Hongrie – Vendredi 22 mai au petit matin, place Deák Ferenc dans le 5ème arrondissement de Budapest, deux groupes de jeunes ont eu une altercation qui a fini en drame. Deux jeunes garçons y ont perdu la vie. Ce fait divers tragique ramène sur le devant de la scène la question de la criminalité tzigane et de la sécurité publique en Hongrie, alors que le spectre des tensions ethniques ressurgit.
Un double meurtre au couteau
À ce jour, l’enquête révèle que les deux groupes ne se connaissaient pas. László fêtait ses 16 ans en compagnie de Gergely, 21 ans, et du frère de ce dernier. Ils ont croisé le chemin de Krisztián, qui fêtait ses 18 ans avec ses amis. Une altercation a éclaté après un court échange verbal. Les assaillants, au nombre de sept, tous connus par la police pour des faits de violence et d’usage de drogue, ont passé à tabac les trois jeunes, les frappant au sol à la tête et au torse. D’après l’enquête et les aveux du suspect – bien qu’il se soit rétracté depuis -, Krisztián a poignardé plusieurs fois les deux victimes. Le frère de Gergely a lui été hospitalisé par la suite. Après les faits, le jeune meurtrier a tenté de fuir, jetant le couteau sous une voiture, mais la police nationale l’a intercepté dix minutes plus tard, après avoir également retrouvé l’arme, le tout grâce aux caméras de surveillance du centre-ville. Après que la police a arrêté neuf personnes vendredi, trois individus, dont le suspect principal, sont actuellement en détention provisoire.
« Criminalité tzigane »
Employée en criminologie par les autorités socialistes durant l’ère Kádár, cette expression controversée a été abandonnée au changement de régime avant d’être popularisée dans les années 2000 par le parti – alors encore – de droite nationaliste Jobbik. Pour les associations « anti-racistes » et les ONG politisées à gauche, l’expression est raciste et stigmatisante, et ne renvoie à aucune réalité. Des accusations que rejettent les utilisateurs de l’expression, qui n’y voient rien de plus discriminant que les expressions « criminalité jeune » ou « criminalité masculine ». L’expression définit, selon ceux qui l’emploient, le phénomène de la criminalité propre à une partie de la communauté tzigane, au sens qu’elle est caractérisée par des éléments spécifiques. Si l’expression n’est pas employée officiellement depuis trente ans, elle revient aujourd’hui sur le devant de la scène suite à ce tragique événement.
Ainsi, le parti de droite nationaliste Mi Hazánk (Notre Patrie), formé en juin 2018 par les dissidents du Jobbik, remet au goût du jour l’expression, évitée par les grands partis. Pourtant, Viktor Orbán a récemment ouvert le débat sur la question tzigane, critiquant une décision de justice dans une affaire de ségrégation de fait dans une école de province, le juge octroyant un dédommagement très important aux victimes, des Tziganes qui ont eu à faire classe à part des Hongrois dans une école publique à Gyöngyöspata. Mais le Fidesz évite soigneusement l’expression honnie de « criminalité tzigane », de même que le Jobbik qui a radicalement changé sa ligne depuis quelques années. Une manifestation du souvenir des victimes se tiendra le 28 mai conjointement organisée par les organisations de supporters de football (les deux jeunes étaient également supporters de deux clubs hongrois) et le parti Mi Hazánk. La presse de droite, y compris pro-gouvernementale, s’inquiète d’avance de la clémence judiciaire dont bénéficieront vraisemblablement les accusés, soulignant la dérive progressiste de la justice, à l’image de la justice occidentale. Dans un éditorial publié sur PestiSrácok, l’auteur pointe du doigt la responsabilité de la justice laxiste, de l’élite libérale progressiste qui encourage l’usage des drogues, ainsi que les ONG financées de l’étranger prenant systématiquement la défense des criminels.
La communauté tzigane de Hongrie représente environ 900 000 habitants sur les 9,7 millions de citoyens hongrois, elle est de loin la plus représentée dans les prisons, et la plus frappée par le chômage, le décrochage scolaire et d’autres fléaux sociaux. Sédentarisée et acculturée de force sous le communisme, la communauté tzigane de Hongrie a été progressivement imprégnée de la culture ghetto importée des États-Unis, favorisant la popularisation de la violence, des comportements asociaux et de l’usage de drogue en son sein. Couplée à une explosion démographique, la question tzigane, et son corolaire, la criminalité tzigane, sont aujourd’hui une problématique majeure de la société hongroise.