Pologne – L’économie polonaise s’en sort plutôt bien par rapport aux autres économies de l’Union européenne face à la crise causée par les restrictions sanitaires, avec une baisse du PIB de seulement 2,8 % en 2020 et une croissance prévue à 3,1 % cette année et 5,1 % en 2022 (selon les prévisions de la Commission européenne). De toute l’UE, seule la Lituanie a fait mieux en 2020 avec une baisse du PIB de 0,9 %. Deux autres pays de l’UE ont eu une récession inférieure à 3 % : la Suède et l’Estonie. Ce positionnement avantageux de la Pologne n’est pas uniquement dû au fait qu’elle n’a jamais appliqué de confinement aussi strict que dans d’autres pays européens (à l’exception notable de la Suède) comme le Royaume-Uni, la France, l’Italie ou l’Espagne, ou que les petits entrepreneurs polonais ont recours à différentes combines pour continuer à fonctionner en dépit des interdictions, mais c’est aussi grâce au poids de son industrie, moins touchée par les restrictions que les services. En 2019, la part de l’industrie (sans le BTP) dans le PIB s’établissait à 25,1 % en Pologne contre 24,2 % en Allemagne, 19,6 % en Italie, 15,8 % en Espagne, 13,5 % en France et 13,3 % au Royaume-Uni.
En mars, la valeur des commandes reçues par les entreprises industrielles polonaises était de 33,1 %, supérieure à celle de mars 2020, et celle des commandes à l’export était en augmentation de 37,7 %, mais il est vrai que le confinement du printemps avait démarré à la mi-mars 2020, mois où la production vendue de l’industrie s’était réduite de 2,5 % par rapport au même mois de 2019. Toujours en mars 2021, la production vendue de ce secteur s’est accrue de 18,9 % par rapport à il y a un an et c’est la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 15 ans, après une augmentation de 2,7 % en février 2021 par rapport à février 2020. Les ventes de l’industrie polonaise sont ainsi repassées en mars au-dessus du niveau qui découlerait normalement de la tendance à la hausse d’avant la pandémie, comme le montre ce graphique publié le 21 avril par la banque Bank Pekao, à partir des données du GUS, l’office de la statistique polonais :
Parmi les facteurs favorisant la bonne tenue de l’industrie polonaise malgré la pandémie, il y a l’amélioration de la conjoncture dans l’industrie allemande, l’Allemagne comptant pour près de 30 % des exportations polonaises (29 % en janvier-février 2021, contre 6,2 % pour la France, 5,5 % pour la Tchéquie, 4,9 % pour l’Italie, 4,8 % pour le Royaume-Uni et 4,4 % pour les Pays-Bas, pour ne citer que les principaux marchés des exportations polonaises).
Malgré la crise, les exportations totales de marchandises polonaises poursuivent leur dynamique à la hausse observée l’année dernière, avec une augmentation de 6,2 %, à 21,3 milliards d’euros, en février 2021 par rapport à février 2020, c’est-à-dire avant les premières mesures sanitaires. Dans le même temps, les importations ont augmenté de 6 % (également en euros). Le solde des comptes courants de la Pologne reste donc très positif, comme le montre ce graphique publié par la banque Pekao sur la base de données de la banque centrale (NBP) :
La dynamique des exportations est ainsi, aux côtés de la croissance de la production industrielle, un deuxième facteur important expliquant la bonne tenue de l’économie polonaise en cette période de pandémie. Cette dynamique s’explique en partie par le fait que la Pologne ne fait pas partie de la zone euro et qu’elle a donc pu laisser filer sa monnaie nationale, le zloty. La valeur moyenne du zloty était de 4,20-4,30 zlotys pour un euro avant la pandémie, elle oscille entre 4,40 et 4,65 zlotys pour un euro depuis mars 2020.
Par secteur, le BTP polonais se porte moins bien que l’industrie, puisque construction était en baisse de 10,8 % en mars 2021 par rapport à mars 2020. Comme pour l’industrie, cette branche souffre de la forte hausse des prix des matières premières (+4,5 % entre mars 2020 et mars 2021, pour une inflation globale à 3,2 % sur la même période, dont 7,3 % pour les seuls services et 1,9 % pour les biens). Le secteur agricole, s’il connaît bien des problèmes, n’a pas particulièrement souffert de la pandémie elle-même, et les exportations polonaises de produits alimentaires ont même enregistré une croissance de 7 % en 2020 après 6,9 % en 2019.
Dans le secteur des services, les exportations de services aux entreprises ont connu un véritable boum en 2020, avec une croissance à l’export supérieure à 10 % et une valeur totale des exportations supérieures à 28 milliards de dollars, alors que les exportations totales de services ont, elles, diminué pour passer de 69,9 milliards de dollars en 2019 à 67,2 milliards en 2020. En ce qui concerne les services aux entreprises, la Pologne s’est avérée plus résiliente à la crise que, par exemple, l’Inde – qui est un des principaux concurrents dans ce secteur – grâce en partie au niveau de ses infrastructures qui ont permis un passage rapide et fluide au télétravail dès les premières semaines du confinement du printemps 2020.
Pour l’ensemble de l’économie polonaise, le taux de chômage reste le plus bas de toute l’Union européenne, et le salaire moyen dans le secteur des entreprises a même augmenté de 8 % entre mars 2020 et mars 2021. Calculé selon la méthodologie polonaise, le taux de chômage s’établissait à 6,4 % en mars 2021 contre 5,4 % en mars 2020 et 6,2 % en décembre 2020, puis 6,5 % en janvier 2021. Mais calculé selon les critères d’Eurostat, le chômage en Pologne n’était que de 3,1 % en mars, contre 3,2 % en Tchéquie, 3,5 % aux Pays-Bas, 3,9 % en Hongrie, et, par exemple, 4,5 % en Allemagne et 7,9 % en France, pour une moyenne de 7,4 % dans l’UE et 8,1 % dans la zone euro.
Le bémol, c’est l’inflation : à 4,3 % d’une année sur l’autre en avril après 3,2 % en mars, et avec des taux d’intérêts proches de zéro, l’inflation ronge les économies des Polonais, ce qui continue d’alimenter une hausse des prix de l’immobilier – les épargnants cherchant à placer leur argent – malgré la récession en 2020. L’autre bémol, c’est le creusement des déficits publics. À 161,5 milliards de zlotys (6,9 % du PIB, ce qui correspond à la moyenne de l’UE), le déficit des finances publiques a été multiplié par dix en 2020 ! De ce fait, la dette publique est passée en seulement un an de 45,6 % du PIB à 57,5 % du PIB, mais cela reste beaucoup moins que dans d’autres grands pays européens, la moyenne de l’UE se situant à plus de 90 %.