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La seconde défenestration de Prague, une révolution nationale tchèque ?

Temps de lecture : 3 minutes

Tchéquie – Le 23 mai 1618, il y a 402 ans, les gouverneurs Jaroslav Bořita de Martinic et Vilém Slavata de Chlum-Koschumberg ainsi que leur secrétaire Philipp Platter, dit Fabricius, furent jetés d’une fenêtre du château de Prague par des représentants de la communauté protestante. Ils s’en tirèrent tous les trois légèrement blessés – grâce à l’intervention providentielle de la Sainte Vierge, dirent les catholiques à l’époque –, néanmoins, cet événement fut sans conteste le déclencheur de la guerre de Trente ans.

Antagonismes religieux entre Hussites, Frères tchèques et Catholiques

Cette affaire restée célèbre se déroula dans le contexte de la révolte de Bohême (1618-1620) alors que les Habsbourg régnaient depuis presque un siècle déjà sur le pays partagé en deux camps d’un point de vue religieux : d’une part les Hussites et les Frères tchèques (parfois appelés aussi moraves) hostiles aux Habsbourg, et d’autre part les Catholiques partisans des Habsbourg. Le mouvement des Frères tchèques était interdit, leurs églises étaient fermées et leurs écrits étaient brûlés en place publique.

Remise en cause de la liberté de religion

Or, en 1609, l’empereur Rodolphe II, roi de Bohême, avait proclamé la liberté de religion dans le pays. Un acte de tolérance sur lequel son frère et successeur Matthias II entendit revenir après son accession au trône en 1611, menant une politique de « recatholisation » que poursuivit son cousin Ferdinand II de Styrie qui lui succéda comme roi de Bohême en 1617. Dans le Nord du pays, à Broumov (Braunau), la Ligue catholique fit fermer une église protestante et à Hrob (Klostergrab), une autre église protestante se trouvant sur les terres de l’archevêché fut carrément démolie.

Une discussion houleuse qui tourne mal

Les nobles protestants de Bohême adressèrent une lettre de protestation à l’empereur Matthias 1er – anciennement Matthias II de Bohême – qui pour seule réponse leur interdit de se réunir à nouveau. Une interdiction dont ils n’eurent que faire. Le 21 mai 1618, ils se réunirent à l’université Caroline de Prague et décidèrent d’envoyer le surlendemain une délégation composée de Jindřich Matyáš de Thurn, Albrecht Jan Smiřický de Smiřice, Václav Vilém de Roupov, des frères Říčan, des frères Ulrich et Vilém Kinský de Vchynic-Tetov, Linhart Colona de Fels, Vilém de Lobkowitz et même du frère du gouverneur Vilém Slavata auprès des quatre gouverneurs, représentants locaux de Matthias 1er et Ferdinand II. Après une longue discussion très houleuse, les protestants opèrent pour des mesures expéditives.

Déposition des Habsbourg 

Le lendemain, les insurgés élurent un directoire présidé par Václav Vilém de Roupov et déclarèrent la déposition des Habsbourg. Ils entamèrent presque aussitôt la constitution d’une armée de défense dirigée par Jindřich Matyáš de Thurn, une situation qui prit complètement de court les dirigeants de l’Empire à Vienne. Pendant ce temps, les Praguois essayaient de s’allier avec l’Union évangélique allemande, les Pays-Bas et même les Calvinistes anglais… mais seule la Moravie s’associa un an plus tard à leur révolte.

Confédération de Bohême

Tandis qu’ils chassèrent les Jésuites et confisquèrent les biens de l’Église catholique – notamment pour financer leurs dépenses militaires –, les Praguois remirent aussi en cause leur appartenance à l’Empire lui-même et, à la mort de Matthias 1er, ne prêtèrent pas allégeance à son successeur Ferdinand II de Styrie. Le 31 juillet 1619, une nouvelle constitution fut proclamée et la Bohême devint une confédération (Bohême, Moravie, Silésie et Lusace) dont Frédéric V du Palatinat, prince-électeur et comte palatin du Rhin fut élu roi le 26 août 1619.

Bataille de la Montagne-Blanche 

Deux jours plus tard et malgré la révolte de Bohême, Ferdinand II de Styrie fut élu empereur d’Allemagne par les princes électeurs du Saint-Empire. En janvier 1620, le parlement hongrois, influencé par Gábor Bethlen, décida de s’allier avec la Confédération de Bohême, tandis que des querelles internes et des ennuis financiers commençaient à miner les rangs des insurgés, que les Habsbourg s’étaient assurés le soutien de leurs cousins d’Espagne, du Pape et de la Bavière et que le prince électeur de Saxe – qui avait refusé la couronne de Bohême – restait neutre car ayant des visées sur la Lusace et la Silésie. Finalement, les armées tchèque et palatine furent vaincues le 8 novembre 1620 à la bataille de la Montagne-Blanche (Bílá Hora) par des forces impériales trois fois supérieures en nombre. Le roi Frédéric – surnommé depuis le Winterkönig (le roi d’un hiver) – dut prendre la fuite tandis que la plupart des membres du Directoire furent exécutés à Prague le 21 juin 1621. La tolérance religieuse fut abolie et les rêves d’indépendance de la Bohême durent attendre encore trois siècles avant de se réaliser.