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Discours de Viktor Orbán à la CPAC le 19 mai 2022

Temps de lecture : 15 minutes

Hongrie – Les 19 et 20 mai se tenait à Budapest, en Hongrie, le principal événement des conservateurs états-uniens, la CPAC (Conférence d’action politique conservatrice américaine). Une première, la CPAC n’ayant encore jamais été organisée en Europe. Dans un contexte international tendu, et alors que la Hongrie d’Orbán et les États-Unis de Biden n’entretiennent pas la meilleure des relations, l’organisation de ce symposium de deux jours réunissant conservateurs des deux côtés de l’Atlantique est tout sauf anodin.

Après l’ouverture bénie par le grand rabbin de Hongrie, un évêque catholique et deux pasteurs, Viktor Orbán aura été l’un des premiers à prendre la parole. Voici son discours complet, que nous avons traduit :

Mesdames et Messieurs, chers amis américains et conservateurs du monde entier,

Je vous souhaite à tous la bienvenue, et une bienvenue spéciale à mon ami Václav Klaus. Qu’il soit l’homme le plus courageux d’Europe sur le plan intellectuel n’est pas une surprise, car il est riche en années ; mais ce qui nous surprend tous, c’est qu’il est encore le plus jeune et le plus fringant d’entre nous. Cher Václav Klaus, merci beaucoup d’être venu et d’être avec nous.

Je sais que vous méritez tous un meilleur discours que celui-ci, mais nous savons tous que l’on ne peut pas battre un record du monde en nage ou en couse l’après-midi. Je vous prie d’avoir cela à l’esprit en écoutant mes réflexions. Quoi qu’il en soit, c’est un plaisir de vous avoir ici. Le moment est un heureux hasard : il y a un mois, nous avons remporté notre quatrième victoire électorale consécutive, et il y a quatre jours, j’ai formé mon cinquième gouvernement conservateur et chrétien ; et maintenant, je suis ici avec vous. Il est toujours bon de pouvoir parler entre amis, et il est particulièrement bon d’avoir quelque chose pour étayer ses propos ; et nous, Hongrois, estimons à juste titre que nous avons quelque chose pour étayer nos propos.

Mes amis,

Nous avons parcouru un long chemin. Dans les années 1980, nous apprenions ce qui se passait aux États-Unis à partir de samizdats distribués illégalement dans l’ancien bloc de l’Est ; et voilà que la Hongrie accueille le plus important rassemblement politique du Parti républicain, le Grand Old Party. Je me souviens très bien à quel point nous vous enviions à l’époque : nous enviions votre culture du débat démocratique, la liberté avec laquelle vous organisiez les affaires publiques en Amérique, nous enviions votre président Reagan pour son charisme, son dynamisme, son esprit et ses politiques, et bien sûr nous le soutenions. Nous n’avions que les fonctionnaires communistes en costume gris et leur novlangue politique, une atmosphère étouffante et le désespoir.

Chers amis américains,

Si vous avez vu la série « Tchernobyl », vous avez peut-être une idée de ce dont je parle. Nous avons eu quarante longues années de cela. Et aujourd’hui, nous accueillons ce grand événement, pour lequel je tiens à remercier les organisateurs, mais surtout vous, qui nous faites l’honneur de votre présence. Au nom de tous les Hongrois, je remercie nos amis américains et ceux des autres pays de nous honorer et d’être venus ici à Budapest.

Comment puis-je contribuer au rassemblement d’aujourd’hui ? Peut-être en vous disant comment nous avons gagné : comment nous avons d’abord vaincu le régime communiste, puis comment nous avons vaincu les libéraux et enfin, plus récemment, comment nous avons vaincu la gauche libérale internationale lorsqu’elle a uni ses forces contre la Hongrie lors des élections. Je vais vous dire maintenant comment nous les avons vaincus pour la première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième fois, et comment nous les vaincrons à nouveau. Comme le chantent les supporters de Fradi [le club de football de Ferencváros] : « Encore, encore, encore, ça ne suffit pas ! ». Je vous raconterai comment de fervents étudiants universitaires ont réussi à démanteler une dictature, puis à briser l’hégémonie sur les opinions dont jouissaient les communistes sur le retour et les libéraux, et comment ils ont réussi à mettre fin à la domination des progressistes dans la vie publique. Je vais vous dire comment la Hongrie est devenue un bastion des valeurs conservatrices et chrétiennes en Europe. Bien entendu, tout cela pourrait être dit brièvement et simplement au lieu de mon long discours. Nous avons appris du général Patton que la bataille fait ressortir de chacun tout ce qu’il y a de meilleur et élimine tout ce qui est bas. C’est également vrai sur le champ de bataille politique. Ici, mes amis, seuls les meilleurs restent debout. En bref, la condition ultime de la victoire est que nous devons devenir les meilleurs. Vous pouvez gagner si vous êtes les meilleurs.

