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Turów nuit certes à l’environnement… mais Jänschwalde également

Temps de lecture : 3 minutes

Pologne/Tchéquie – Les négociations tchéco-polonaises au sujet de la mine à ciel ouvert de Turów semblent ne pas mener à une solution amiable aussi rapidement que la Pologne le souhaiterait. Après avoir annoncé – un peu précipitamment – le 25 mai dernier avoir conclu un accord avec son homologue tchèque Andrej Babiš, le chef du gouvernement polonais, Mateusz Morawiecki, avait rapidement dû déchanter.

Conflit tchéco-polonais au sujet de la mine de Turów

En effet, dès le début du mois de juin, forts de l’ordonnance provisoire délivrée le 21 mai par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) enjoignant la Pologne de suspendre l’exploitation de cette mine de lignite située à la frontière entre les deux pays et provoquant des nuisances environnementales en Tchéquie où elle met notamment en danger les réserves d’eau, Prague demandait désormais des sanctions contre la Pologne pour l’obliger à s’y conformer. Or, ladite mine revêt une importance vitale pour la production d’électricité polonaise, c’est pourquoi il est hors de question pour Varsovie ne serait-ce que d’en interrompre l’exploitation.

Condamnation de la Pologne par la CJUE 

Entretemps, les Tchèques – en pleine campagne électorale – ont obtenu gain de cause devant la CJUE qui, en septembre, a condamné la Pologne à payer une astreinte de 500 000 euros par jour tant que la mine de Turów n’aura pas suspendu son exploitation. Un succès juridique pour Prague qui a fortement ébranlé les relations traditionnellement bonnes entre les deux pays, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki annulant sa participation au Sommet démographique de Budapest et annonçant la suspension de sa participation aux rencontres du Groupe de Visegrád (V4) tant que ce conflit ne serait pas résolu :

« Débrancher la mine de Turów priverait des millions de familles d’électricité, c’est une chose que nous ne pouvons pas accepter […] Nous voulions trouver un accord avec la République tchèque, mais les Tchèques ont manqué totalement de bonne volonté »

avait-il alors déclaré.

Suite à sa défaite électorale, le gouvernement Babiš expédie les affaires courantes

Entretemps, les élections législatives tchèques ont eu lieu et le gouvernement d’Andrej Babiš battu – car ses alliés sociaux-démocrates et communistes ne sont plus représentés à la Chambre – ne fait désormais plus qu’expédier les affaires courantes, tandis que les négociations entre les deux coalitions de l’opposition – SPOLU (centre-droit et libéral) et PirSTAN (altermondialistes et indépendants) – n’ont pas encore abouti à la formation d’un nouveau gouvernement. La situation risque de durer un peu plus longtemps que prévu dans la mesure où le président Miloš Zeman n’est actuellement pas en mesure d’assurer ses fonctions qui devront être transmises en partie au président de la Chambre des députés.

Ce faisant donc, les négociations tchéco-polonaises sont à l’arrêt et, faute d’accord amiable, entre Prague et Varsovie, l’ordonnance provisoire de la CJUE devrait théoriquement s’appliquer jusqu’au jugement sur le fond malgré le refus de la Pologne, ce qui n’arrange bien évidemment pas les relations entre Varsovie et Bruxelles.

Ce qui vaut pour Turów doit aussi valoir ailleurs… 

Or, il se trouve que le site de Turów n’est pas la seule mine à ciel ouvert dans la région… et l’une d’elles, celle de Jänschwalde – vaste de quelques 80 km² (contre seulement 24 km² pour Turów), située au Brandebourg (Allemagne) non loin de l’Oder marquant la frontière avec la Pologne, mais exploitée par une société tchèque (EPH), cause des nuisances environnementales dans les deux communes polonaises limitrophes de Brody et Gubin (voïvodie de Lubusz), où les habitants font également état d’une baisse significative de la nappe phréatique. L’affaire n’a donc pas traîné et le ministère polonais de l’environnement a commandé une étude détaillée sur l’impact environnemental de la mine de Jänschwalde. Selon le maire de Gubin, Zbigniew Barski, la Pologne devrait elle-aussi porter plainte contre la Tchéquie de la même manière que les Tchèques l’ont fait de leur côté :

« Il ne peut pas être vrai que nous nuisions aux Tchèques et que les Tchèques ne nous nuisent pas. Aujourd’hui, le propriétaire de la mine de Jänschwalde est une entreprise tchèque.

Le fait est que cette mine doit être fermée d’ici 2023, mais les dégâts remontent à l’époque de la RDA.

Nous pouvons sans aucun doute démontrer à l’UE que la question du conflit autour de Turów n’est pas un problème à sens unique »,

a-t-il déclaré. Son collègue de Brody, Ryszard Kowalczuk, abonde dans le même sens et explique que la mine côté allemand a un impact négatif sur l’environnement dans les communes polonaises frontalières depuis plusieurs années :

« Puisque nous sommes les méchants qui prennent l’eau de quelqu’un parce que nous exploitons le charbon, nous devons montrer que c’est un système de vases communicants. Si notre mine de Turów crée un cratère de dépression, le même cratère de dépression affecte le côté polonais à la suite de l’extraction du charbon du côté allemand ». 

Cependant, la mine de Jänschwalde devait arrêter son exploitation en 2023, tandis que prouver son impact nuisible sur l’environnement contribue aussi à consolider les arguments tchèques contre la mine de Turów.