Pologne – L’opposition polonaise a enfin trouvé un argument de taille qui pourrait relancer la campagne des élections présidentielles en faveur de son candidat de réserve, Rafał Trzaskowksi.
Dixième anniversaire de la tragédie de Smolensk
Cela fait dix ans que l’avion présidentiel polonais transportant, outre le président Lech Kaczyński, de nombreux hommes politiques et officiers, s’est écrasé près de l’aéroport de Smolensk (Russie) où ils se rendaient pour rendre hommage aux victimes du massacre de Katyń, venant ainsi de fait gonfler le lourd bilan de Katyń.
Hommage de Jarosław Kaczyński à son frère
C’est dans ce cadre hautement symbolique que le président du PiS, Jarosław Kaczyński, véritable éminence grise du pouvoir polonais, s’est rendu le 10 avril dernier sur la tombe de son frère jumeau. C’est là que commence la présente polémique, étant donné qu’à ce moment-là, – épidémie de coronavirus oblige – les forêts étant interdites d’accès de même que les cimetières dans certaines municipalités, et ainsi l’apparente exception faite pour M. Kaczyński ouvrait la porte à la critique. Bien entendu, il ne s’agissait pas d’un hommage personnel à un tiers, mais à un président polonais mort tragiquement en exercice dans les circonstances que l’on sait.
« Ta douleur est meilleure que la mienne »
C’est alors que le chanteur polonais Kazik Staszewski sort – le 8 mai – une chanson intitulée « Ta douleur est meilleure que la mienne » (Twój ból jest lepszy niż mój) insistant bien sur le fait que M. Kaczyński a bénéficié d’un « passe-droit » alors que beaucoup de Polonais ordinaires ne pouvaient entrer dans un cimetière au même moment. Et bien évidemment, la chanson fait le buzz et bat des records de vues sur YouTube.
Censurée à la radio publique ?
L’affaire se corse lorsque vendredi dernier, 15 mai, cette chanson arrive en tête du hit parade de la radio publique Radiowa Trójka – un classement a priori indépendant depuis 38 ans, donc même sous le régime communiste. Mais samedi matin, sur le site de la radio, plus aucun article ne mentionne ni cette chanson critique, ni même le fait qu’elle caracolait en tête des classements la veille au soir. L’opposition crie bien évidemment à la censure tandis que la directrice de la radio publique, Agnieszka Kamińska, explique que c’est par erreur que cette chanson était entrée dans le vote de vendredi car elle n’était pas répertoriée et donc pas admise au vote, qualifiant les accusations de censure de « menteuses et malhonnêtes ». Il est depuis également apparu après une enquête interne que les votes avaient été manipulés avec l’usage de fausses voix – probablement en utilisant des bots.
Un débat de plus qui vient illustrer le climat de tension et d’accusations permanentes entre un pouvoir conservateur qui a su depuis l’automne 2015 se consolider et une opposition libérale-libertaire en perte de vitesse depuis cette même période. La cristallisation de la ligne de fracture entre libéraux et illibéraux en Europe centrale trouve là un bon exemple de plus dans cette polémique savamment orchestrée pour l’entretien d’un climat de tensions en faveur de la narration libérale.