Mesdames, Messieurs,

Commençons par dire que vous, les politiques qui aimez votre pays, êtes confrontés à un problème que nous, Hongrois, avons déjà résolu avec succès. Ce problème – si je ne me trompe pas, tant en Amérique qu’en Europe occidentale – est la domination de la vie publique par les libéraux progressistes. Le problème réside dans le fait qu’ils occupent les postes les plus importants dans les institutions les plus importantes, qu’ils occupent les positions dominantes dans les médias et qu’ils produisent toutes les œuvres d’endoctrinement politique de la haute culture et de la culture de masse. Ils – la gauche progressiste – nous disent ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, ce qui est bien et ce qui est mal. Et en tant que conservateurs, notre lot est de nous sentir dans la vie publique de nos nations comme Sting s’est senti à New York [dans la chanson « Englishman in New York »] : comme un « étranger légal ».

Chers amis américains,

C’était également la situation en Hongrie. Il y a trente ans, la gauche était également au pouvoir ici, et il y avait même une dictature communiste. Toute la machinerie de l’État travaillait pour consolider le pouvoir des communistes. Aussi étrange que cela puisse paraître, nous, y compris moi, avons grandi dans un « monde woke ». Seulement, à l’époque, la théorie critique de la race critique était appelée « socialisme scientifique » et était enseignée à l’université de la même manière que le wokisme est enseigné dans votre pays. La dictature socialiste au quotidien : voilà dans quoi nous avons grandi, le politiquement correct, la novlangue orwellienne, le contrôle étatique de la place publique, l’expropriation de la propriété privée et la stigmatisation de la droite.

Chers amis américains et visiteurs de l’étranger,

Sous le communisme, nous avions une blague sur la possibilité de faire des blagues sous le communisme. Cette blague, c’était qu’un concours de blagues politiques était organisé en Union soviétique, avec les conditions suivantes : le candidat arrivant troisième gagnerait un voyage tout compris de deux semaines en Sibérie, le second pour un an et le gagnant à perpétuité.

Amis américains,

Si vous sentez que cette blague prend de plus en plus de sens pour vous, le moment est venu de commencer à agir. Quoi qu’il en soit, nous nous sommes levés et, à la fin des années 1980, nous avons décidé que c’en était assez. Nous voulions retrouver notre pays et notre liberté ; nous voulions retrouver la liberté de notre pays. Les communistes n’ont pas laissé passer cela sans réagir : attaques policières, interdictions, écoutes téléphoniques, infiltration par des agents de l’État, menaces et chantage. Mais nous avons persévéré, et nous avons gagné. Les Soviétiques dehors, les communistes à terre. Nous pensions avoir enfin obtenu ce que nous voulions, mais nous nous trompions : sous la dictature, les libéraux et les conservateurs avaient conclu un pacte anticommuniste, mais à la première occasion ultérieure, les libéraux se sont rangés du côté des communistes. Il s’est avéré qu’en fait ils étaient des alliés naturels. Si je ne me trompe pas, ce type d’alliance pécheresse a également été observé aux États-Unis. En résumé, la vie publique après la première élection [en Hongrie après le communisme] a été dominée par les post-communistes, les libéraux et les progressistes, et la droite hongroise a été envoyée au tapis. Quand mon ami Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine en 2016, l’une de ses principales promesses concernait la nécessité de « drainer le marécage ». Le président Trump a des mérites indéniables, mais il n’a malgré tout pas été réélu en 2020. Il a fini comme notre premier gouvernement conservateur et chrétien en 2002 : nous avons gouverné de manière remarquable – après tant d’années, je peux peut-être me permettre ce manque de modestie – mais nous avons été happés par le marécage de la gauche hongroise. Et puis, entre 2002 et 2010, nous avons vu ce qui se passe généralement dans de telles circonstances : les socialistes ont dépensé l’argent du peuple. La Hongrie s’est endettée, l’économie est entrée en récession, l’inflation est devenue incontrôlable, le chômage a augmenté et les gens n’ont pas pu payer leurs factures. Des violences de rue ont éclaté et des groupes paramilitaires organisaient des marches. C’était il y a longtemps, mais n’oublions pas que des séries de meurtres à motivation ethnique ont indigné l’opinion publique à cette époque. La gauche avait tellement réduit les dépenses de la police qu’elle était incapable de maintenir ne serait-ce qu’un semblant d’ordre, la loi protégeant les auteurs de crimes plutôt que les victimes.

