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À présent que Viktor Orbán et le Fidesz ont enfin quitté le PPE de Donald Tusk, comment devraient-ils jouer au coup suivant ?

Temps de lecture : 4 minutes

Orbán a indiqué qu’il voulait former un parti avec Matteo Salvini (Italie) et le PiS polonais. Cependant, ce qui était encore possible en 2019 (quand Orbán a décidé de rester au PPE) pourrait s’avérer difficile aujourd’hui.

Salvini, dont la Lega soutient actuellement le gouvernement dit de coalition unitaire de Mario Draghi, a déclaré que discuter avec Orbán ne fait pas partie de ses priorités du moment.

« Je m’occupe de la façon la plus concrète possible de vaccins [contre le COVID-19] et de compensations [pour pertes de revenus] dues aux entreprises italiennes – a répondu Salvini aux journalistes qui lui demandaient de réagir aux propos d’Orbán – Nous parlerons plus tard de ce qui arrive en Europe. »

En premier lieu, je ne crois pas que cette coalition puisse exclure les Frères d’Italie de Giorgia Meloni, quoi qu’en pense par ailleurs Salvini. (Des rumeurs prétendaient que Salvini l’exigerait, mais ces rumeurs n’ont pas été confirmées, et provenaient d’une source pro-immigration.) Quoi qu’il en soit, Meloni a le vent en poupe en Italie et a toujours soutenu avec fermeté les valeurs qu’Orbán affirme vouloir promouvoir.

De plus, divers pays ont plusieurs partis appartenant au même groupe européen ; si Salvini et Meloni sont appelés à gouverner l’Italie à l’avenir, il vaut mieux les garder dans la même alliance.

D’autre part, nous pensons que Salvini fait l’objet de pressions de la part de membres de la direction de la Lega qui veulent qu’il garde des distances avec Orbán et les nationaux-conservateurs. Les rapports que tout cela entretient éventuellement avec le procès qui l’attend en Italie ne sont pas connus, mais la coupole de la Lega pourrait envisager de rejoindre l’establishment dans le cas où Salvini ferait injustement l’objet d’une condamnation au terme de ce procès politique.

Quoi qu’il en soit, il faut aussi revenir sur l’euro-sommet de 2019, dont je considère qu’il a représenté un désastre, et une opportunité ratée pour la droite. Salvini et son parti étaient au zénith de leur popularité et venaient de sortir largement victorieux des européennes en Italie, mais ont été la cible d’une cabale à l’euro-sommet, trahis par d’autres qui faisaient affaire avec son rival Macron et les partis de l’establishment (PPE, Socialistes, Renew Europe) pour installer Ursula von der Leyen à la tête de la Commission et l’activiste no-border David Sassoli (un autre rival de Salvini en Italie) à la tête du PE.

Il m’a semblé que cela constituait une énorme erreur de calcul politique et de stratégie… et je le pense toujours.

Ainsi, la récente rupture entre le Fidesz et le PPE devrait être comprise comme un pas dans la bonne direction, d’une importance cruciale, mais qui aurait probablement dû être effectué dès 2019.

Même si je continue à croire possible cette coalition avec Salvini, il faut saisir par les cheveux l’occasion quand elle se présente (comme nous pensions que c’était le cas en 2019), et avant qu’elle ne s’évapore.

Très franchement, je ne sais pas à quoi pense Salvini aujourd’hui, tout comme les raisonnements du Groupe de Visegrád m’ont laissé perplexe en 2019.

On ne peut pas faire affaire avec l’establishment : cela ne fonctionne jamais, et on y laisse toujours des plumes au bout du compte. Salvini devrait s’en souvenir, tout comme la Pologne et la Hongrie auraient dû s’en souvenir quand elles ont crié victoire au vu d’une série de nominations qui incluait celle de la commissaire Vera Jourová – un cadeau de Macron et de son acolyte Babiš, tous deux membres de Renew Europe.

Au moment où nous parlons, trop de points d’interrogation entourent Salvini. Orbán devrait se concentrer sur le renforcement et l’expansion du groupe CRE, autour du PiS polonais, de Meloni et du parti espagnol VOX. Orbán, de par sa forte personnalité, est le seul leader capable d’élargir sa base, tout en s’attelant à la tâche de réhabiliter Salvini sur le long terme.

Pourquoi inventer de nouveau partis, alors qu’il existe une possibilité de renforcer la base de centre-droit que le groupe CRE a d’ores et déjà créée ?

Pendant de longues années, l’auteur de ces lignes a eu la ferme conviction que l’UE avait désespérément besoin d’un bloc de centre-droit solide et conséquent, disposé à coopérer (de groupe à groupe) avec le groupe ID de Salvini à sa droite, pour assurer un contrepoids à la lourde influence de l’Allemagne, de la France et du bloc occidental de l’UE.

L’idée initiale était que la droite pourrait constituer un bloc unitaire, mais trop d’obstacles à surmonter (personnalités, égos…) rendraient cette tâche difficile, voire impossible. Ce n’est d’ailleurs même pas absolument nécessaire : il suffit de voir avec quelle efficacité les libéraux, les socialistes et le PPE collaborent au sein des institutions de l’UE.

Dans l’ensemble, il nous semble que les membre du groupe CRE sont de meilleure qualité que ceux du PPE, et accordent mieux leurs violons quand il s’agit de combattre l’immigration, de défendre la souveraineté de l’État-nation et de faire reculer les pouvoirs et les ambitions de Bruxelles. Même d’un point de vue géographique, le groupe CRE peut être mieux centré autour de l’Europe Centrale et Orientale que ne l’est le PPE.

Mais pour grandir, un tel groupe a besoin à la fois du PiS et du charisme d’Orbán. Seuls Orbán et le PiS possèdent le poids et la stature nécessaire pour y arriver. A long terme, leur leadership ne peut que renforcer certains des autres partis du groupe, encore émergeants.

Le statu quo n’est pas une solution à long terme : quelque-chose doit changer.

A présent, libéré de ses chaînes du PPE, Viktor Orbán peut être l’homme qui change le destin du match.

Traduit de l’anglais par le Visegrád Post