Hongrie – Le jeudi 27 octobre, l’ambassadeur américain en Hongrie, David Pressman, a fait part sur Twitter de sa rencontre avec deux juges du Conseil national hongrois de la magistrature, Csaba Vasvári et Tamás Matusik. C’était selon lui à l’occasion d’une « discussion informative sur le rôle critique du Conseil dans le système judiciaire hongrois ». Ce message relativement court n’est cependant pas passé inaperçu dans les milieux judiciaires hongrois, où d’aucuns y voient, comme le notait Mandiner deux jours plus tard,
« une ingérence flagrante dans le système judiciaire hongrois ».
Ce média conservateur proche du gouvernement de Viktor Orbán demande de façon rhétorique ce qu’on en dirait « si l’ambassadeur hongrois à Washington demandait à [rencontrer] certains juges de la Cour suprême ».
Le Conseil national hongrois de la magistrature (Országos Birói Tanács, OBT) est un organe des institutions judiciaires hongroises, composé de quinze membres élus par leurs pairs, et « chargé de l’administration centrale des tribunaux et de la supervision des activités des présidents des cours d’appel et des tribunaux de comitat ». En d’autres termes, il joue un rôle central dans le système judiciaire hongrois et toute tentative d’influencer cet organe serait en soi une atteinte à l’indépendance de la justice hongroise. À ce titre, il convient notamment de rappeler l’article 1 du Code de déontologie judiciaire (également cité par Mandiner), selon lequel
« le juge doit agir en dehors de toute influence dans le cadre de ses activités judiciaires, conformément au principe d’égalité de traitement des parties. Il évitera même toute apparence d’agir sous influence.
[…] Le juge doit s’abstenir d’entretenir des liens inutiles avec les pouvoirs législatif et exécutif et d’exercer une influence sur eux de telle sorte que cela soit évident pour les personnes extérieures. »
Suite à la polémique qui commençait à s’enflammer, le Conseil national hongrois de la magistrature a tenu à préciser dans un communiqué que
« l’OBT – en tant qu’organe judiciaire autonome établi dans la Loi fondamentale – est également en contact avec les missions diplomatiques des pays alliés,
il a également organisé une conférence conjointe avec l’ambassadeur du Royaume des Pays-Bas, et l’ambassadeur néerlandais a été officiellement reçu en novembre 2021. [… Il] entretient également d’excellentes relations avec l’ambassade des États-Unis. » Et de préciser encore : « Un ambassadeur n’est pas un politicien, mais le chef de la mission diplomatique qui représente son propre État dans un autre État. »
Pour autant, cette mise au point n’a pas vraiment mis fin au débat, puisque le président de la commission de la Justice du Parlement hongrois, Imre Vejkey (KDNP), a renchérit que
« cette [rencontre] ne peut être interprétée comme autre chose que comme une ingérence dans le système judiciaire hongrois »
affirmant que « les ambassadeurs sont des personnalités politiques ».
Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on. Avant la présidence de Donald Trump aux États-Unis, quand l’actuel président Joe Biden n’était encore que vice-président de Barack Obama, Washington ne prenait pas de gants pour s’ingérer dans les affaires intérieures de la Hongrie et se mêler de ses institutions, notamment par l’intermédiaire du chargé d’affaires américain à Budapest. La raison de ces ingérences était et est à nouveau avant tout idéologique, les politiques sociétales du gouvernement conservateur hongrois étant peu appréciées dans les milieux démocrates américains. Dans un éditorial publié dans le Wall Street Journal du 28 octobre, deux anciens directeurs du renseignement national américain citent d’ailleurs la Hongrie comme un exemple typique de la diplomatie Woke de l’administration Biden qui a de plus en plus un effet repoussoir sur les alliés de l’Amérique.