Chers amis américains,

Je pense que vous avez déjà vu ce genre de choses. Les Écritures disent ce qui suit : « on reconnaît un arbre à ses fruits ». Eh bien, les fruits du gouvernement progressiste parlent d’eux-mêmes : ruine économique et violence de rue. Lorsqu’un gouvernement de gauche arrive au pouvoir, l’histoire se termine presque toujours de la même manière. Cependant, chers amis, en 2002 nous avons organisé un mouvement populaire et une résistance intellectuelle avec les troupes qui nous restaient après notre défaite électorale. Nous n’avons pas adopté une attitude défensive, et nous ne nous sommes pas résignés à notre statut minoritaire ; nous avons joué pour gagner et avons proclamé la Reconquista.

Chers amis,

Le plan a réussi. En 2010, nous sommes revenus. Nous avions travaillé pendant huit ans : étape par étape, brique par brique, nous nous étions battus et nous avions construit. La formule était prête. La Hongrie est le laboratoire dans lequel nous avons testé l’antidote à la domination des progressistes. Nous avons raccroché nos blouses, cette Hongrie printanière a reçu sa quatrième dose et je peux vous annoncer la chose suivante : le patient est complètement guéri. Le médicament est open-source, gratuit, et comprend douze points que je vais partager avec vous maintenant. Pour le bénéfice de nos amis étrangers, douze est le chiffre porte-bonheur des combattants de la liberté hongrois.

Le premier point de la formule hongroise, c’est de jouer selon nos propres règles. La seule façon de gagner est de refuser d’accepter les solutions et les voies proposées par les autres. Comme le disait Churchill, avoir des ennemis prouve assurément que l’on fait quelque chose bien. C’est pourquoi nous ne devons pas nous décourager d’être diffamés, d’être persona non grata dans les salons ou d’être traités à l’étranger comme des fauteurs de troubles. En fait, ce serait suspect si rien de tout cela n’arrivait. N’oubliez pas que ceux qui suivent les règles de leurs adversaires sont certains de perdre.

Deuxième point : le conservatisme national en politique intérieure. La cause de la nation n’est pas une question d’idéologie, ni même de tradition. La raison pour laquelle les églises et les familles doivent être soutenues est qu’elles sont les éléments constitutifs de la nation. Cela signifie également qu’il faut rester du côté des électeurs. Nous avons décidé d’arrêter l’immigration et de construire le mur à notre frontière sud parce que les Hongrois avaient dit qu’ils ne voulaient pas de clandestins. Ils ont dit : « Viktor, construis ce mur ! » Trois mois plus tard, la barrière frontalière était érigée. Le secret, c’est de ne pas trop réfléchir : la clôture hongroise est une simple structure grillagée avec des détecteurs de mouvement, des miradors et des caméras, mais cela suffit, pour autant que les gens veuillent protéger leur pays. Le talon d’Achille des progressistes est précisément qu’ils veulent imposer leurs rêves à la société. Mais pour nous, ce danger est aussi une opportunité, car lorsqu’il s’agit de questions importantes, en réalité, les gens n’aiment pas les rêves enfiévrés de la gauche. Il faut trouver les questions sur lesquelles la gauche est complètement déconnectée de la réalité et les mettre en évidence, mais de sorte que tout le monde puisse les comprendre, et pas seulement les intellos.

