Hongrie – Tandis que les instances européennes font mine de s’inquiéter de menaces supposées à l’égard de la liberté de la presse en Pologne, en Hongrie, voire même en Slovénie, des hommes politiques de gauche, comme le président du parti européiste András Fekete-Győr, ne se gênent même pas pour évoquer ouvertement la mise en place d’une censure officielle parfaitement assumée, s’il venait à accéder au pouvoir.
« je les bannirais pendant un certain temps de leur activité »
Dans une vidéo publiée ce jeudi 11 mars sur son compte Facebook, András Fekete-Győr, le leader du parti libéral progressiste Momentum (9,86% lors des européennes de 2019), n’y va pas par quatre chemins. « Ces propagandistes, et je parle de propagandistes, comme ceux de TV2 ou ceux d’Origo [médias proches du gouvernement Orbán], qui délibérément diffament les autres, déclarent délibérément des mensonges, eh bien je les bannirais pendant un certain temps de leur activité… ». Une attitude qui fait écho à une précédente action hostile à des journalismes pro-Fidesz. En 2017, il était rentré dans la rédaction du journal Origo suite à un article le concernant pour demander des comptes et faire pression sur l’auteur, un journaliste pro-gouvernemental.
De tels propos ou comportements venant d’un quelconque membre éminent du Fidesz en Hongrie ou du PiS en Pologne aurait provoqué – à juste titre – un tollé, mais le silence de l’opposition et du Parlement européen est pour le moins assourdissant. Momentum représente entre un cinquième et un quart des forces de l’opposition, et le jeune parti européiste serait forcément amené à jouer un rôle non négligeable si les opposants hongrois venaient d’aventure à gagner les prochaines législatives du printemps 2022.
« L’Association nationale des médias est extrêmement préoccupée »
C’est pourquoi l’Association nationale hongroise des médias (Magyar nemzeti médiaszövetség) a tenu à protester : « L’Association nationale hongroise des médias est extrêmement préoccupée par la menace exprimée dans la vidéo mise en ligne sur la page Facebook d’András Fekete-Győr, selon laquelle le politicien de l’opposition interdirait aux journalistes qu’il considère comme des propagandistes d’exercer leur profession.
Selon nous, la menace posée est d’autant plus exacerbée que son auteur n’est pas simplement le président de Momentum, un parti d’opposition, il est aussi le candidat de son parti au poste de premier ministre, et, de plus, ce n’est pas la première fois qu’il [s’attaque à] la presse. Nous tenons à rappeler que la visite non sollicitée d’András Fekete-Győr à la rédaction d’Origo en 2017, qui comprenait également le harcèlement de journalistes, est malheureusement un précédent significatif de ce qu’il a maintenant l’intention de faire.
[…] En réponse à cette menace, nous rejetons également fermement l’utilisation du mot propagandiste pour nos collègues. À notre avis, il n’y aura pas de paix dans la société journalistique tant que nous autoriserons que la représentation des opinions souveraines soit qualifiée de travail de propagande, et que nos collègues qui se distinguent par leurs opinions fortes seront traînés [dans la boue] par les politiciens et menacés existentiellement. »
« Viktor Orbán partira à l’Est pour de bon »
Ce n’est effectivement pas la première fois qu’András Fekete-Győr révèle ce qu’on pourrait qualifier de déficits démocratiques. Dans un entretien à Radio Free Europe en octobre dernier citée par Magyar Nemzet le 30 octobre 2020, il avait déclaré qu’en cas de victoire de l’opposition sur le Fidesz, « Viktor Orbán partira à l’Est pour de bon » et que « le président de la République [János Áder] devrait évidemment être également remplacé » en dehors du cadre légal, et appelait cela une « désinfestation ». Le ministre de la Justice, Judit Varga, avait alors réagi en déclarant que
« si leur intérêt [Momentum] le dictait, ils retireraient de leur poste les dirigeants légalement élus de l’État en se débarrassant entièrement de l’état de droit. J’attends avec impatience la réaction des alliés de Momentum à Bruxelles aux propos d’András Fekete-Győr, … dans lesquels il menace de démanteler entièrement l’état de droit. »
Il n’y a toujours pas eu de réaction des alliés de Momentum, tant à Budapest qu’à Bruxelles.