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Entretien avec Sonia Anzong : la gauche décoloniale polonaise contre les missionnaires

Temps de lecture : 12 minutes

Entretien avec Sonia Anzong, une Camerounaise qui a été élevée par un prêtre polonais calomnié par Gazeta Wyborcza, le journal-phare de la gauche libertaire polonaise.

Faute de pouvoir être « décolonial » au sens français, la Pologne n’ayant pas eu de colonies, le quotidien Gazeta Wyborcza semble s’être engagé dans une campagne « décoloniale » en s’attaquant aux missionnaires polonais en Afrique. C’est ainsi qu’un capucin polonais en RCA, le frère Benedykt Pączka, a récemment été accusé de « colonialisme » et s’est vu reprocher son « colonialisme » et le fait qu’il profitait de l’aide offerte à la population locale pour faire œuvre d’évangélisation. C’était après la diffusion d’une chanson polonaise, « Makumba », adaptée et chantée par les enfants de son école de musique, l’African Music School.

Un autre missionnaire polonais, le père Dariusz Godawa, au Cameroun depuis 1993, s’est vu accusé de tous les maux dans une série d’articles publiés par Gazeta Wyborcza pendant la deuxième quinzaine de mai. Le foyer pour orphelins et enfants délaissés qu’il tient dans la capitale Yaoundé serait un « orphelinat cauchemardesque » et lui-même serait un raciste animé par un esprit colonial. Les auteurs des articles le concernant n’y ont bien sûr jamais mis les pieds mais n’en sont pas moins imbus de leur supériorité morale. L’un d’eux m’a même expliqué au téléphone que, en tant que conservateur (ce que je suis forcément à ses yeux puisque j’écris pour l’hebdomadaire libéral-conservateur polonais Do Rzeczy), j’étais forcément moins sensible que lui aux souffrances des enfants.

Cependant, une Camerounaise résidant aujourd’hui en Pologne mais ayant vécu plusieurs années au foyer du père Godawa, Sonia Anzong, m’a raconté à quoi ressemblait réellement la vie dans l’orphelinat dirigé par cet ancien prêtre dominicain.

Installé au Cameroun depuis 1993, le père Dariusz Godawa n’est plus dominicain depuis 2019, mais prêtre diocésain du diocèse de Zielona Góra-Gorzów envoyé au Cameroun. Son expulsion de l’ordre dominicain (contre laquelle il a fait appel à Rome) n’était pas liée à des réserves sur les conditions de vie à l’orphelinat, mais était une conséquence de son refus de retourner en Pologne car il ne voulait pas quitter les enfants et les jeunes dont il s’occupait depuis des années au Cameroun. Il convient également de souligner que l’orphelinat géré par le prêtre polonais dans la capitale Yaoundé est visité une fois par semaine par les services dépendant du ministère camerounais des affaires sociales, ce qui est confirmé par un document officiel du ministère, qui m’a été montré par l’intéressé lui-même. Le document indique également que le centre ne soulève aucune objection et qu’il répond aux normes les plus élevées du Cameroun.

Sonia Anzong vit en Pologne depuis huit ans. Sa dernière visite au Cameroun remonte à 2017, avec notamment une semaine au foyer du père Dariusz Godawa à Yaoundé et plusieurs semaines au domicile familial à Bertoua. Après avoir étudié en Pologne, elle y a trouvé un emploi et est financièrement indépendante. Depuis plusieurs années, elle ne reçoit aucune aide du père Dariusz Godawa ou de l’Association des Amis des Enfants du Soleil, qui collecte de l’argent auprès des donateurs en Pologne pour financer le fonctionnement de l’orphelinat à Yaoundé.

Sonia Anzong parle le polonais et a lu les articles publiés dans la Gazeta Wyborcza, dans lesquels le prêtre polonais est décrit comme un « maître de la vie et de la mort » cruel.

J’ai parlé à de nombreuses personnes – des Camerounais et des Polonais – qui sont passées par le foyer du père Godawa, d’abord à Bertoua puis à Yaoundé, au cours des 12-13 dernières années. J’ai parlé, entre autres, avec des personnes qui ne sont plus en contact avec le prêtre polonais depuis des années et, bien sûr, avec le père Dariusz Godawa lui-même, pour connaître ses réponses aux accusations de Wyborcza.

