Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Emmanuel Macron a-t-il offert au pape François un livre volé en Pologne ?

Temps de lecture : 3 minutes

Pologne/France/Vatican – Une photo de l’exemplaire du Projet de paix perpétuelle d’Emmanuel Kant offert par le président français au pape François qu’il a rencontré au Vatican ce lundi sème l’émoi en Pologne. Sur la photo de cette édition de 1796 publiée par le correspondant du journal La Croix, on distingue en effet très nettement le cachet de la bibliothèque universitaire de Lvov (Lwów en polonais, Львів – Lviv – en ukrainien, et Léopol de son nom français), une ville qui était polonaise jusqu’en 1945. Cela pousse de nombreux commentateurs – journalistes, historiens, politiciens – à soupçonner qu’il s’agit d’un des nombreux objets volés par les Allemands ou les Russes pendant la Seconde Guerre mondiale. D’après le journaliste Arnaud Bédat, ce livre aurait été racheté à un libraire de Paris au prix de 2 500 €. La bibliothèque universitaire indiquée sur le tampon figurant sur la page de couverture du livre existait depuis 1867 et a fonctionné jusqu’en 1939.

« La bibliothèque universitaire de Lvov a été fondée en 1867. Cet ouvrage a donc été volé par les Allemands, les Russes ou l’une des unités françaises des Waffen-SS. Quoi qu’il en soit, félicitations au président Macron pour son recel »,

a réagi sur Twitter le journaliste polonais Stanisław Janecki.

« Les institutions et organisations publiques ne vendent pas leurs collections et ne les échangent pas. S’il y a un tampon, il me semble que l’acheteur devrait rendre le bien, et non en faire commerce », a encore écrit Janecki en réponse à un internaute qui lui faisait remarquer que la note du libraire accompagnant ce livre imprimé à Königsberg (devenu aujourd’hui Kaliningrad) affirme qu’il serait arrivé en France vers 1900.

« Cette photo a fait grand bruit en Pologne : le cachet indique clairement que le livre offert par le président français au pape François était auparavant la propriété de la bibliothèque universitaire polonaise (à l’époque) de Lviv … Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est embarrassant... »,

a écrit sur son fil Twitter Robert Pszczel, de l’Institut polonais des Affaires internationales (PISM), une institution créée en 1947 et fonctionnant sous l’égide du ministère des Affaires étrangères polonais.

« L’affaire nécessite des vérifications.

Le livre peut avoir été échangé avant la Seconde Guerre mondiale (en tant que duplicata) contre un autre livre de la collection d’une autre bibliothèque. Cependant, les Allemands pillaient massivement les bibliothèques/archives polonaises, et cela en reste l’origine la plus probable »,

a déclaré de son côté Sławomir Dębski, le directeur du PISM.

Pour Łukasz Adamski, vice-directeur du Centre pour le dialogue Juliusz Mieroszewski, une institution fonctionnant sous l’autorité du ministère de la Culture et du Patrimoine et qui s’adresse à la fois aux Polonais et aux Ukrainiens, Biélorusses, Russes, Moldaves et Géorgiens, ce livre « a peut-être été pillé par les autorités d’occupation allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autant plus qu’il s’agit d’une édition précieuse de l’œuvre de Kant ». Adamski n’exclut toutefois pas que le cadeau offert par le président français au pape François ait pu être vendu, échangé ou volé à une époque antérieure.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères polonais, Łukasz Jasin, a informé que les autorités de Varsovie s’intéressaient à cette affaire mais qu’il était trop tôt pour faire des déclarations.

Parmi les nombreux médias polonais qui ont relayé cette affaire, le site conservateur wPolityce.pl s’interroge pourquoi le président français n’a pas choisi un cadeau d’origine française plutôt qu’une traduction française d’un ouvrage de Kant publiée en Prusse et ayant quitté la bibliothèque universitaire polonaise de Lvov dans des conditions douteuses. C’est d’autant plus étonnant, fait remarquer wPolityce.pl, que le même Emmanuel Macron semble d’habitude très sensible aux objets d’art volés qu’il restitue volontiers aux anciennes colonies françaises.