Pologne – Après le veto exprimé par le Sénat polonais – où l’opposition est majoritaire – que la Diète avait annulé (par 229 voix contre 212 et 10 abstentions), le président polonais Andrzej Duda vient, ce lundi 27 décembre, – en vertu des pouvoirs que lui confère la Constitution – d’opposer son veto à ce qu’on appelle communément la « Lex-TVN ».
TVN24 est de fait la chaîne de l’opposition
Cette loi, adoptée en première lecture le 11 août dernier par la Diète et confirmée par celle-ci avant les fêtes avant qu’Andrzej Duda ne tire le frein, prévoyait en effet que les chaînes de télévision ne pourraient désormais obtenir une autorisation d’émission en Pologne que si elles ne dépendent pas d’une entité juridique dont le siège est en dehors de l’Espace économique européen (EEE). En soit une mesure assez banale sauf que le groupe TVN, détenu par des capitaux américains (Discovery Inc.) et proche de l’opposition, n’aurait pas pu faire renouveler les licences de ses chaînes de télévision, dont la télévision d’information en continu TVN24.
Outre l’opposition polonaise, cette loi, dite « Lex-TVN » avait déjà fait réagir les autorités américaines et le ministre américain des Affaires étrangères, Antony Blinken, avait notamment déclaré que si ce texte obtenait force de loi, cela affecterait
« la chaîne d’information indépendante la plus regardée et l’un des plus gros investissements américains dans le pays
[et] affaiblirait considérablement l’environnement médiatique que les Polonais ont construit depuis si longtemps » tout en exhortant « le gouvernement polonais à démontrer son attachement [aux] principes et valeurs sur lesquels sont bâtis les États modernes et démocratiques ».
Inquiétudes à Bruxelles quant au pluralisme de la presse
De son côté, la Commission européenne, par la voix de son porte-parole, Christian Wigand, avait exprimé ce 20 décembre que « la loi sur les médias [pouvait] entraîner un changement forcé dans la structure de propriété des entreprises médiatiques et constitu[ait] une menace sérieuse pour la liberté et le pluralisme des médias en Pologne ». En d’autres termes, l’adoption de cette loi n’allait pas améliorer les relations – déjà tendues – de Varsovie avec Washington et Bruxelles.
Le président est garant des libertés et du pluralisme
Le président Andrzej Duda a donc décidé de calmer le jeu et d’opposer son veto à une loi porteuse de nouveaux conflits. Sur le fond, le chef de l’État polonais reconnaît cependant que la loi en question est, en soi, légitime :
« Je pense que limiter généralement la possibilité de détenir des actions dans des sociétés de médias est judicieux lorsqu’il s’agit de capitaux étrangers
[…] Je partage l’opinion que [ce principe] devrait être introduit en Pologne, mais pour l’avenir », car
« Le projet de loi et ses amendements concernent des entités déjà présentes sur le marché [et] il y a aussi la question du pluralisme des médias, de la liberté d’expression »,
un élément sur lequel Andrzej Duda souligne avec insistance : « Au moment de prendre ma décision, j’ai pris cet élément au sérieux ». Car en effet, dans la manière dont il entend incarner sa fonction présidentielle, Andrzej Duda n’est pas seulement là pour vérifier simplement que la loi ait été adoptée selon les règles… mais il est aussi le garant de ce que l’opposition puisse continuer à s’exprimer, et ce notamment par le biais d’une chaîne de télévision.
Le chargé d’affaires américain à Varsovie, Bix Aliu, a réagi positivement à cette nouvelle sur son compte Twitter : « Merci Monsieur le Président Andrzej Duda pour votre leadership et votre engagement en faveur des valeurs démocratiques communes et de la protection du climat d’investissement en Pologne. Ensemble, les alliés sont plus forts ! »
En pratique, le texte est renvoyé à la Diète que le président a appelé à adopter « si possible, au-delà des divisions politiques, des solutions pour limiter la possibilité de participations et d’actions détenues par des entités étrangères dans des sociétés titulaires de concessions médiatiques en Pologne ».