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Pris au piège de sa stratégie d’opposition « totale » face au PiS, l’ancien parti de Donald Tusk s’enfonce dans la crise

Temps de lecture : 4 minutes

Pologne – L’abstention de la Coalition civique (KO) lors du vote à la Diète de la loi de ratification du Plan de relance européen semble avoir accentué la crise identitaire chez le principal partenaire de cette coalition des libéraux et des écologistes : la Plateforme civique (PO), le parti qui était dirigé par Donald Tusk avant son départ pour Bruxelles en 2014. Les autres partis d’opposition, mis à part les souverainistes de la Confédération (Konfederacja), fidèles à leur ligne européiste, ont au contraire voté en faveur de la ratification.

La décision du Sénat d’amender cette loi de ratification, qui tient en deux articles (un pour autoriser le président à ratifier le Plan de relance et un pour indiquer sa date d’entrée en vigueur), afin d’y ajouter des conditions pour que la Pologne adhère au Parquet européen et aussi sur le mode d’utilisation des fonds européens, est fortement critiquée, y compris au sein de cette opposition favorable à plus d’intégration européenne dont fait partie la PO. Pourtant, c’est le maréchal (président) du Sénat Tomasz Grodzki, de la PO, qui défend cette idée et qui a annoncé le report au 27 mai de l’examen de cette loi de ratification. Même l’ancien vice-président du Tribunal constitutionnel Stanisław Biernat, qui fait d’habitude figure d’autorité dans les rangs de l’opposition en raison de son hostilité au PiS, estime qu’une loi de ratification ne peut pas être amendée et que le Sénat s’apprête, à l’initiative de la PO et de Grodzki, à violer le droit, alors que les éventuels amendements seront de toute façon rejetés par la Diète.

Ainsi, la Plateforme civique, qui se présente pourtant comme très pro-UE, et de plus en plus eurofédéraliste, retarde sciemment la ratification après s’être abstenue lors du vote à la Diète et après avoir eu des mots très durs à l’égard de La Gauche (Lewica), qui avait annoncé son soutien à la ratification. Le message risque d’être difficilement lisible pour les électeurs de la PO qui se voit critiquée par ses habituels alliés de l’opposition pour son attitude peu responsable d’opposition « totale », concentrée sur une stratégie exclusivement « anti-PiS ».

Après le vote sur la ratification du Plan de relance Next Generation EU, les sondages confirment le trouble, avec une nouvelle chute de la PO qui ne peut plus prétendre au titre de premier parti d’opposition, puisqu’elle est désormais largement dépassée par le nouveau parti Pologne 2050 (Polska 2050) du « catholique progressiste » Szymon Hołownia. Ce dernier cherche activement à occuper le centre de l’échiquier politique polonais où il fait concurrence au Parti agraire PSL, entre la PO sur son aile gauche et le PiS sur son aile droite. C’est ainsi qu’un nouveau sondage United Surveys pour la radio RMF FM et le journal Dziennik Gazeta Prawna, qui ne sont pas des médias défavorables à la PO, donne la Coalition civique (KO) conduite par l’ancien parti de Donald Tusk, qui est aujourd’hui dirigé par Borys Budka, à 12,1 % d’intentions de vote seulement contre 21,9 % pour le parti de Hołownia et 33,5 % pour le parti de Jarosław Kaczyński. La PO se retrouve ainsi talonnée par La Gauche (9,6 %) et par la Confédération (la coalition des nationalistes et des libertariens, à 8,6 %), tandis que le parti agraire, c’est-à-dire l’ancien allié de la PO de 2007 à 2015, n’atteindrait pas le seuil des 5 % pour entrer à la Diète.

Si ce n’est qu’un sondage parmi d’autres, la tendance de fond très défavorable à la Coalition civique (KO) conduite par la Plateforme civique (PO) est visible sur ce graphique réalisé par le site ewybory.eu à partir de la moyenne mensuelle des différents sondages :

Source : ewybory.eu

 

La Plateforme civique se retrouve aujourd’hui plongée dans une véritable crise identitaire, victime à la fois de son évolution vers la gauche libérale-libertaire (alors que c’était au départ, jusqu’au début des gouvernements de Donald Tusk, un parti libéral-conservateur qui se revendiquait de la démocratie chrétienne) et de sa stratégie axée sur l’hostilité systématique aux politiques menées par la Droite unie, c’est-à-dire la coalition de gouvernement menée par le parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński.

Du fait de son attitude ambiguë vis-à-vis de la ratification du Plan de relance européen, la PO est aussi l’objet de moqueries des souverainistes qui lui demandent comment elle va s’expliquer à Bruxelles et au Parlement européen, au sein de son groupe PPE. En effet, pour entrer en vigueur, le Plan de relance Next Generation EU doit d’abord être ratifié par chacun des 27 États membres et la très européiste PO fait donc aujourd’hui partie de ceux qui retardent un processus qui devait s’achever au plus tard en avril. En outre, après les échanges d’amabilité entre la PO et La Gauche au sujet de la ratification de ce Plan de relance, que la PO voyait comme l’occasion de faire tomber le gouvernement de Mateusz Morawiecki, il sera encore plus difficile au parti de Borys Budka de prétendre encore au rôle de leader d’une opposition unie face au PiS pour les prochaines élections (normalement prévues en 2023, si la coalition Droite unie ne vole pas en éclats avant).

La semaine dernière, 51 parlementaires de la Coalition civique conduite par la PO – surtout des parlementaires de la PO elle-même – ont publié une lettre ouverte pour appeler à un débat au sein du parti et à des changements. Parmi les signataires, on trouve le prédécesseur de Borys Budka à la tête de la PO, Grzegorz Schetyna. Interrogé sur l’éventualité de son retour à la tête de son parti, ce dernier a botté en touche sur Radio Zet en affirmant que ce serait « difficile pour la Plateforme civique de reconnaître qu’elle doit revenir à son leader précédent parce que l’actuel n’est pas à la hauteur ». Cependant, a précisé Schetyna : « Moi j’ai laissé la Plateforme à 30-31 % de soutien [dans les sondages], et maintenant elle est à 15 % et il faut en tirer les conséquences. »