Hongrie – Tranchons cette question comme la gorge d’un gros cochon, la réponse est non.
Non, parce que les Hongrois — nous — n’ont nullement l’intention d’entrer en délicatesse avec leurs grands-mères, dont le copieux activisme culinaire, passablement carné, est ce qui les fait encore tenir debout.
Non, parce que l’union de la gauche hongroise n’a lieu qu’une seule fois dans l’année, à l’occasion des festivités du 1er mai, dans le Városliget, où les chaudrons et autres barbecues laissent planer sur la capitale un doux parfum de révolution. L’opposition démocratique, ça compte.
Non, parce que les militants véganes — vous — manigancent contre la consommation de miel, la seule chose qui ne pourrisse pas en ce bas monde. Un peu de publicité : le miel hongrois gagnerait à être plus connu et reconnu.
Non, parce que le livre de recettes de Ferenc Gyúrcsány reste à ce jour — nous attendons goulûment le second tome — sa plus belle réussite, toute discipline confondue.
Non, parce le militantisme végane suinte la haine du prolo ; vous savez ces Hongrois qui empestent la friture et n’ont d’autre choix que de se gaver de pain blanc relevé de mayonnaise bon marché ; vous savez ces gens qui ont moins de dents que vous mais s’en servent bien plus.
Non, parce que le véganisme n’est possible que dans les grands centre-villes aisés et qu’aux dernières nouvelles la frontière orientale de la Hongrie n’est pas le körút mais le début de l’Ukraine. L’Ukraine ? Au secours, vite dans un resto branchouille à Londres !
Non, parce que le secteur alimentaire hongrois est un des très rares du pays à relativement tenir la route. Vouloir boire vos soupes insipides ne vous autorisera pas à encore détruire des milliers d’emplois.
Non, parce qu’une vache ou un mangalica sans le travail de l’homme, nous ne savons pas ce que c’est. Pousserez-vous l’incohérence jusqu’à en prendre comme animal de compagnie ?
Non, parce que le traditionnel Disznóvágás est l’occasion rêvée pour se mettre la cuite de l’année, et ensuite rester sage et sobre des semaines durant.
Non, parce que la Hongrie n’est pas un comté californien, n’en déplaise aux impérialistes de la diététique que vous êtes.
Non, parce que la Hongrie n’est pas une nation gastronomique. Cuisiner et manger n’y relèvent pas d’un libre exercice artistique, mais d’un art de vivre très formel et solennel. Elle est donc imperméable à vos délires nutritionnistes, comme d’ailleurs toutes les sociétés où des restes de culture paysanne existent encore.
Non, parce qu’à l’évidence nous sommes aussi des homo sapiens sapiens — espèce relativement rare et récente qui s’est démarquée des autres par sa maîtrise technique de la chasse et du feu pour la cuisson de ses aliments, voyant ainsi ses capacités cérébrales considérablement se développer.
Non, parce que seul le fer provenant de la viande permet aux Hongrois d’assurer la production de globules rouges dans leur moelle osseuse. Vous êtes des anémiques, des êtres fades et sans saveur.
Non, parce nous ne nous ferons pas engrainer. Vous n’êtes pas hongrois. Mais il ne vous suffit que d’un mouvement de mâchoire pour le redevenir.