Pologne – La Fête du Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ, appelée encore Fête du Corpus Christi ou Fête-Dieu, célébrée chaque année le jeudi qui suit la Sainte-Trinité, est traditionnellement une journée de processions dans les pays catholiques. Elle tombait cette année le 11 juin. En Pologne, ces processions se déroulent traditionnellement dans l’ensemble des villes et villages, mais cette année, coronavirus oblige, elles ont été plus limitées. Selon les diocèses et les paroisses, on s’est le plus souvent contenté de processions plus modestes autour des églises, sans aller marcher derrière le Saint Sacrement dans les rues des paroisses où des autels auraient été dressés en d’autres temps.
Le pape Urbain IV institua officiellement cette fête en 1264 alors qu’il était venu lui-même constater l’année précédente un miracle eucharistique survenu à Bolsena, en Italie. La rédaction des textes liturgiques fut alors confiée à saint Thomas d’Aquin, mais ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que la Fête du Saint-Sacrement se répandra dans toute l’Église catholique sous l’impulsion de Jean XXII, premier des papes d’Avignon. En ce qui concerne la Pologne, la Fête-Dieu fut célébrée pour la première fois en 1320 dans le diocèse de Cracovie, soit exactement un siècle avant que le synode de Gniezno ne reconnaisse son caractère universel. Aujourd’hui en Pologne, les processions de la Fête-Dieu ont un caractère particulièrement massif.
Autre fait exceptionnel qui distingue la Pologne, elle compte à l’heure actuelle deux miracles eucharistiques contemporains, l’un survenu en 2008 en l’église Saint-Antoine-de-Padoue de Sokółka, l’autre en 2013 au sanctuaire Saint-Hyacinte de Legnica. En ce qui concerne le deuxième, il survint le 25 décembre 2013 quand, pendant le sacrement de la communion, une hostie tomba au sol. L’hostie fut alors soigneusement ramassée et mise dans un récipient avec de l’eau puis déposée dans le tabernacle afin qu’elle se dissolve d’elle-même. Mais le 5 janvier 2014 un prêtre de la paroisse remarqua qu’un fragment de l’hostie avait pris une couleur rouge sang et semblait avoir changé de consistance. L’évêque du diocèse décida de constituer une commission ecclésiale chargée d’examiner ce phénomène. Des échantillons des restes transformés de l’hostie furent confiés à deux instituts médico-légaux indépendants. Les deux ont confirmé que l’échantillon analysé était du tissu musculaire provenant d’un cœur humain et présentant des altérations caractéristiques d’un homme à l’agonie. La cardiologue Barbara Engel, qui a présenté en avril 2016 les résultats des analyses des échantillons prélevés sur l’hostie, a alors expliqué que ces échantillons avaient été observés au microscope et qu’il avait été possible d’en extraire à deux reprises des fragments d’ADN humain. Les résultats et le déroulé des événements ayant été présentés à la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’Église a reconnu là « un événement ayant les caractéristiques d’un miracle eucharistique » et l’hostie physiquement transformée est désormais une relique. J’ai eu la chance de pouvoir interroger le docteur Barbara Engel en décembre 2016, à l’occasion d’un article relatant ce miracle eucharistique pour les lecteurs de Présent.
À l’occasion de la Fête du Saint-Sacrement de cette année, voici la transcription-traduction de mon entretien avec Barbara Engel :
Je voudrais commencer par une question très matérielle. J’aurais voulu savoir si pour vous personnellement, en tant que scientifique ayant fait partie de l’équipe qui a étudié cette eucharistie transformée, il a été établi au-delà de tout doute que l’échantillon examiné était bien du tissu semblable à du tissu musculaire provenant d’un cœur humain à l’agonie, car c’est ce que j’ai lu à propos de ce phénomène.
Ce que je peux dire, c’est que la matière examinée est du tissu musculaire d’un cœur humain – ce qu’on peut affirmer par l’ADN qui y a été trouvé – et les altérations constatées de ce tissu myocardique correspondent à celles du cœur d’un homme à l’agonie.
Cet ADN a-t-il été analysé ?
Oui, bien entendu, il a fait l’objet d’une analyse au moyen de la technique d’amplification qui a permis à deux reprises d’obtenir de l’ADN d’origine humaine.
J’ai lu que deux organismes de recherche ont étudié cette hostie.