Troisième point : l’intérêt national en matière de politique étrangère. Les progressistes pensent toujours que la politique étrangère est une bataille d’idéologies : une bataille entre le bien et le mal, dans laquelle le cours de l’histoire sera décidé une fois pour toutes. Mais de ce que j’en vois, chers amis, il y a eu au moins quatre de ces « dernières grandes batailles » au cours des cent dernières années et il y a quelque chose qui ne va pas avec ce concept. Notre réponse devrait être une antithèse claire et simple aux progressistes : la nation d’abord ! La Hongrie d’abord ! L’Amérique d’abord ! Nous avons besoin d’une politique étrangère basée sur nos intérêts. Ce n’est pas toujours facile, car le monde de la politique étrangère est souvent compliqué. Prenez la guerre dans notre pays voisin. La Russie est l’agresseur et l’Ukraine la victime. Nous condamnons l’agresseur et aidons la victime de l’agression. Mais en même temps, ce n’est pas l’Ukraine qui défend la Hongrie – quelle ânerie de dire cela – mais bien l’OTAN et les forces de défense hongroises. En proportion de notre population, nous avons accueilli le plus grand nombre de réfugiés, et le peuple hongrois est heureux de les aider. Ils sont heureux d’aider, mais ils ne veulent pas payer le prix de la guerre, car ce n’est pas leur guerre et ils n’en bénéficieront pas. Ils savent pertinemment que la guerre est suivie de sanctions, d’une inflation galopante et d’une stagnation économique ; ils savent que la guerre appauvrit toujours les gens. Nous ne devons pas céder aux voix des sirènes, aussi tentantes qu’elles puissent paraître. Notre objectif est de rétablir la paix, et non de poursuivre la guerre, car c’est ce qui est dans notre intérêt national. La Hongrie d’abord !

Quatrième point, chers amis : nous devons avoir nos propres médias. Nous ne pouvons dénoncer les idées insensées de la gauche progressiste que si nous disposons de médias qui nous aident à le faire. Les opinions de gauche ne semblent être majoritaires que parce que les médias contribuent à les amplifier. La racine du problème est que les médias occidentaux modernes s’alignent sur les vues de la gauche. Les reporters ont été formés à l’université par des personnes ayant des opinions progressistes de gauche. Et dès qu’une personnalité conservatrice apparaît dans les médias, elle est critiquée, attaquée, diffamée et vilipendée. Je connais la vieille éthique de la démocratie occidentale, selon laquelle les partis politiques et la presse doivent être séparés. C’est ainsi que cela devrait être. Mais, chers amis, les démocrates aux États-Unis, par exemple, n’obéissent pas à ces règles. Essayez de compter combien de médias sont au service du Parti démocrate : CNN, le New York Times, la liste est longue – je pourrais continuer jusqu’à la nuit. Naturellement, le Grand Old Party a lui aussi des médias alliés, mais ils ne font pas le poids face à la domination des libéraux sur les médias. Mon ami Tucker Carlson se tient seul et inébranlable. Son émission a le plus fort taux d’audience. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu’il devrait y avoir des émissions comme la sienne jour et nuit ou, comme vous le dites chez vous, 24/7.

Cinquième point : exposer les intentions de votre adversaire. Comme condition de la victoire, le soutien des médias est nécessaire mais pas suffisant. Nous devons aussi briser les tabous. Peut-être n’ai-je pas besoin de dire cela à mes amis américains, car quel plus grand briseur de tabous que le président Donald Trump ? Mais on peut toujours placer la barre plus haut : nous devons non seulement briser les tabous d’aujourd’hui, mais aussi ceux de demain. Ici, en Hongrie, nous exposons ce que la gauche prépare avant même qu’elle ne passe à l’action. Au début, ils nient, mais le succès est d’autant plus grand lorsqu’il apparaît que nous avions raison depuis le début. Il y a par exemple la question de la propagande LGBTQ ciblant les enfants. Bien que phénomène nouveau ici, nous l’avons déjà détruit. Nous avons levé le voile sur cette question et organisé un référendum à ce sujet. L’écrasante majorité des Hongrois a rejeté cette forme de sensibilisation des enfants. En révélant à une étape précoce ce à quoi la gauche se préparait, nous l’avons mise sur la défensive, et lorsqu’elle a attaqué notre initiative, elle a finalement été contrainte d’admettre la réalité de son plan. Permettez-moi de citer à nouveau le général Patton : « Un bon plan violemment exécuté maintenant vaut mieux qu’un plan parfait la semaine prochaine. »

