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La lettre ouverte à Boris Johnson de Mária Schmidt

Temps de lecture : 4 minutes

Hongrie – Suite au match de football Hongrie-Angleterre du jeudi 2 septembre au cours duquel des débordements racistes ont été constatés, le Premier ministre britannique Boris Johnson a publié un tweet dans lequel il exprimait qu’il était « totalement inacceptable que des joueurs anglais aient fait l’objet d’agression raciste en Hongrie », appelant la FIFA à « prendre des mesures fortes contre les responsables pour garantir que ce genre de comportement lamentable soit éradiqué pour de bon ».

Ce commentaire du Premier ministre britannique a été mal pris par une partie du public hongrois et a fait réagir jusqu’à des membres du gouvernement. En effet, l’ambiance s’est rapidement dégradé dès l’agenouillement rituel et politique en faveur du mouvement extrémiste BLM (Black Lives Matter), vu par les autorités hongroises et l’écrasante majorité du public hongrois comme une provocation.

Parmi les personnes ayant réagi se trouve l’historienne et femme d’affaires influente Mária Schmidt, une proche de Viktor Orbán qui dirige plusieurs instituts de recherche politique et historique.

Mária Schmidt au stade Puskás de Budapest, avril 2021. Photo : Facebook / Mária Schmidt

 

Nous avons traduit sa lettre ouverte, publiée sur sa page Facebook le 3 septembre 2021 :

Monsieur le Premier ministre,

J’ai découvert avec stupéfaction la publication dans laquelle, avec un total manque de tact, et l’attitude de colon à laquelle les Britanniques ont habitué le monde, vous condamnez les supporters hongrois pour ce que vous appelez leur racisme. Les Britanniques sont arrivés en qualité d’invités dans notre capitale, et ont provoqué les supporters hongrois par un geste que nous percevons comme un acte substitutif d’une grande hypocrisie. Pendant de longs siècles, les Britanniques ont colonisé diverses parties du monde, et continuent jusqu’à ce jour à maintenir en vie un monde anachronique fondé sur un système de castes. Nous autres, nous n’avons jamais colonisé personne. C’est pourquoi je voudrais vous conseiller de pratiquer vos agenouillements rituels dans des pays qui estiment en avoir besoin. Ostentatoire et hypocrite, ce geste moralisateur des Britanniques n’annule aucun des agissements de leur passé, et n’en répare aucun non plus. Pour ne rien dire du fait que nous autres Hongrois n’avons jamais rien reçu de bon de la part des Britanniques. Les spécialistes des relations publiques de la Grande-Bretagne ont certes, pendant cent ans, réussi à faire retomber sur les Français la responsabilité du traité de Trianon, et plus généralement de toutes les aberrations commises dans le cadre des traités signés à Versailles, mais aujourd’hui, on ne trouve plus personne pour croire que cette France épuisée par la guerre aurait eu des ordres à donner à un empire mondial, qui était encore la puissance dominante de l’époque. Après l’armistice de 1918, le blocus britannique a condamné à mort près d’un million d’allemands affamés ; il serait, bien entendu, plutôt du devoir de la société civile allemande, si elle en avait le courage, de le rappeler – je me contente de vous faire remarquer que nous ne l’avons pas oublié. Pas plus que nous n’avons oublié qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, ces mêmes Britanniques ont affamé jusqu’à ce que mort s’en suive plusieurs millions d’indiens, en confisquant leurs céréales, pour que la race supérieure des Îles britanniques, elle, n’en manque pas. Il faut croire que les motivations racistes qui animaient Churchill ne vous gênent pas – sans quoi vous ne l’auriez pas désigné comme votre modèle personnel. Mais nous ne vous pardonnerons jamais – je répète : jamais – d’avoir, à l’automne 1944, partagé cette partie de l’Europe avec Staline, sur un coin de nappe, et de nous avoir ainsi, à main levée, rejetés vers l’Asie !

Mais revenons au football. Lors de la finale du Championnat d’Europe, les Britanniques, comme ils le font immanquablement depuis des décennies, ont eu un comportement de racaille. Après avoir molesté plusieurs supporters, ils ont fait subir des insultes racistes à ceux de leurs joueurs noirs qui rataient un tir au but. Présents l’un et l’autre dans les tribunes, ni le Prince William, ni vous-même n’avez cru bon de féliciter pour la victoire de son équipe le Président de la République italienne – une attitude d’une rare grossièreté. Aussi grossière que les sifflements et les huées qui ont perturbé l’audition de l’hymne italien. Sans attendre la proclamation des résultats, les anglais vaincus se sont dispensés de rendre les honneurs au vainqueur. À Londres, vos supporters ont couvert les rues de vomis, d’urine et d’ordures. Enfonçant les cordons de sécurité, ils sont entrés dans le stade sans billets, en jouant des coudes – le tout, en rendant, en plein milieu d’une pandémie, tout contrôle impossible. Ils se sont comportés comme ils en ont l’habitude. Et j’attends toujours qu’on me dise comment ils ont été sanctionnés – sachant que nous autres, en revanche, n’échappons naturellement jamais à aucune réprimande.

Cher Boris Johnson : tout ce que vous dirigez, c’est un petit pays en cours de partition. Essayez de vous faire à cette idée, et tâchez donc de balayer devant votre porte. Car il y a de quoi.

Mária Schmidt

Traduit du hongrois par le Visegrád Post