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Le PiS divisé sur la ségrégation vaccinale version allégée

Temps de lecture : 4 minutes

Pologne – Cela fait déjà plusieurs mois que le ministre de la Santé polonais cherche à faire voter une loi qui permettrait aux employeurs de contrôler le statut vaccinal de leurs salariés en matière de Covid-19. Le syndicat d’employeur Lewiatan l’a demandé sous prétexte que cela permettrait de mieux gérer l’organisation du travail en fonction des risques accrus de transmission de la maladie que pourraient poser les salariés non vaccinés. Cela irait aussi dans le sens de la pression que le ministre Adam Niedzielski exercerait volontiers sur les Polonais pour les pousser à se faire vacciner. Sur une population de 38 millions d’habitants, le nombre de personnes complètement vaccinées n’augmente en effet plus que très lentement depuis qu’il a dépassé les 18 millions. Aujourd’hui, un peu plus  de 20 millions ont eu au moins deux doses de vaccin contre le Covid, ce qui représente un peu plus de 50 % de la population totale. 

Seulement une telle loi pose de sérieux problèmes dans une démocratie et un État de droit, et si l’opposition libérale et de gauche, demandeuse de toujours plus de restrictions, voterait majoritairement en faveur, le projet du ministre divise au PiS.

Le 16 novembre, il a mystérieusement disparu de l’ordre du jour de la Diète et les opposants à cet outil de ségrégation vaccinale s’en sont réjouis. C’était cependant prématuré puisqu’un texte similaire est apparu le lendemain sous forme de proposition de loi déposée par un petit groupe de députés du PiS. La controverse soulevée par cette proposition de loi est cependant telle que, le lendemain, le président du groupe PiS au Sénat assurait que certains députés qui avaient soutenu cette proposition de loi retiraient déjà leur signature. 

La députée du PiS Anna Maria Siarkowska, qui mène depuis le début le combat contre les restrictions sanitaires excessives et liberticides, a parlé d’un « tir dans le genou », ce qui correspond à l’expression française qui parle de se tirer une balle dans le pied. Pour Siarkowska, une telle levée du secret médical et de la protection des données personnelles serait contraire à la Constitution en plus d’être une très mauvaise décision sur le plan politique.

Les voïvodies de l’est de la Pologne sont en effet celles où l’on se vaccine le moins et celles où le PiS enregistre traditionnellement ses meilleurs résultats électoraux.

Le parti Droit et Justice de Kaczyński  doit par conséquent tenir compte du fait que toute discrimination à l’encontre des personnes non-vaccinées est avant tout une attaque contre son propre électorat qui pourrait coûter cher aux prochaines élections.

Or la proposition de loi prévoit non seulement la possibilité pour les employeurs publics et privés de savoir quels salariés sont vaccinés et lesquels ne le sont pas pour pouvoir les affecter à d’autres postes (on imagine la pression à laquelle seront soumis les non-vaccinés !), mais les directeurs des établissements de santé pourraient en outre renvoyer ceux qui refusent de se faire vacciner. Un chantage serait également exercé sur les employeurs eux-mêmes puisque la proposition de loi prévoit que, en cas de retour des restrictions sur l’exercice de certaines activités, les entreprises dont tous les salariés sont vaccinés ne seraient pas concernées.

Au sein de Konfederacja, groupement de députés d’opposition nationalistes et libertariens, tous hostiles aux restrictions sanitaires et aux atteintes aux libertés civiques, cette proposition a été qualifiée d’écœurante.

Même au sein du gouvernement, le ministre de l’agriculture Henryk Kowalczyk, qui a le rang de vice-premier ministre, a qualifié la proposition de loi de « très controversée ». « Il faut peut-être utiliser d’autres méthodes », a-t-il dit, estimant entre autres que la mise à la disposition des employeurs des informations sur la vaccination posait un problème de sécurité des données. Le ministre Kowalczyk est « de tout cœur pour inciter à la vaccination de toutes les manières possibles », mais il n’est pas sûr qu’il voterait à la Diète en faveur de cette proposition de loi.

Selon le site d’information Onet, cette nouvelle polémique fait que, au sein du PiS, « on ressent de plus en plus une ambiance similaire à celle d’il y a un peu plus d’un an, quand le pouvoir a voulu faire passer en force ses cinq propositions pour les animaux ». Des propositions voulues par Jaroslaw Kaczyński qui sont finalement tombées à l’eau mais qui avaient eu pour le PiS un coût politique élevé, en particulier au sein de l’électorat rural dont une partie semble durablement perdue.

Pendant l’année scolaire 2020-21, le gouvernement de Mateusz Morawiecki, sourd aux protestations et aux mises en garde, a imposé aux élèves du secondaire et des grandes classes du primaire l’école à distance sans interruption d’octobre à mai, ce qui se traduit aujourd’hui par

une très forte augmentation des problèmes psychologiques et psychiques dans la population mineure, ce dont le ministre de la Santé semble avoir enfin pris conscience.

Par ailleurs, les politiques de confinement alliées aux aides publiques financées par l’emprunt ont contribué à une dangereuse accélération de l’inflation (à cause du maintien artificiel de la demande face à une baisse de l’offre), en passe de dépasser 7 % sur un an. Pour couronner le tout, du fait des conflits avec Bruxelles, les fonds du plan de relance européen restent arbitrairement bloqués par la Commission et le gouvernement polonais peut donc difficilement se permettre de financer de nouveaux confinements par le déficit. Tout cela fait que, malgré la très forte augmentation du nombre de cas de Covid-19 ces dernières semaines et la hausse des hospitalisations et des décès, le ministre de la Santé ne prévoit ni confinement, ni ségrégation des non-vaccinés, et il appelle simplement à se faire vacciner et à respecter les gestes barrières. Pour faire respecter ces derniers, et en particulier le port du masque auquel beaucoup de Polonais se refusent aujourd’hui, le ministre a annoncé un renforcement des contrôles dans les transports publics et les centres commerciaux avec amendes à l’appui.

Alors que le nombre de nouveaux tests positifs dépasse désormais largement les 20 000 par jour, soit environ le quart des tests effectués, et que les décès liés au Covid se comptent à nouveau par centaines, Adam Niedzielski note par ailleurs que la vague épidémique a commencé à retomber dans les voïvodies de Lublin et de Podlachie qui sont justement les moins vaccinées et qui étaient jusqu’ici les plus touchées par la quatrième vague.

La Pologne semble sans le dire s’être progressivement convertie à la méthode suédoise, en tout cas pour le moment, et elle ne s’en porte que mieux (comme la Suède, qui s’en porte très bien). Par les temps qui courent, cela en fait un relatif îlot de liberté en Europe, même si la proposition de loi déposée mercredi vient à nouveau menacer cette liberté.