Roumanie – Bien que le détail des résultats ne soit pas encore pleinement connu, il est d’ores et déjà clair que le grand gagnant des municipales roumaines de ce dimanche 27 septembre – notamment dans les grandes villes – est le parti USR (Unis Sauvons la Roumanie), lequel, comme son nom ne l’indique pas, est le parti le plus antinational de l’histoire politique roumaine. Il vient d’ailleurs de porter au pouvoir divers maires étrangers, non seulement ethniquement (comme la roumaine d’origine française Clotilde Armand, élue à la tête d’un arrondissement de Bucarest), mais parfois aussi juridiquement (comme le citoyen allemand Dominic Fritz, nouveau maire de Timişoara à la faveur de la législation communautaire qui le permet). Quoi de moins surprenant, au demeurant, dans un pays qui a déjà à deux reprises élu un président ethniquement allemand, à chaque fois contre un contre-candidat issu de l’ethnie majoritaire ?
Les Roumains continuent donc, dans une proportion croissante, à voter contre l’existence de la Roumanie. Et, à voir les élites autochtones qui y singent parfois le patriotisme, on serait tenté de dire qu’on les comprend. Victime à la fois d’un début d’effritement de l’hypnose collective covidienne et du mécontentement suscité par sa « gestion de crise » à la fois chaotique et cleptocratique, le PNL du président Iohannis et du premier ministre Ludovic Orban, par rapport aux espoirs que pouvait nourrir son contrôle intégral de l’exécutif, obtient un résultat objectivement médiocre, qui en fait, subjectivement, le grand perdant de la soirée.
Outre la répartition des voix, le principal camouflet administré par l’électorat roumain à l’équipe Iohannis/Orban, c’est la participation : en très léger recul par rapport à celle de 2016, elle montre que la psychose covidienne est bel et bien morte en Roumanie (comme dans de nombreux autres pays de la région) : la participation a, notamment, été assez massive dans des départements très ruraux (et donc, compte tenu de la sociologie roumaine, à population relativement âgée). Alors même que la presse aux ordres les bombarde quotidiennement (avec une légère accalmie opportuniste à l’approche du scrutin) de nombres de « cas » et de « victimes » astronomiques, saupoudrées des habituelles menaces de confinement, les électeurs n’ont pas eu peur de se rendre aux urnes. Ainsi, le PNL au pouvoir sait désormais ce qu’il doit faire pour avoir la certitude d’échouer dans les poubelles de l’histoire dès les législatives à venir : maintenir, voire renforcer la dictature pseudo-sanitaire des derniers mois.
La machine de communication du pouvoir, et notamment de la présidence de Klaus Iohannis, qui était en mesure de prévoir ce revers, pense certes avoir la parade, et pouvoir présenter comme une victoire présidentielle ce camouflet infligé au gouvernement de Ludovic Orban. A défaut de principes, de vision, de programme et de loyautés durables, il faut reconnaître à Klaus Iohannis (ou plus probablement : à la camarilla de ses conseillers de l’État profond) un certain génie de communication politique. Disposant des vrais sondages (ceux publiés dans la presse annonçaient depuis des mois une déferlante de son parti PNL), ce dernier savait en effet que les municipales allaient donner à une opinion excédée l’occasion de sanctionner la dictature sanitaire de son premier ministre Ludovic Orban (dans le cas des « covido-sceptiques »), ou (pour les autres, encore sous l’effet de l’hypnose) tout du moins sa « gestion de crise » incohérente et corrompue. Klaus Iohannis a donc eu recours à un stratagème apparemment rusé : « adopter » comme sien, sur la dernière centaine de mètres, le candidat à la mairie de Bucarest du parti macronoïde USR (membre de Renew Europe, à la différence de son PNL inclus dans le PPE), au nom d’une fantomatique « union des droites » appelée à faire tomber la mairie « de gauche » du PSD, détenue par Gabriela Firea, journaliste de télévision entrée en politique il y a quelques années.
Du coup, au soir des municipales, les chefs du PNL peuvent, en effet, crier victoire en se basant sur la défaite de la maire sortante Gabriela Firea – en plein milieu d’une défaite historique de leur propre parti. Et encore cette victoire « par procuration » est-elle loin d’être complète : en dépit de l’auto-sabordage par son nouveau président Marcel Ciulacu du PSD dont elle portait les couleurs, Gabriela Firea perd avec un score honorable, qui confirme, autant que son propre prestige politique, la validité de la ligne de centre populiste qu’elle a hérité de l’ère Dragnea (en dépit du fait qu’elle ait, à titre personnel, elle aussi trahi Liviu Dragnea). D’autant plus qu’elle réalise ce score en dépit des quelques 8% volés, principalement à son électorat à elle, par la candidature parasitaire de Traian Băsescu – candidature dont ce siphonnage était d’ailleurs l’unique objectif.
