Article paru dans le Magyar Nemzet le 8 janvier 2022.
Pour ce chercheur spécialisé dans l’étude de la Shoah, les journalistes conservateurs doivent s’attendre à faire l’objet de tentatives d’effacement, à des menaces et à des attaques.
Journaliste et chercheur spécialisé dans l’histoire de la Shoah, László Bernát Veszprémy a fait l’objet d’attaques très dures venant de la gauche, parce que, dans un journal israélien, il a évoqué les propos offensants à l’encontre des Juifs tenus par Péter Márki-Zay. Veszprémy considère être victime d’une action internationale coordonnée.
« Faut-il souhaiter que le Premier ministre Viktor Orbán soit vaincu par un politicien homophobe et antisémite ? » – c’est sous ce titre que, le 23 décembre dernier, la publication électronique de langue anglaise Times of Israel a publié un article de László Bernát Veszprémy, chercheur spécialisé dans l’histoire de la Shoah, mais aussi journaliste et rédacteur en chef adjoint du site d’information en langue hongroise Neokohn [site représentant une tendance de droite sioniste au sein de la communauté juive de Hongrie – n.d.t.]
Peu après, néanmoins, le site israélien a effacé cet article, tandis que, simultanément, en Hongrie, des journaux de gauche s’en prenaient à son auteur, et qu’on voyait même, sur les réseaux sociaux, apparaître des publications hostiles à ce dernier, à relents antisémites et encourageant à l’agression physique à son encontre.
Comme nous l’avons récemment écrit, l’événement déclencheur a été le texte dans lequel Veszprémy a récapitulé les publications d’un passé pas tellement éloigné dans lesquelles Péter Márki-Zay, candidat de la gauche au poste de Premier-ministre, tenait des propos offensants à l’encontre des Juifs.
« Dans l’article en question, j’énumérais tous les politiciens antisémites avec lesquels Péter Márki-Zay, candidat au poste de Premier-ministre, a collaboré et s’est fait prendre en photo. La liste est assez longue : on le trouve en compagnie de l’ancien skinhead Tamás Sneider, ancien président du parti Jobbik. Sa campagne a reçu le soutien de Barna Csibi. Mais il a aussi pris le parti de László Bíró (du Jobbik) et de Lajos Rig (lui aussi du Jobbik) ; il a, en outre, soutenu le mouvement de ce dernier, nommé Mindenki Magyarországa Mozgalom [« Mouvement de la Hongrie de Tous » – n.d.t.]. Comme on s’en souvient, Bíró avait surnommé les Juifs tetűcsúszdások [« (porteurs de) tobogans à poux », par allusion à la coiffure masculine traditionnelle des juifs religieux – n.d.t.], tandis que Rig avait expliqué que les Tsiganes étaient l’arme biologique des Juifs.
En outre, suite au scandale Pegasus, Márki-Zay a mis en ligne une photographie de Viktor Orbán sur laquelle ce dernier se tient devant un chandelier à sept branches. (A l’époque, cela avait aussi suscité les réactions du grand-rabbin Róbert Frölich et de György Gábor [homme de radio, ancien chef de la représentation budapestoise de la Commission européenne – n.d.t.]).
Dans cet article, je laissais aussi entendre que ce même Márki-Zay, habitué à traiter de « pédés » les hommes politiques du Fidesz, est en outre, à mon avis, homophobe » – explique Veszprémy dans un nouvel article, publié le 7 janvier par Mandiner Online.
A en croire Veszprémy, Times of Israel n’a toujours pas fourni de justification claire pour l’effacement de son article :
« – J’ai reçu une lettre m’informant de la suppression de mon article, mais qui ne contenait aucune motivation, en-dehors du fait que j’attaque les ennemis du gouvernement hongrois.
Ce qui veut donc dire que, si le gouvernement hongrois a par exemple parmi ses ennemis un antisémite du Jobbik, il est interdit d’évoquer son passé dans un journal juif – ce qui est parfaitement absurde ! Depuis lors, j’ai envoyé plusieurs lettres à la rédaction, mais sans recevoir la moindre réponse. »
– a fait savoir Veszprémy à Magyar Nemzet.
Dans son article publié par Mandiner, l’auteur rappelle que le grand-rabbin néologue Péter Kardos a lui aussi critiqué Péter Márki-Zay, mais que seul Veszprémy a fait l’objet d’attaques. Il faut donc se demander dans quelle mesure tout cela ne concernerait pas sa personne.
« – D’une part, il est bien évident que tel est le cas, étant donné que les attaques se sont concentrées sur ma personne : on m’a menacé moi, et ma famille. » – répond-il à la question que lui a posé à ce propos Magyar Nemzet.
« – Mais par ailleurs, il est difficile de faire abstraction de la campagne électorale en cours, qui peut expliquer le fait qu’un article en langue anglaise – qui ne contient d’ailleurs, d’un point de vue hongrois, aucune information neuve – ait pu déclencher un pareil tsunami d’attaques féroces. Il va sans dire que la situation résultante me semble effrayante, et que les menaces de violence physique m’ont beaucoup éprouvé. »
Poursuivant le fil de sa pensée, László Bernát Veszprémy affirme qu’il ne s’agit pas là d’une affaire hongroise, mais que tout cela relève d’une offensive internationale.
« – Il me semble évident que nous assistons à l’offensive d’un réseau international bien organisé de journalistes qui entrent en action en même temps, comme si quelqu’un avait appuyé sur un bouton, avec les extrémistes hongrois comme forces d’appoint.
Dès qu’ils ont eu vent de l’article dans lequel je critiquais Márki-Zay, ils ont lancé contre moi des accusations controuvées, de façon à faire retirer le texte, après quoi le réseau a répandu la rumeur selon laquelle j’aurais écrit des mensonges sur Márki-Zay – mais bien entendu, sans jamais faire la moindre allusion précise au contenu de ces propos réputés mensongers. C’est alors que sont venues les menaces, en raison desquelles j’ai porté plainte. La triste leçon de cette affaire, c’est qu’en Hongrie comme ailleurs, les journalistes conservateurs doivent désormais s’attendre à ce genre de choses : à des tentatives d’effacement, à des menaces et à des attaques. »
Cette affaire amène à soulever à nouveau la question : quel regard portent les organisations et les communautés juives sur la coalescence en cours entre la gauche et des acteurs politiques du type du Jobbik, voire de Péter Márki-Zay ?
« – Concernant les organisations, pour l’instant, tout ce que je remarque, c’est leur silence – alors que j’attendrais d’elles qu’elles prennent ma défense.
S’agissant de la communauté, je pense que, à proprement parler, personne n’arrive à avaler la funeste alliance de la gauche avec le Jobbik.
D’après un sondage de 2018, le parti jouissant du soutien du plus grand nombre de juifs hongrois était le Kutyapárt [Le « Parti du chien hongrois à deux queues » est un parti parodique proposant un vote de contestation du système politique – n.d.t.], et je ne pense pas qu’en se jetant dans les bras des skinheads, la gauche ait depuis lors énormément amélioré la popularité de sa coalition d’opposition dans l’opinion juive de Hongrie. » – a déclaré László Bernát Veszprémy.
György Kerékgyártó
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post