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Mine de Turów – La Tchéquie demande des sanctions contre la Pologne

Temps de lecture : 3 minutes

Pologne – « Compte tenu du resserrement de la coopération transfrontalière avec la République tchèque, il semble que nous soyons déjà très proches d’un accord. À la suite de cet accord, la République tchèque a accepté de retirer sa plainte auprès de la CJUE ». C’est ce qu’avait déclaré sur Twitter le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki le 25 mai dernier après ses discussions avec son homologue tchèque Andrej Babiš en marge d’un sommet européen à Bruxelles. Le 21 mai, suite à une plainte déposée par la République tchèque en février, la CJUE avait adopté une ordonnance provisoire enjoignant la Pologne de suspendre l’exploitation de la mine de lignite de Turów, à proximité de la frontière tchèque. Une ordonnance décidée en séance à juge unique. Ainsi, la juge espagnole Rosario Silva de Lapuerta, vice-présidente de la CJUE, ordonnait-elle à la Pologne d’arrêter l’exploitation d’une mine fournissant du travail à des milliers de personnes et produisant le combustible pour une centrale proche couvrant entre 5 et 7 % de l’électricité consommée dans le pays. Cela en attendant l’examen de l’affaire sur le fond, c’est-à-dire sans avoir encore décidé de qui a raison et qui a tort, et surtout s’il y avait eu violation du droit européen dans ce conflit entre Pologne et Tchéquie.

Cette dernière estime en effet que le maintien de l’exploitation de la mine polonaise met en danger ses réserves d’eau et occasionne des nuisances environnementales de son côté de la frontière, et qu’il viole les engagements européens de la Pologne.

L’ordonnance provisoire de la CJUE n’a pas surpris que les Polonais. Ainsi, dans un entretien publié le 2 juin sur le site du quotidien tchèque Lidové noviny, Richard Brabec, le ministre de l’Environnement du gouvernement Babiš, déclarait que « la décision de la Cour européenne est probablement une énorme surprise pour les Polonais mais aussi un peu pour nous. » Le ministre déplore cependant dans ce même entretien la vision très partiale, selon lui, des Polonais, et il dit regretter que Prague ait eu à se tourner vers la CJUE contre un pays avec lequel les Tchèques ont « par ailleurs des relations de bon voisinage ». Et Brabec d’expliquer ainsi la position de son pays : « Nous négocions avec la Pologne sur cette question depuis 2016. Au cours de cette période, il y a eu, je crois, trois ministres de l’Environnement du côté polonais. Malheureusement, la partie polonaise ne faisait que tourner en rond, nous n’obtenions pas toutes les informations que nous souhaitions et la méfiance à l’égard de leur volonté de traiter avec nous comme avec un partenaire égal allait grandissante. La mine se rapproche progressivement de la frontière tchèque, et les gens souffrent de l’augmentation du bruit, de la poussière et des secousses. Et surtout, des milliers de personnes perdent leur eau. »

Ce qui est sûr, c’est que les Polonais souhaitent désormais négocier avec leurs voisins tchèques, et c’est probablement à la lumière de la négociation en cours qu’il faut voir l’exigence tchèque, annoncée lundi, concernant l’imposition par la CJUE d’une astreinte journalière de 5 millions d’euros tant que la Pologne n’aura pas suspendu l’exploitation de sa mine de lignite.

Côté tchèque, c’est justement Richard Brabec qui est chargé de conduire les négociations en équipe avec son collègue des Affaires étrangères, Jakub Kulhánek. Côté polonais, le chef de la Chancellerie du président du Conseil des ministres, Michał Dworczyk, a assuré mardi sur Radio Zet que les négociations avançaient avec la participation, entre autres, du ministère des Affaires étrangères et du ministère du Climat, et qu’une rencontre venait d’avoir lieu en Tchéquie qui avait permis d’esquisser le cadre d’un possible accord. Dworczyk a également dit espérer que la Pologne éviterait la situation où elle aurait à payer une amende journalière de 5 millions d’euros, alors que

le Premier ministre Morawiecki avait annoncé le 21 mai que la Pologne ne prendrait aucune mesure de nature à menacer sa sécurité énergétique.

Le charbon assure encore aujourd’hui plus des trois quarts de la production d’électricité en Pologne, le gaz ne couvrant que 7 % de la production et les éoliennes 8 %. Pour Witold Waszczykowski, ministre des Affaires étrangères en 2015-17, l’action de la Tchéquie devant la CJUE « doit être lue dans le contexte de la politique qui se déroule en République tchèque, où des élections auront lieu dans quelques mois, en septembre. Le parti du Premier ministre Babiš est en forte baisse dans les sondages et ne gagnera certainement pas les élections. Il attaque donc les autres et montre qu’il se soucie des intérêts tchèques. »

Interrogé mardi, Mateusz Morawiecki s’est de son côté dit optimiste tout en précisant qu’il y aurait encore plusieurs jours ou plusieurs semaines de négociations qui « permettront de faire converger nos positions et de conduire au retrait de la plainte que les Tchèques ont déposée ». Ceci alors qu’il assurait le 25 mai que la République tchèque « avait accepté de retirer sa plainte auprès de la CJUE.

L’accord qui se dessine devrait comprendre des compensations financières versées par la Pologne à la Tchéquie pour le préjudice causé par l’exploitation de la mine de Turów, mais aussi la sécurisation des nappes phréatiques côté tchèque,

ainsi que la fourniture par la Pologne de toutes les informations à sa disposition concernant l’impact sur l’environnement de l’exploitation de la mine de Turów.