En revanche, « l’enquête internationale » (c’est ainsi qu’elle est présentée, même si son caractère international soulève des doutes) de Gazeta Wyborcza incluse dans trois articles publiés les 18-20 mai se fonde principalement sur les récits de deux témoins directs de Pologne. L’un est un délinquant qui purge aujourd’hui une peine de prison et l’autre une bénévole qui a séjourné au Cameroun pendant trois mois en 2012 sans connaître la langue française (parlée par les enfants sur place), et qui a ensuite écrit des choses contradictoires sur son expérience là-bas.

Cet entretien est paru originellement sur le site de l’hebdomadaire polonais Do Rzeczy.

Olivier Bault : J’ai vu que votre promoteur de travail de licence en Philologie romane à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań, Jędrzej Pawlicki, est un des deux co-auteurs des articles de Gazeta Wyborcza dans lesquels le père Dariusz Godawa, que vous connaissez bien et qu’ils appellent en titre « Pan życia i śmierci » (maître de la vie et de la mort), est accusé de tous les maux.

Sonia Anzong : Oui, c’est Jędrzej Pawlicki qui me harcelait tout le temps pour l’écriture de ces articles, et il continue de le faire encore aujourd’hui.

Olivier Bault : Vous lui aviez donc parlé du foyer du père Dariusz Godawa et de votre vie à Yaoundé ? Peut-être avez-vous dit des choses qui lui ont fait penser que certaines choses n’allaient pas ?

Sonia Anzong : Non, jamais. Il ne savait même pas que j’étais en contact avec le père. Je ne lui ai jamais parlé d’où je venais. Il sait que je suis Camerounaise. Quand il m’a joint, il m’a dit qu’il avait trouvé mon nom sur le site Internet du père Dariusz et il s’est souvenu que j’étais son étudiante. Et il m’a dit qu’il aimerait que je l’aide à écrire des articles qui parleraient du père et qui critiqueraient son travail. Et c’est là que je lui ai dit que non, car je suis l’enfant du père et j’ai vécu là-bas. Le père s’est occupé de moi pendant sept ans, depuis l’âge de 14 ans, dont trois ans où j’ai habité au foyer, sans compter son aide après ma venue en Pologne et je ne peux pas écrire un article critique sur mon papa. Il a alors commencé à me demander si j’avais été maltraitée. Il voulait que j’explique mon expérience et il m’a dit que si je parle sous la pression il m’aiderait, même s’il fallait que l’affaire aille en justice. Il m’a promis qu’ils ne m’abandonneraient pas et m’a demandé si je n’avais pas peur de m’exprimer. J’ai répondu que « Non, je n’ai pas peur de m’exprimer, je le fais ouvertement. Le père Dariusz ne m’a pas maltraitée et je ne veux pas participer à votre article. » Depuis, il m’écrit tous les jours en me proposant de l’aide, il m’envoie des liens de psychologie. Il suppose que je suis malade ou que j’ai besoin d’aide ? Il me harcèle tout le temps avec ses messages.

Olivier Bault : Vous avez donné votre témoignage le 20 mai au soir dans l’émission «Reportaż z wycinków świata » de Monika Białkowska, et une personne a fait remarquer dans les commentaires sur Facebook que vous étiez dans la commission de révision de l’association Stowarzyszenie Przyjaciół Dzieci Słońca (Association des Amis des Enfants du Soleil), qui collecte de l’argent en Pologne pour le foyer « Orphelinat Les Enfants of Sun » du père Dariusz Godawa. S’agit-il pour vous d’une activité bénévole ou rémunérée ?

Sonia Anzong : Non, je ne suis pas payée du tout. Comme je l’ai dit dans l’émission, depuis 2017 je ne reçois plus aucun argent de l’association ou du père Dariusz. J’y suis en tant que membre de l’association, c’est tout, et j’aide un peu quand il s’agit de faire passer des informations avec les Camerounais envoyés par le père Darek en Pologne pour pouvoir y faire des études, parce que nous sommes neuf ici, y compris avec ma sœur qui est aussi ici en Pologne pour étudier. C’est aussi le père Dariusz qui l’a fait venir. Elle écrit souvent les rapports chaque mois pour l’association pour dire comment ça va, ce qu’ils font, si tout va bien à l’université, etc. Et donc moi j’aide un peu pour faire passer les informations, c’est tout ce que je fais pour l’association.

Olivier Bault : Pour en venir à ce qui est écrit dans la série d’articles de Gazeta Wyborcza à propos des conditions de vie au foyer du père Dariusz, que pensez-vous des conditions de vie quand vous y étiez et par rapport à ce que vous en savez maintenant ? Avez-vous vécu dans de bonnes conditions à l’Orphelinat Les Enfants of Sun, qui s’appelait alors Foyer Saint-Dominique ?

Sonia Anzong : Pour moi c’était très bien comparé à ma vie d’avant quand j’étais avec mes parents. Par exemple avec mes parents, je ne recevais pas d’argent de poche, on mangeait moins, et on n’avait pas une vie organisée comme au foyer. Au foyer, quand je suis arrivée, j’avais déjà des tâches à faire, j’avais un programme à faire. Les filles ont un calendrier. Tu as un jour de nettoyage, un jour de cuisine, etc. Et on avait aussi l’argent de poche pour les taxis, parce que chez nous on utilise les taxis-motos pour aller à l’école. Quand j’étais avec mes parents, je n’avais pas d’argent pour les taxis et je partais à l’école à pied, et donc il y avait une différence au niveau du transport. Et au niveau de la nourriture il y avait une différence aussi. Au foyer, les repas étaient variés. On savait que le lundi on mange ceci, le mardi cela, etc. En famille, quand j’étais encore avec mes parents, ce n’était pas comme cela et on n’avait pas toujours à manger. Je ne dis pas cela pour dénigrer mes parents mais c’est ce que je vivais.

Olivier Bault : Mais alors comment se fait-il que vous soyez allée au foyer puisque vous avez vos parents ?

Sonia Anzong : Mon papa est polygame et nous étions onze à la maison. Son salaire ne permettait pas de nous envoyer tous à l’école et de manger. Le père Dariusz, quand il était à Bertoua, il aidait certaines familles qui étaient en difficulté. Il n’aidait pas seulement les orphelins. Il y avait des parents qui venaient le voir, qui exposaient leurs problèmes. Le père Dariusz aidait mon papa pour payer notre école. Et donc quand j’étais à Bertoua je restais chez moi à la maison. Mais quand le foyer a déménagé pour Yaoundé, après l’accident des enfants [en 2009, deux garçons du foyer ont trouvé la mort quand le bâtiment des toilettes s’est effondré à l’aube après une forte pluie pendant la nuit, alors qu’ils venaient de se lever, NDLR], mon papa m’a envoyé à Yaoundé avec les enfants de l’orphelinat. Les enfants qui y sont ne sont pas tous orphelins. Certains ont leurs parents, mais ceux-ci n’arrivent pas à payer l’école ou bien à nourrir correctement tous leurs enfants. Dans mon cas, c’était pour l’école. Mon papa ne s’en sortait pas avec onze enfants à la maison.

Olivier Bault : Vous avez parlé des repas qui étaient plus variés au foyer du père Dariusz que dans votre famille. Pourtant, dans ces articles sur la vie au foyer, Gazeta Wyborcza explique – comme c’est d’ailleurs écrit sur le site misja-kamerun.pl du père Dariusz – que les enfants ont un seul repas par jour, mis à part pour les plus petits qui ont encore droit à un petit-déjeuner avant d’aller à l’école. Mais si j’ai bien compris, c’est l’habitude au Cameroun de ne manger qu’un repas par jour, n’est-ce pas ?

Sonia Anzong : Oui, dans les familles aisées, c’est l’habitude. Il y a en fait deux situations au Cameroun. Il y a les riches et les très pauvres, il n’y a pas de classe moyenne. Et ceux qui ont de l’argent mangent un repas par jour. Mais au foyer les petits enfants reçoivent encore le matin du pain avec du beurre ou du chocolat, et au retour de l’école nous mangeons tous à 19h. C’était comme cela quand j’y étais. Mais parfois quand on rentrait du lycée il y avait des restes de nourriture de la veille qu’on pouvait manger.

Olivier Bault : Piotr Żytnicki et Jędrzej Pawlicki, les auteurs des articles publiés dans Gazeta Wyborcza, prétendent que le père Dariusz Godawa mange cinq repas par jour et qu’il boit beaucoup de bière.