Sixième point : économie, économie, économie. Nous savons tous que la gauche veut faire fonctionner l’économie selon des notions abstraites. C’est un piège pour la droite. Ne tombez jamais dans le panneau ! Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons décidé que nous ne devions mener que des politiques économiques qui profitent à la majorité des électeurs. Ici, en Hongrie, nous avons une devise à ce sujet : « Même ceux qui n’ont pas voté pour nous se retrouvent dans une meilleure situation. » En cela, nous sommes le contraire des progressistes : même ceux qui ont voté pour eux se retrouvent dans une situation pire. Enfin, les gens veulent des emplois : pas des théories économiques, des emplois. Les gens veulent faire un pas en avant dans la vie, et les gens veulent une meilleure vie pour leurs enfants que celle qu’ils ont eue. Si un gouvernement de droite est incapable de fournir tout cela, il est voué à l’échec.

Notre septième point : ne pas se laisser dériver aux extrêmes. Je dis cela parce que les théories complotistes extrêmes surgissent de temps à autres à droite, de la même manière que les utopies extrêmes surgissent régulièrement à gauche. Si nous regardons de plus près, nous voyons qu’en fait les gens ne veulent ni les unes ni les autres. Mais, chers amis, quelle est la différence entre le déni de la science par l’extrême droite et le déni de la biologie par les mouvements LGBTQ ? La réponse est simple : il n’y a aucune différence. Nous devons rendre à César ce qui appartient à César, à Dieu ce qui appartient à Dieu et à la science ce qui appartient à la science. Nous pouvons gagner une immense popularité sur les forums Internet en promouvant des théories complotistes, et il y a en effet parfois du vrai dans ces théories, mais, en réalité, nous nous aliénerons une grande partie de l’électorat, nous nous retrouverons poussés à la marge, et finalement nous perdrons.

Huitième point : lire tous les jours. Un livre par jour éloigne la défaite toujours. Je sais que cela peut paraître étrange. Je ne suis pas moi-même un universitaire, mais le fait est qu’aucune invention n’a encore surpassé le livre en tant que vecteur pour comprendre et transmettre les idées. Le monde devient de plus en plus complexe et nous devons consacrer du temps à le comprendre. Moi, par exemple, je réserve une journée entière chaque semaine à la lecture. La lecture nous aide également à comprendre ce que nos adversaires pensent et où leur pensée est défaillante. Si nous savons cela, le reste n’est que technique. Nous devons traduire tout cela dans le langage de l’action quotidienne et de la communication politique. Il est vrai que le « spin doctor » est une espèce utile ; mais c’est à nous, les décideurs politiques, de bien comprendre les problèmes.

Neuvième point : avoir la foi. Le manque de foi est dangereux. Si vous ne croyez pas qu’il y aura un jugement dernier et que vous devrez rendre compte de vos actions devant Dieu, vous penserez que vous pouvez faire tout ce qui est en votre pouvoir. Encourageons donc les futurs jeunes politiciens conservateurs à s’engager dans la foi. Au départ, moi-même je ne voyais pas cela comme une priorité, mais j’ai appris que si nous consacrons du temps à notre foi, le succès vient plus facilement. Je suis membre du Parlement depuis trente-deux ans, et j’entame ma dix-septième année en tant que Premier ministre. Je tiens compte des paroles du prophète Isaïe, qui a dit : « Si vous ne croyez pas, vous ne pourrez pas tenir. » En politique, chers amis, c’est la règle.