En fait pas tous les scientifiques et organismes qui ont participé au départ à cette étude ont accepté de rendre un avis. Plusieurs se sont retirés en évoquant différentes raisons après avoir appris la provenance de cet échantillon. Au final, deux organismes ont rendu un avis scientifique. Il s’agit de l’institut de médecine judiciaire de Wrocław et de l’institut de médecine judiciaire de Szczecin.
Ceux qui se sont retirés ont-ils remis en doute la nature de cette matière ?
Non, ils étaient bien d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’un tissu myocardique, mais quand on leur a dit d’où ce fragment provenait ils ont refusé de rédiger une opinion.
On a pu lire dans le journal Gazeta Wyborcza, et donc dans un article écrit par des gens pas forcément croyants, que le mode de prélèvement des échantillons n’avait pas rempli les critères habituellement admis pour ce genre d’analyses, notamment en médecine légale. Est-ce vrai ?
Si c’est ce qu’on a pu lire, l’auteur de cet article était mal informé. Il aurait fallu qu’il s’informe sur la manière dont le matériau a été prélevé, ce qui n’a visiblement pas été le cas. Les prélèvements ont été réalisés par l’Institut de médecine judiciaire de Wrocław (Zakład Medycyny Sądowej we Wrocławiu). Toute la procédure a été enregistrée, documentée et décrite. Les scientifiques, au moment de prélever les échantillons, ont tout filmé et photographié. Le prélèvement des échantillons pour les analyses a été fait de manière absolument professionnelle. Ensuite, les procédures réalisées dans les laboratoires de cet institut ont à leur tour été documentées. Chaque échantillon a été correctement isolé, décrit, conditionné, transporté, etc. Dans les milieux scientifiques, la procédure suivie n’a soulevé aucune interrogation.
Comme pour chaque miracle, chacun conserve la liberté de le nier, comme le font les journalistes de Gazeta Wyborca par exemple.
Certes, et si ce genre d’articles m’agace, ce ne devrait pas être le cas car cela montre que ce miracle touche d’une certaine manière les journalistes qui cherchent à le désavouer en écrivant ce type de bêtises. Et c’est déjà une bonne chose.
Et donc, pour récapituler, de votre point de vue il ne fait aucun doute que nous avons ici affaire à un miracle eucharistique ?
Pour moi, comme pour chaque personne qui a vu cette hostie de près, il ne fait aucun doute que c’est un miracle. Ceci dit, la médecine est une science exacte mais la théologie, contrairement aux apparences, est aussi une science exacte. Ici, l’évêque nous dit, comme l’enseigne l’Église, que pour dire qu’il y a miracle eucharistique, il faut que cette transformation de l’hostie s’accompagne de phénomènes extraordinaires. C’est pourquoi on parle ici d’un « événement ayant les caractéristiques d’un miracle eucharistique ». Cet événement est maintenant observé. Ce n’est que si d’autres événements inexplicables surviennent autour de cette hostie que l’on parlera à l’avenir d’un « miracle eucharistique ». Voilà pour le côté théologique. Mais en ce qui me concerne, je ne suis pas théologienne et c’est bien un miracle.
Vous êtes docteur en médecine, cardiologue. Avoir vu ce miracle de près a-t-il changé quelque chose dans votre vie ?
Oui, mais je dois préciser une chose pour que tout soit clair. Je suis médecin, mais je n’ai pas étudié moi-même ce miracle. Les études ont été réalisées par des médecins histopathologistes, pathomorphologistes, des microbiologistes, des généticiens, etc. Moi, je faisais partie de la commission ecclésiale constituée par l’évêque. Il y avait dans cette commission trois professeurs de théologie – trois prêtres, dont un représentant du diocèse – et moi j’en étais le quatrième membre en tant que médecin cardiologue. Mon rôle était d’aider la commission ecclésiale à échanger avec les scientifiques. Il est plus facile en effet pour un médecin que pour un théologien de comprendre un autre médecin, fût-il d’une autre spécialisation. Et donc je le répète, moi je n’étais dans aucun des groupes scientifiques qui ont analysé les échantillons. Par contre, j’échangeais avec les différents intervenants pour savoir et expliquer ce qu’ils faisaient et ce qu’il fallait faire. J’étais une sorte de traducteur-interprète à la jonction entre les scientifiques et les théologiens.
Je reviens donc à ma question : qu’est-ce que cela a changé dans votre vie ?
Il m’est difficile de répondre à cette question, mais je peux dire sans hésiter que j’ai reçu une énorme injection de foi. Cela s’est accompagné de beaucoup de grâces dans ma vie de tous les jours.