Slovaquie – Nouvelle crise politique en Slovaquie : après un peu plus de vingt mois en fonction, le gouvernement d’Eduard Heger – une coalition alliant les conservateurs d’OľaNO et Sme Rodina aux centristes de Za ľudí, minoritaire au parlement depuis que le parti libéral SaS (Liberté et solidarité) de Richard Sulík a claqué la porte du gouvernement en septembre dernier – vient d’être censuré par les députés, ce jeudi 15 décembre, une motion en ce sens déposée justement par les libéraux ayant été approuvée par 78 parlementaires sur 150.
Une scène surréaliste au palais présidentiel
Dans les faits, la chute du gouvernement d’Eduard Heger a pratiquement été provoqué par le président du mouvement OľaNO, Igor Matovič, ministre des Finances, dont les libéraux réclamaient la démission. Le Premier ministre avait en effet réussi à obtenir de Richard Sulík que les vingt députés de SaS ne votent pas la censure à la condition qu’Igor Matovič se retire enfin du gouvernement. De fait, l’ancien Premier ministre controversé s’est bel et bien rendu au palais présidentiel et
Igor Matovič a remis sa démission à un fonctionnaire… des mains duquel il l’a immédiatement arrachée dans l’instant qui suivit.
Une scène un peu surréaliste surpassant même ce à quoi Igor Matovič nous avait déjà habitué, et scellant du même coup le sort du cabinet Heger.
Suite à l’adoption de la motion de censure par le Conseil national, et conformément à la Constitution slovaque,
la présidente Zuzana Čaputová a destitué le gouvernement d’Eduard Heger, ce vendredi 16 décembre, et annoncé des élections anticipées qui devraient avoir lieu d’ici au mois de juin 2023.
L’opposition sociale-démocrate réclame des élections anticipées
Dès hier, les réactions ont été très significatives : le Premier ministre Eduard Heger avait bien évidemment déploré l’issue du vote en revenant sur des reproches des libéraux à l’égard de son gouvernement : « Le vote de défiance à l’égard du gouvernement a clairement montré qu’il ne dépendait pas des votes des fascistes et des extrémistes, bien que beaucoup aient tenté de le prétendre pendant des mois.
Je regrette que SaS ait eu besoin de la chute d’un gouvernement démocratique, anti-corruption et réformateur pour s’en convaincre. »
De son côté, Igor Matovič, raison du litige et désormais bête noire des libéraux était resté fidèle à lui-même en déclarant : « Je voudrais encourager tous les habitants de la Slovaquie à relever la tête. Si nous le faisons ensemble et que nous sommes assez nombreux, nous vaincrons la mafia ensemble.
Après ce jour, je considère que SaS est un parti mafieux. »
Pour le chef de file des libéraux, Richard Sulík, ancien ministre de l’Économie,
« Trois scénarios sont actuellement sur la table après la chute du gouvernement. Le premier est un accord au Parlement en vue de la formation d’un nouveau gouvernement, le deuxième est un gouvernement d’experts nommé par la présidente, et le troisième, ce sont des élections anticipées.
[…] Nous pouvons imaginer, sous certaines conditions, que nous permettions la formation d’un nouveau gouvernement, que nous accordions des votes de confiance, mais nous restons une opposition constructive. Nous sommes cohérents dans ce domaine.
Une élection anticipée représenterait le retour de Robert Fico. »
L’ancien Premier ministre social-démocrate Peter Pellegrini (Hlas-SD), plaidait quant à lui pour un retour aux urnes : « Un gouvernement mauvais et incompétent est tombé. C’est le plus beau cadeau offert au peuple slovaque dans le cadre de la fête de Noël.
La seule alternative pour Hlas-SD, ce sont des élections anticipées. »
Enfin la seconde bête noire de Richard Sulík, l’ancien Premier ministre Robert Fico, président du principal parti d’opposition, le parti social-démocrate Smer-SD, considérait lui aussi que
« le gouvernement d’Eduard Heger était extrêmement mauvais, menaçant l’avenir de la République slovaque, subvertissant les finances publiques, le social et l’État de droit »
et se déclarait également en faveur d’élections législatives anticipées, « la date idéale étant mai ou début juin », anticipant de la sorte la décision somme toute logique de Zuzana Čaputová.
On se rappellera au passage que le gouvernement d’Eduard Heger était déjà le résultat d’une crise entre OľaNO et les libéraux du SaS qu’Igor Matovič, alors lui-même Premier ministre, avait provoquée suite à une boutade de sa part à la radio, selon laquelle il aurait proposé l’Ukraine transcarpatique à la Russie en échange de livraisons du vaccin anti-covid Sputnik V. C’était un an avant le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne.