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Le premier ministre slovène n’est pas le bienvenu à Bruxelles

Temps de lecture : 3 minutes

Slovénie/Union européenne – Conformément à l’article 16(9) du traité sur l’Union européenne, la présidence du Conseil de l’Union européenne passe tous les six mois à un autre État membre à tour de rôle. Cette règle permettant à tous les pays de l’Union d’avoir leur mot à dire à Bruxelles une fois tous les treize ans entraîne parfois des cohabitations dont les protagonistes n’ont pas grand chose (d’aimable) à se dire.

Janez Janša, un conservateur proche de Viktor Orbán

C’est notamment le cas depuis deux jours, la Slovénie venant de prendre la présidence de l’Union européenne pour le second semestre de cette année, faisant la suite de l’Allemagne puis du Portugal avant de passer le relais à la France puis à la Tchéquie. Or le premier ministre conservateur slovène Janez Janša – de retour au pouvoir à Ljubljana depuis mars 2020 – n’est pas vraiment en odeur de sainteté auprès des instances dirigeantes actuelles de l’Union européenne, car on lui reproche pêle-mêle – outre d’être proche de son homologue hongrois Viktor Orbán – d’être un « populiste », de « restreindre la liberté de la presse », d’« embrouiller le système judiciaire » etc., bref tout ce qu’on reproche déjà aux empêcheurs de « libéraliser » en rond que sont les dirigeants hongrois et polonais.

« Nous ne devons rien à l’Union européenne » 

On lui en veut aussi de dire ce qu’il pense aux instances bruxelloises, comme il le fit par exemple en mai dernier en déclarant sur Twitter :

« Nous ne devons rien à l’Union européenne […] Nous nous sommes battus pour notre liberté et notre démocratie il y a 30 ans ».

D’aucuns avertirent donc du « danger » qu’il y a à laisser venir un tel trublion à Bruxelles. Ainsi, la vice-présidente du Parlement européen Katarina Barley (SPD), citée par Die Welt, a prédit une « période difficile » et invité à ne pas offrir au leader slovène « une scène pour sa rhétorique et sa politique antidémocratiques », tandis que Reporters sans Frontières craint que M. Janša cherche à « entraver les efforts visant à renforcer la liberté des médias en Europe ». Dans cet état d’esprit, tout est bon pour monter en épingle la moindre des choses.

La question épineuse des « juges communistes »

C’est ainsi qu’avait lieu hier, à Brdo (au nord-ouest de Ljubljana), la réunion d’ouverture de la présidence slovène au cours de laquelle Janez Janša, vivement attaqué pour avoir osé critiquer la partialité de certains juges issus de l’époque communiste – un problème auquel la Pologne est également confrontée –, a montré aux participants du sommet une photo montrant des juges slovènes en compagnie de personnalités politiques sociales-démocrates. M. Janša y voit la preuve d’une collusion politique que les dirigeants européens se refusent d’imaginer. Prenant prétexte de cette divergence d’opinion à ce sujet, le vice-président social-démocrate de la Commission européenne, le Néerlandais Frans Timmermans, a tout simplement refusé de figurer sur la traditionnelle « photo de famille » clôturant ce premier sommet de la présidence slovène en déclarant à la presse :

« Je ne pouvais tout simplement pas être sur le même podium que le premier ministre Janša après son attaque inacceptable et sa diffamation contre deux juges et deux députés »

du groupe S&D au Parlement européen. « Il a mis en cause leur intégrité parce qu’ils étaient sur la même image. L’indépendance judiciaire et le respect du rôle des députés européens élus sont les pierres angulaires de l’état de droit, sans lesquelles l’UE ne peut fonctionner. Nous ne devons jamais cesser d’interpeller ceux qui l’attaquent ».

La Slovénie tarde à nommer un procureur délégué au Parquet européen

De son côté, la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, qui évitait très ostensiblement de converser avec le premier ministre slovène, a très officiellement critiqué le fait que la Slovénie n’ait pas encore nommé de procureur délégué pour le parquet européen : « C’est un élément crucial pour protéger l’argent des contribuables. C’est une institution importante. C’est très bien que la Slovénie y ait adhéré et maintenant la Slovénie doit tenir sa promesse et agir parce que je pense qu’il est maintenant temps et juste qu’ils nomment un procureur délégué […]

Je compte sur le Premier ministre pour soumettre des noms de toute urgence ».

En fait, Janez Janša trouve « trop politique » l’attitude du procureur européen Laura Codruța Kövesi et a répondu sur ce point de manière sibylline à Ursula Von der Leyen :

« La Slovénie est membre de l’ Union européenne et vous devriez vous y habituer ».

Avec une telle ambiance dès le premier jour et alors que de nombreux membres de la Commission européenne projettent d’en découdre prochainement sérieusement avec la Hongrie et la Pologne, la présidence slovène de l’Union européenne s’annonce d’ores et déjà houleuse et peu consensuelle.