Mais surtout, on peut se demander dans quelle mesure, au-delà de la gestion à très court terme du naufrage en cours, Klaus Iohannis et son PNL ne risquent pas d’être en fin de compte les principales victimes de leur tour de passe-passe. Réflexion qu’on peut d’ailleurs étendre au FIDESZ hongrois, et à une grande partie de l’aile droite du PPE : à force d’appliquer, en termes de « gestion de crise » (comprendre : de dictature pseudo-sanitaire) très exactement les recettes exigées par le Parti démocrate américain et ses prolongements européens de Renew Europe (dont l’USR roumain et le Momentum hongrois), cette droite qui se prétend « conservatrice » et « chrétienne » (mais qui rivalise de zèle avec Macron et Sánchez quand il s’agit de fermer des églises sous prétexte de grippe) perd assez vite ce que le marketing appellerait son positionnement. Autre façon de le dire : en période covidienne, le mondialisme dit « de droite » se met à ressembler si étroitement au mondialisme dit « de gauche » que l’électorat est bien pardonnable de préférer l’original à la copie (surtout quand il est excédé et que ladite copie se trouve être – en apparence du moins – dans l’opposition).
Après s’être débarrassé, en 2019, dans la plus pure tradition des procès politiques soviétiques, de Liviu Dragnea, et l’avoir fait remplacer à la tête du PSD par un personnel plus contrôlable, Klaus Iohannis avait multiplié les efforts (assez maladroits, au demeurant) en vue de récupérer, autant que possible, la frange de droite populiste de l’électorat du PSD de marque Dragnea – ce qui s’était notamment manifesté sous la forme d’une prise de distance (peu crédible) d’avec l’agenda LGBT, et de la réactivation des thèmes magyarophobes qui faisaient la fortune de l’aile « nationale-communiste » de ce même PSD – aile issue de l’ingestion post-mortem de feu le Parti de la Grande Roumanie de Vadim Tudor (et représentée notamment par l’oltène Olga Vasilescu). A présent, en se jetant dans les bras du néolibéral anti-chrétien rabique Nicușor Dan (nouveau maire USR de Bucarest), de toute évidence, il annihile le (maigre) résultat de ces efforts, en amenant même les électeurs les plus retardataires à se demander à quoi sert ce pseudo-conservatisme discursif que l’épreuve du réel place invariablement entre l’enclume du mondialisme libéral (désormais totalitaire, car covidien) et le marteau du populisme (certes déserté par les partis qui en usurpaient le nom – comme le PSD – mais pas tellement par l’électorat…).
Mais allons encore plus loin : la confusion des marques pourrait bien n’être une bonne affaire pour personne. D’une part, même si son avenir politique semble scellé, il est fort peu probable que le PNL risque, dans l’immédiat, un « putsch » conduit par l’USR victorieux à Bucarest et dans d’autres grandes villes. La victoire « symboliquement détournée » de Nicușor Dan (USR) à Bucarest a, de toute évidence, été « négociée » en bonne et due forme roumaine, de telle sorte que les entreprises de l’entourage de Ludovic Orban obtiennent au passage des garanties qui ne sont certainement pas que symboliques. Ce dernier a donc mis à l’abri tout ce à quoi il tient réellement : la cassette. Nicușor Dan, en revanche, paie très probablement ce patronage du prix de son « intégrité » – ou, pour le dire dans un langage plus réaliste : de l’image de « monsieur propre » que lui et son parti avaient cultivée pour séduire le tertiaire urbain naïf, resté, sous son masque chirurgical, fidèle aux idéaux « anti-corruption » de la grande époque des manifestations anti-Dragnea (entre temps déplacées à Minsk). Certains commentateurs (comme Ion Cristoiu, vétéran du journalisme politique roumain) expliquent ces concessions lourdes de conséquences par la nécessité, typiquement roumaine, de se concilier l’État profond, officiellement en charge (sous la forme du service militarisé STS) du décompte des voix. C’est, à mon sens, une vision un peu idyllique de la situation – qui sous-entend que Nicușor Dan et son parti USR auraient pu, un jour, être capables de refuser quoi que ce soit à la néo-Securitate. Ce qui revient, je le crains, à se méprendre sur l’origine réelle de ce parti, fils naturel de la galaxie Soros porté sur les fonts baptismaux par les services roumains dits secrets.
