Pologne – Dimanche 15 octobre, les Polonais étaient appelés aux urnes pour les élections législatives et un référendum en quatre questions. Les résultats ne permettent pas de savoir clairement ce qu’il adviendra, mais les conservateurs du PiS sont dans une situation délicate.
Après huit années au pouvoir, dans un contexte de crise durable avec l’UE, de forte inflation et de déchirement sur des questions sociétales telles que l’avortement, l’enjeu était grand lors de cette élection – sous surveillance internationale – dont l’issue reste incertaine ce dimanche soir.
Les jeux sont faits, rien ne va plus
Avec une participation record de 73 % (explosant le record de 1989 de 62,7 % et la relativement bonne participation de 2019 de 61,7 %), cette élection s’est confirmée être un événement important. Suite à la publication, à 21h00, des « exit polls », le PiS et la Plateforme civique ont tous deux déclaré avoir gagné. Dès dimanche soir, de nombreux commentateurs, journalistes et analystes ont toutefois appelé à la prudence quant aux résultats des sondages de sortie des urnes. D’aucuns soulèvent que 12 à 20 % des électeurs n’ont pas répondu aux divers sondages, qui indiquent tous une victoire du PiS. Mais une victoire qui semble toute relative, le PiS ne pouvant pas former seul de gouvernement. Et les options de coalition sont faibles…
D’après la chaîne TVN24, le PiS arrive à 36,8 % (200 mandats), suivi par la Coalition menée par Donald Tusk à 31,6 % (163 mandats). Arrive ensuite la coalition centriste-populaire du parti agraire PSL et du candidat à la présidentielle 2020, le centriste Szymon Hołownia, nommée Troisième Voie, avec 13 % (55 mandats). La coalition d’extrême-gauche dont fait partie Lewica arrive à 8,6 % (30 mandats) tandis que Konfederacja, la parti nationaliste et libertarien, arrive à 6,2 % (12 mandats).
Le PiS, bien qu’en tête, se retrouve dans une position difficile : il lui manque trente et un mandats pour réaliser une coalition gouvernementale viable. En revanche, la Plateforme civique de Donald Tusk, la coalition Troisième Voie et extrême-gauche atteignent ensemble 248 mandats, et l’option de former un gouvernement de coalition à trois semble donc se confirmer. D’où la victoire déclarée par Donald Tusk, le chef de file de l’opposition progressiste et pro-UE.
Mais le PiS n’a pas dit son dernier mot. Indépendamment des résultats définitifs, qu’elle espère meilleurs – et ainsi, grâce à la méthode d’Hondt, apportant un avantage significatif – une source proche du Premier ministre a confié au Visegrád Post que le dirigeant du PiS Jarosław Kaczyński « est bon au jeu » de convaincre des députés de trahir leur parti ou coalition pour rejoindre en solitaire la coalition gouvernementale du PiS. Autrement dit, malgré le désarroi de nombreux militants, la direction du PiS reste confiante que des résultats définitifs un peu meilleurs et un gros travail auprès des députés les plus versatiles pourrait suffire pour reformer un gouvernement.
La Pologne risque donc de faire face à plusieurs semaines ou mois sans gouvernement, durant lesquels d’âpres négociations vont rythmer le quotidien des députés nouvellement élus.
En tout état de cause, si le PiS arrive à former un gouvernement, il faut s’attendre à ce que les institutions de l’UE accentuent leur pression et leur chantage politique contre Varsovie. Si en revanche la coalition de gauche venait à former un gouvernement, il est à attendre a priori un réalignement de la Pologne sur la doxa bruxelloise, laissant la Hongrie et la Slovaquie désemparées face à la Commission européenne.
Un référendum symbolique « à la hongroise »
Autre événement important et nouveau pour la Pologne, le référendum consultatif organisé le jour du scrutin des législatives. Inspiré par les consultations et référendums de Viktor Orbán, qui servent à la fois d’outil de communication et de légitimation démocratique de politiques ne plaisant pas à l’UE – et dont les institutions ont en horreur le référendum la démocratie directe et les consultations populaires – ce référendum contenait quatre questions :
- Soutenez-vous la vente des biens de l’État à des entités étrangères, conduisant à la perte du contrôle par les polonais de secteurs stratégiques de l’économie ? [97,5 % NON, 2,5 % OUI]
- Soutenez vous une augmentation de l’âge de départ à la retraite à 67 ans pour les hommes et les femmes ? [96 % NON, 4 % OUI]
- Soutenez-vous l’admission de milliers d’immigrants illégaux du Moyen-Orient et d’Afrique dans le cadre du mécanisme de relocalisation forcée imposé par la bureaucratie européenne ? [97,8 % NON, 2,2 % OUI]
- Soutenez-vous le retrait de la barrière située à la frontière de la Pologne avec la Biélorussie ? [98,6 % NON, 1,4 % OUI]
La majorité écrasante de NON qui a été donnée aux quatre questions répond à l’attente du PiS. Cependant, avec un taux de participation de 40 % (l’opposition progressiste a appelé au boycott), le quorum de 50 % n’est pas atteint, ce qui rend ce référendum purement consultatif, et n’a pas de caractère contraignant pour les législateurs.
Il est à noter qu’à travers tout le pays, de très nombreux cas d’irrégularités ont été signalés, avec partout, la même technique : des assesseurs demandaient aux électeurs s’ils souhaitaient prendre la feuille de vote référendaire. Or ils sont censés donner la feuille de vote à tous les électeurs, hormis ceux qui expriment leur souhait de ne pas la prendre. Cette action qui semble coordonnée et liée à l’appel au boycott du référendum par l’opposition progressiste est considérée par la plupart des commentateurs conservateurs comme une action délibérée de sabotage du référendum, et des plaintes sont prévues – quand bien même elles ne changeront rien à l’issue des votes.