Sonia Anzong : Non, le père ne mange pas cinq fois par jour. Il mange des œufs avec du pain le matin et il mange le soir avec nous. En journée il peut boire des jus ou des choses comme cela, ce qui est tout à fait normal. Autant que je me souvienne, il n’avait pas d’autres repas préparés, même s’il pouvait lui arriver de grignoter quelque chose en journée. Mais nous aussi, nous recevions un peu d’argent pour nous acheter quelque chose à grignoter à l’école.

Olivier Bault : Et vous-mêmes, vous souvenez-vous avoir eu faim quand vous étiez au foyer ? Les enfants ont-ils faim au foyer ?

Sonia Anzong : Comparé aux autres enfants, je ne pense pas qu’ils avaient faim. C’était visible, au foyer, que nous mangions bien par rapport aux autres enfants camerounais. Moi, personnellement, je n’avais pas faim et je ne voyais pas d’enfants affamés autour de moi. Ce qui est écrit dans Gazeta Wyborcza est faux, nous étions bien nourris.

Olivier Bault : Piotr Żytnicki et Jędrzej Pawlicki se scandalisent dans leurs articles du fait que les enfants mangent assis par terre tandis que le père Dariusz Godawa mange assis à une table et donnent ses restes aux enfants. Qu’avez-vous à dire de ces accusations ?

Sonia Anzong : Chez nous, c’est tout à fait normal de manger par terre. C’est dans chaque famille, pas uniquement au foyer. Nous on a la chance au foyer que le sol est propre, on a des carreaux, tout est bien lavé parce que chaque enfant participe au ménage. Manger par terre, pour nous, c’est naturel. Personne ne se pose ce genre de question. Et en plus, on mange en groupes. Les plus petits mangent entre eux, les jeunes filles mangent entre elles, etc. On s’assoit toujours par terre, premièrement parce qu’on n’a pas de table, mais deuxièmement parce que c’est une tradition chez nous et nous sommes plus à l’aise à manger comme cela. On se met en cercle, on place un plat au milieu et on mange. C’est comme cela que l’on mange chez nous, au Cameroun. Le père, lui, ne mange pas par terre, mais c’est d’abord parce qu’il est d’une autre culture et ensuite parce que c’est un papa. Chez nous, en Afrique, on respecte les papas. Mon papa ne mangeait pas par terre non plus. Il mangeait aussi à une table. Chez nous, les tables sont beaucoup plus réservées pour les hommes. Les enfants et les femmes mangent par terre. C’est comme cela chez nous.

Olivier Bault : Les deux auteurs des articles de Gazeta Wyborcza parlent aussi de ces restes que le père Dariusz Godawa donne aux enfants pour les humilier, par exemple en demandant qui veut ses têtes de poissons.

Sonia Anzong : Ce qui se passe chez nous au Cameroun, c’est que les grands se servent toujours les premiers et ils sont toujours les mieux servis. On donne les gros morceaux au père de famille, et ensuite les grands enfants se servent, et seulement après les petits qui ont les moins bons morceaux. Le père Dariusz avait remarqué que, par exemple, quand on fait une fête, les petits enfants sont toujours servis en dernier. C’est la tradition camerounaise et il ne peut pas la changer. Et donc le père, ce qu’il fait, c’est que d’habitude il prend beaucoup à manger, et après il partage avec les petits. Et en ce qui concerne les os ou les arêtes de poisson, chez nous les enfants aiment ça. Le père sait que quand il laisse son plat, les enfants attendent les os. Les gens qui ne connaissent pas cette habitude l’interprètent mal et disent qu’il jette ses os comme à des chiens, mais chez nous c’est naturel de manger les restes de nourriture de son papa. C’est même une joie pour l’enfant qui arrive en courant pour prendre ces restes. Ce n’est pas mal vu dans notre tradition, dans notre vie quotidienne.

Olivier Bault : Vous avez dû connaître la maison louée par le père Dariusz Godawa entre le moment du déménagement du foyer de Bertoua à Yaoundé et l’achat du terrain où se trouve aujourd’hui l’Orphelinat des Enfants of Sun.

Sonia Anzong : Oui, j’y ai habité.

Olivier Bault : Les maisons actuelles, construites avec l’argent collecté en Pologne par le père Dariusz et l’association Stowarzyszenie Przyjaciół Dzieci Słońca, sont-elles mieux que cette maison louée au début des années 2010 ?