Dixième point : se faire des amis. Nos adversaires, les libéraux progressistes et les néo-marxistes, ont une unité illimitée : ils se soutiennent mutuellement. En revanche, nous, les conservateurs, sommes capables de nous chamailler les uns les autres sur la moindre question. Et après nous nous étonnons de la manière dont nos adversaires nous acculent. Nous possédons en effet une sophistication intellectuelle et nous nous soucions de la nuance intellectuelle. Mais si nous voulons réussir en politique, nous ne devrions jamais regarder ce sur quoi nous sommes en désaccord, mais plutôt chercher notre terrain d’entente. Je vais vous donner un exemple. Le Vatican est l’un de nos plus importants alliés européens. C’est un allié en tant que gardien des valeurs chrétiennes, dans le soutien des familles, et ensemble nous affirmons qu’un père est un homme et une mère est une femme. Nous sommes ensemble pour la paix et pour les réfugiés d’Ukraine. Mais en ce qui concerne l’immigration clandestine, notre mode de pensée diverge. Il ne faut pas regarder les questions sur lesquelles nous pouvons nous engager dans des disputes passionnées, mais chercher des moyens de travailler ensemble. Croyez-moi, si nous ne le faisons pas, nos adversaires nous traqueront un par un.

Onzième point : construire des communautés. Mes amis, au fil des ans, j’ai également appris qu’il n’y a pas de succès politique conservateur sans communautés fonctionnelles. Moins il y a de communautés et plus les gens sont esseulés, plus les électeurs vont vers les libéraux ; et plus il y a de communautés, plus nous obtenons de votes. C’est aussi simple que cela. Je n’ai pas besoin de vous l’expliquer : les États-Unis ont les clubs, les sociétés et les communautés qui fonctionnent le mieux au monde. Ce que nous devons comprendre, c’est qu’une entité politique doit englober de telles communautés.

Et enfin, le douzième point : bâtir des institutions. Pour une politique réussie, il faut des institutions et des instituts. Qu’il s’agisse de groupes de réflexion, de centres éducatifs, d’ateliers de talents, d’instituts de relations étrangères, d’organisations de jeunesse ou autres, ils doivent avoir un aspect politique. N’oublions pas que les hommes politiques vont et viennent, mais que les institutions restent avec nous pendant des générations. Ce sont elles, les institutions, qui ont la capacité de renouveler intellectuellement la politique. De nouvelles idées, de nouvelles pensées et de nouvelles personnes sont nécessaires encore et encore. S’ils n’y en a plus, nous serons à court de munitions et notre adversaire n’aura aucune pitié pour nous faire tomber.

Chers amis,

Le monde entier est en train de vivre d’énormes changements. Il est étrange mais vrai que les idéologies destructrices que sont le fascisme et le communisme sont nées en Occident. Nous n’avions jamais pensé que les communistes pourraient nous revenir non seulement de l’Est mais aussi de l’Ouest. Nous voyons maintenant que les progressistes menacent l’ensemble de la civilisation occidentale, et que le véritable danger ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur. Vous, chers amis américains, vous y êtes confrontés aux États-Unis, tandis que nous y sommes confrontés dans l’Union européenne. Nous avons affaire aux mêmes personnes : des bureaucrates sans visage, avec une formation idéologique, assis à Washington DC et à Bruxelles. Des libéraux progressistes, des néo-marxistes enivrés par le rêve du wokisme, des gens à la solde de George Soros, des partisans de la société ouverte. Ils veulent abolir le mode de vie occidental que vous et nous aimons tant : ce pour quoi vos parents se sont battus pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, et ce pour quoi nous nous sommes battus quand nous avons chassé les communistes soviétiques de Hongrie.

Mes amis,

Nous devons accepter le combat, et dans ce combat nous ne pouvons réussir que si nous sommes ensemble et organisés. Nous devons reprendre les institutions de Washington et de Bruxelles. Nous devons trouver en nous, mutuellement, des amis et des alliés. Nous devons coordonner le mouvement de nos troupes car nous sommes confrontés à un grand défi. L’année décisive sera 2024 : vous aurez des élections présidentielles et pour le Congrès et nous aurons des élections au Parlement européen. Ces deux lieux définiront les deux fronts de la bataille qui se joue pour la civilisation occidentale. Aujourd’hui, nous ne tenons ni l’un ni l’autre. Or nous avons besoin des deux. Nous avons deux ans pour nous préparer. La leçon hongroise est que nous n’avons pas de remède miracle. Nous n’avons que du travail, le travail que nous devons réaliser. Allons-y, faisons-le ! Merci et bonne chance !

Traduit du hongrois par le Visegrád Post.