, tandis qu’Élisabeth bannissait un certain nombre d’aristocrates dont les frères Horvat qui offrirent officiellement la couronne de Hongrie au roi de Naples Charles III de Durazzo, lequel débarqua en Dalmatie en septembre, marchant sur Zagreb avec ses troupes, ce qui força Élisabeth à une volte-face en acceptant le mariage de Marie et Sigismond qui fut célébré en octobre 1385.

Charles de Durazzo devient roi 

Sigismond engagea alors une partie du royaume auprès de Jobst et Procope de Moravie qui lui prêtèrent des fonds pour lever une armée contre celle de Charles de Durazzo. Pendant que Sigismond rassemblait celle-ci en Bohême, Charles de Durazzo entra dans Buda, força Marie à renoncer au trône et à le nommer régent du royaume, sur quoi la diète l’élut roi sous le nom Charles II et il fut à son tour couronné à Székesfehérvár en présence de Marie et de sa mère qui le fit assassiner le 7 février 1386 au palais de Buda. Grièvement blessé d’un coup de hache, il fut emporté à Visegrád où on l’acheva le 24 février.

Captivité en Dalmatie 

Marie redevenait reine de Hongrie, mais les frères Horvat soulevaient la Croatie en faveur de Ladislas d’Anjou-Durazzo, le fils de Charles, s’alliant avec le roi Stefan Tvrtko 1er de Bosnie, un cousin d’Élisabeth. Pendant ce temps, Sigismond et son frère Venceslas de Luxembourg étaient réapparu en Hongrie, et obligèrent Élisabeth (à Győr en mai 1386) à reconnaître Sigismond comme prince consort, mais repartirent presque aussitôt. Élisabeth, Marie et le palatin Miklós Garai décidèrent alors de pacifier eux-mêmes la Croatie. Mal leur en prit. Ils furent défaits le 25 juillet à Djakovo en Slavonie par les partisans d’Ivan Paližna et Ivan Horvat. Le palatin Miklós Garai fut décapité sur le champ tandis que Marie et sa mère fut emprisonnées au château de Gomnec puis dans celui de Novigrad près de Zadar en Dalmatie. Élisabeth fut garrotée en janvier 1387 sous les yeux de sa fille et son cadavre fut jeté depuis les remparts de la forteresse.

Sigismond roi de Hongrie 

Deux mois plus tard, en mars 1387, Sigismond était à son tour couronné roi de Hongrie à Székesfehérvár et entama des démarches pour faire libérer son épouse, ce qui réussit le 4 juin 1387 grâce à l’entremise des Vénitiens. Marie retrouva Sigismond le 4 juillet à Zagreb et celui-ci la nomma corégente du royaume.

Huit ans plus tard, enceinte, elle entreprit, comme nous l’avons évoqué d’entrée, une sortie solitaire à cheval dans les bois autour de Buda, et fut victime d’une chute et en mourut. Elle fut inhumée dans la cathédrale de Nagyvárad (auj. Oradea en Roumanie) en Crisanie.