Sonia Anzong : En fait, quand nous étions dans cette maison louée, nous étions très serrés. Nous dormions à six filles par chambre sur un même matelas. Il y avait peu de chambre et le loyer était très élevé. Les conditions de vie étaient difficiles là-bas par rapport à la nouvelle maison qu’on a construite. À mon époque, quand nous avons déménagé dans la nouvelle maison construite avec l’argent collecté en Pologne, nous étions deux filles par chambre, pour les grandes filles.

Olivier Bault : Dans cette maison louée au début des années 2010, le père Dariusz Godawa vivait comme vous ?

Sonia Anzong : Oui, la chambre du père était juste en face de notre chambre. Nous vivions tous dans la même maison, nous étions une vingtaine. Chez nous, en Afrique, on passe beaucoup plus de temps à l’extérieur et on rentre dans la maison le soir pour dormir. À Bertoua aussi, moi j’étais dans ma famille mais le père vivait avec les enfants dans la même maison.

Olivier Bault : Et pour cette villa dont parle Gazeta Wyborcza à propos du foyer actuel, avec les deux bâtiments où logent la quarantaine d’enfants et la villa où se serait confortablement installé le père Dariusz Godawa, vous êtes au courant ?

Sonia Anzong : J’ai moi-même été parmi les filles chargées de nettoyer la chambre du père chaque samedi et je peux dire que le père a juste une chambre pour lui dans cette maison. Le reste des chambres, qui sont à l’étage, elles sont pour les étrangers, les touristes qui viennent et le père les louaient pour avoir un peu d’argent. On nettoyait aussi ces chambres. Et il y a aussi une chambre pour le couple, Mariane et Achille, qui s’occupent du foyer.

Olivier Bault : Avez-vous lu ces articles sur le père Dariusz Godawa et sur ce foyer que vous avez connu, dans Gazeta Wyborcza ?

Sonia Anzong : Oui, je les ai lus.

Olivier Bault : On y parle de comportements inappropriés d’adultes vis-à-vis de jeunes filles mineures, que le père Dariusz Godawa autoriserait par son manque de réaction. Avez-vous été vous-même témoin de tels comportements ou avez-vous entendu parler de ce genre de choses au foyer ?

Sonia Anzong : Non, jamais. Au foyer, il y a une règle. Quand les filles atteignent l’âge de la puberté, le père explique dans des réunions pour les filles – il y en avait une fois par mois à mon époque – que si une fille tombait enceinte, elle devrait quitter le foyer. Et nous nous surveillions mutuellement pour informer le père si une fille avait une relation. Le père n’acceptait pas les relations de type petit copain/petite copine entre enfants et les étrangers étaient très distants des enfants. Je n’ai jamais vu de harcèlement et personne ne m’a jamais parlé d’une telle situation. Il n’y avait pas ce genre de choses et c’était vraiment surveillé.

Olivier Bault : Puisque vous avez lu ces articles, pouvez-vous me dire ce que vous avez ressenti en les lisant ?

Sonia Anzong : J’ai d’abord constaté l’insulte, non pas envers le père Dariusz mais envers les enfants noirs qui sont traités de « sales », qui sont comparés à des chiens, et c’est d’abord cela qui ne m’a pas plu. Et ensuite je n’ai pas aimé voir comment le père était traité de méchant. Dans ces articles, ils font croire que le père traite les enfants comme des chiens et ça ne m’a pas plu. Et ils font croire qu’on est dominés par le père qui nous donne tout et ils se disent que tout ce que le père va nous imposer on va le faire. Ils pensent qu’on est les esclaves du père et qu’on ne veut pas s’exprimer parce qu’on a peur. Dans ces articles, ils veulent faire ressortir un visage du père qui est tout à fait faux. Le père s’occupait bien de nous. Ils nous accusent d’être sales, ignorants, mal nourris, en bref d’être traités comme des chiens par le père. Cela m’a révolté quand j’ai lu ces articles. J’étais tellement fâchée que je voulais écrire à mon promoteur Jędrzej Pawlicki pour lui demander d’arrêter de dire de telles choses parce que cela ne se passe pas comme il le dit au foyer. Mais moi j’ai des émotions et je vais dire des choses qu’il va prendre et qu’il va retourner contre moi, et le père m’a conseillé de ne pas réagir parce que j’étais en colère. Mais j’ai été vraiment blessée par ces articles.