Le tandem Iohannis/Orban, déjà virtuellement mort politiquement, ayant ainsi guéri de leurs illusions les adeptes du mondialisme de droite, on peut donc s’attendre à ce que Nicușor Dan désillusionne à son tour ceux du mondialisme de gauche. En bonne logique, ce win-win circonstanciel appelé à se transformer en lose-lose à moyen terme ne pourrait donc profiter qu’au populisme. Encore reste-t-il à savoir si ce dernier disposera d’un parti pour l’incarner lors des législatives du 6 décembre. Ce serait probablement le cas, si l’aile du PSD conduite par l’ancien MAE Titus Corlățean, qui a tenté de modérer la dictature pseudo-sanitaire du bon docteur Arafat, avait pris le dessus au sein du parti. Compte tenu de l’emprise de l’Etat profond (lui-même sous contrôle mondialiste), ce retournement n’a bien entendu pas pu avoir lieu (au point qu’on peut même se demander si cette tentative de mutinerie n’a pas été mise en scène pour ménager au parti, et donc au système, un parachute covido-sceptique, au cas où).
Comme dans la plupart des pays affectés par la dictature pseudo-sanitaire et les « union sacrées » honteuses qu’elle a créées, on voit donc apparaître un vide. Pour le remplir, reste donc, là comme ailleurs, la mouvance covido-sceptique elle-même, probablement plus puissante dans la société que ne pourraient le suggérer les quelques manifestations de cet été (qui n’ont jamais dépassé, ou à peine, le millier de personnes à Bucarest) ; les éléments (généralement patriotes/orthodoxes) de la société civile qui la structurent plus ou moins représentent certes l’élite morale et intellectuelle du peuple roumain (les avocats George Piperea et Dan Chitic, les médecins Iulian Capsali et Răzvan Constantinescu, disciple du Raoult roumain Astarăstoaie, etc.), mais n’ont jusqu’à présent pas fait preuve de talents extraordinaires dans l’organisation politique.
Quant aux Hongrois de Roumanie, à la faveur de leur relative concentration territoriale, ils limitent les dégâts comme le PSD dans ses bases rurales, mais :
- La faible participation enregistrée dans les départements à forte population hongroise peut leur laisser craindre le pire pour les législatives du 6 décembre, où le RMDSZ/UDMR sera à nouveau confronté à la barre fatidique des 5%, en deçà de laquelle la minorité hongroise perdra sa représentation parlementaire.
- D’autant plus que, si les villes (totalement ou partiellement) hongroises continueront à être gérées par des hongrois, ces derniers sont de moins en moins liés audit RMDSZ/UDMR ; dans deux des principales villes du Pays Sicule historique (Marosvásárhely/Târgu-Mureș et Székelyudvarhely/Odorheiul Secuiesc), la mairie est revenue à des indépendants, plus ou moins « transylvanistes » et plus ou moins issus de la « société civile ». Financièrement affaiblie par son suicide covidien et privée d’une partie de sa légitimité par des fermetures de frontière dont les Hongrois de Roumanie ont souvent fait les frais, la Hongrie du FIDESZ n’a, de toute évidence, plus les moyens d’assurer la fidélité de cet électorat – qui semblait, il y a peu encore, captif – à son parti-vassal, le RMDSZ. D’autant moins qu’une des principales voix du nationalisme hongrois de Transylvanie, l’évêque calviniste László Tőkés, n’a pas attendu ces résultats pour poignarder dans le dos ce FIDESZ dont il a fait partie, en prenant dès la campagne le contrepied de ses consignes de soutien massif au RMDSZ.
En conséquence de quoi, on voit ledit RMDSZ, en vue des législatives, se rapprocher du PNL, en dépit du feu d’artifice de démagogie magyarophobe dont l’a régalé en 2020 l’allemand Klaus Iohannis. Il faut dire que ce dernier contrôle les services dits secrets (à moins que ce ne soit le contraire…), et donc aussi le service STS, en charge du décompte des voix… Bref : à la faveur du covido-suicide de la Hongrie dite illibérale, on assiste au retour en force de la ligne roumanophile/loyaliste qui avait caractérisé l’histoire du RMDSZ sous la longue présidence de Béla Markó, avant l’ascension de son dauphin rebelle Hunor Kelemen à la faveur du mariage de raison FIDESZ-RMDSZ.