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Rolandas Paksas : le groupe de Visegrád pourrait être un grand allié pour les pays baltes et la Lituanie

Temps de lecture : 4 minutes

Lituanie – Entretien avec Rolandas Paksas, ancien président de Lituanie: « Le groupe Visegrád pourrait être un grand allié pour les pays baltes et la Lituanie, et nous devons renforcer notre coopération », par Ferenc Almássy.

Ferenc Almássy a réalisé un entretien à Stockholm avec Rolandas Paksas, député européen, ancien président et ancien premier ministre de Lituanie, et ancien maire de Vilnius. Le politicien national-libéral controversé a accepté de répondre à quelques questions pour le Visegrád Post le 4 novembre 2016,alors qu’il participait à un congrès de l’ADDE à Stockholm.


Ferenc Almássy : Merci pour votre temps, monsieur le Président. Pour vous, le groupe Visegrád est-il un allié potentiel et utile pour la Lituanie et les États baltes, que ce soit pour une coopération militaire, économique et bien sûr politique ? Au sein de l’UE, Viktor Orbán en Hongrie, le PiS en Pologne mais aussi Robert Fico en Slovaquie font beaucoup pour soutenir l’idée d’une Europe de nations souveraines. Comment voyez-vous donc le V4, d’un point de vue balte, et plus précisément lituanien ?

Rolandas Paksas : À mon avis, oui, le groupe Visegrád pourrait être un grand allié pour les pays baltes et la Lituanie, absolument. Lorsque j’ai occupé le poste de président de la Lituanie et que la Lituanie est devenue membre de l’UE le 1er mai 2004, j’appuyais de tout mon poids l’adhésion de la Lituanie à l’UE et j’étais très actif dans la campagne du référendum sur ce sujet, voyant cela comme une très bonne opportunité pour l’avenir du pays.

Mais hélas, l’Union européenne a changé. Et pas dans la bonne direction. Nous avons maintenant un État, je veux dire que l’Union européenne est devenue un État, avec sa capitale unique, ses propres règles et un leader unique, mais aussi de nombreux bureaucrates à Bruxelles.

Je considère donc le groupe Visegrád comme une possibilité de sauver l’Union européenne. L’UE devrait être une union entre égaux. Peu importe combien de population de combien de langues sont parlées dans un pays. Nous avons besoin d’une nouvelle approche pour sauver l’Union européenne, et je suis donc d’accord pour dire que le groupe Visegrád est une bonne possibilité pour nous tous.

FA : Vous parlez de sauver l’Union européenne, mais quelle est votre opinion sur le Brexit ?

Rolandas Paksas : C’est la décision du peuple. Et pas des gens stupides ou pauvres, des gens sans instruction comme on nous a dit, chaque jour, dix heures par jour, dans les médias traditionnels. Pas du tout. C’était la décision de gens intelligents en vue de sauver l’Angleterre et l’Union européenne. Pour moi, il est très regrettable que la possibilité de sauver l’Union européenne après le Brexit n’ait pas été utilisée. L’Union européenne aurait dû être changée après le Brexit ; mais en fait, j’ai été témoin exactement du contraire. Je vois des comportements vils et dictatoriaux de la part des bureaucrates bruxellois et des dirigeants de l’Union européenne, et il me semble, si rien ne change, que l’Union européenne n’en a pas pour plus de quatre ou cinq ans.

FA : Comment voyez-vous l’avenir des pays baltes s’ils restent dans l’UE et dans l’hypothèse qu’elle ne change pas ?

Rolandas Paksas: Je suis eurodéputé pour la deuxième fois. Il y a sept ans, pour des idées comme celles partagées par les membres de l’ADDE, j’ai vu 70 à 90 voix au parlement. Aujourd’hui, nous pouvons atteindre 250, parfois 300 voix, soit à peu près la moitié du parlement. Il en va de même pour la Lituanie et les pays baltes. Les idées des gens ont beaucoup changé. Les gens en Lituanie luttent maintenant pour leur nation, leur culture, leur langue et pour la tradition lituanienne. Ils ne veulent pas faire partie d’une autre union qui détruirait leur pays. Nous avons été dans une telle union une fois, elle s’appelait l’Union soviétique. Donc ça suffit, hors de question de remettre ça.

FA : Pensez-vous que les pays baltes devraient adhérer ou du moins être des partenaires proches du V4 pour éviter une telle évolution ?

Rolandsas Paksas: Je suis tout à fait en faveur d’une coopération renforcée. Mais nos élites ne sont pas prêtes à cela.

FA : Pour quelle raison ?

Rolandsas Paksas: Il y a plusieurs raisons. Pour certains, c’est l’argent. Pour d’autres, ce peut être leur position, leur carrière … Nos élites ne sont pas disposées à un tel rapprochement.

FA : Mais vous pensez que c’est l’intérêt national de la Lituanie de coopérer fortement avec le V4 ?

Rolandsas Paksas: Absolument. Et je pense que d’ici deux ans nos élites changeront…

FA : Pour terminer cet entretien, j’aimerais vous poser des questions sur la Russie et l’OTAN. Quelle est votre position à l’égard de la Russie ? En Estonie et en Lettonie, il existe de véritables craintes quant à une agression russe de leur territoire. La crise ukrainienne est citée comme exemple. Pensez-vous que la Russie pourrait être une véritable menace pour les pays baltes et pour la Lituanie en particulier ? Et que pensez-vous de l’implication de l’OTAN dans la région ?

Rolandsas Paksas: Nous avons des accords entre la Lituanie et la Russie, depuis 1991, et les critères sont respectés. Vous savez, vous pouvez choisir votre femme, mais pas vos voisins. Vous devez vivre avec eux.

FA : Permettez-moi de poser la question d’une autre manière : avez-vous peur de la Russie ?

Rolandsas Paksas: Qu’entendez-vous par « avoir peur » ?

FA : Je veux dire, pensez-vous que la Russie pourrait menacer la Lituanie un jour?

Rolandsas Paksas: Je suis absolument sûr que non.

FA : Êtes-vous préoccupé par le fait que l’OTAN est implanté dans la région? Pensez-vous que le nombre croissant de troupes et de moyens de l’OTAN dans la région baltique pourrait nuire aux pays baltes?

Rolandsas Paksas: Ce n’est pas une question facile. J’aime des pays comme la Suisse. Les pays neutres. Comme la Finlande également. Il me semble que ce serait la meilleure option pour des pays comme la Lituanie. Mais avoir un ou deux avions ou chars de plus n’est certainement pas la bonne voie à suivre.