Par Marlena Prochownik.
Pologne – Noël (« Boże Narodzenie » – littéralement « Naissance de Dieu ») est considéré comme la fête la plus importante de Pologne. Ses traditions ont évolué au cours des siècles, durant lesquels les coutumes païennes, folkloriques et chrétiennes se sont entrelacées. Jetons un coup d’oeil à quelques traditions polonaises de Noël.
La veille de Noël (« Wigilia ») n’est pas un jour férié officiel, donc pour la plupart des Polonais, c’est un jour ouvrable jusqu’à l’après-midi. Les Polonais jeûnent tout au long de la journée, puis le soir, des familles entières se réunissent pour souper somptueusement et célébrer ensemble.
Selon la tradition, le souper commence lorsque la première étoile apparaît dans le ciel du soir. Ceci est une référence symbolique à l’Étoile de Bethléem annonçant la naissance de Jésus-Christ, qui, selon la Bible, a conduit les Trois Rois à l’étable où ils ont trouvé Jésus. Habituellement, les enfants polonais attendent impatiemment et recherchent cette étoile dans le ciel, tandis que les adultes finissent les préparations du repas à venir.
Les personnes présentes commencent alors le souper en rompant le pain ensemble (ou des gaufrettes « opłatek ») et en se souhaitant les meilleurs vœux. Cette coutume semble commune seulement en Pologne, en Lituanie et en Slovaquie. Les gaufrettes sont marquées avec des images religieuses telles que la scène de la Nativité.
Enfin, le 24 décembre à minuit, les Polonais assistent traditionnellement à la messe solennelle, appelée Pasterka. Le Pasterka commémore l’attente et la prière des bergers qui se sont rendus à Bethléem pour voir l’enfant Jésus – le mot « pasterka » vient du mot « pasterz », qui signifie berger, pasteur.
Un des incontournable du Noël polonais est une table somptueuse. Les plats peuvent différer selon les régions du pays, mais une chose est commune dans tout le pays : il doit y avoir douze plats. Selon la tradition, chacun doit goûter chacun des plats pour s’assurer que les mois de la nouvelle année seront tous prospères.
Des décorations telles que des bougies et des ornements en bois sont également les bienvenues sur la table de Noël. Il est également très commun de mettre du foin sous la nappe blanche – pour se rappeler que Jésus-Christ est né dans une étable.
Personne ne devrait être seul et abandonné à Noël, c’est pourquoi, selon la tradition, nous mettons un couvert supplémentaire sur la table, pour un invité inattendu. Laisser un siège vide semble être l’une des traditions de Noël polonaises les plus importantes. À l’époque païenne, les gens laissaient un siège vide pour ceux qui sont décédés, maintenant cette coutume est dédiée aux vagabonds qui pourraient frapper à notre porte. Cela peut également être associé à l’idée de l’hospitalité chrétienne (et polonaise !). Quand le souper est terminé, les habitants de la région de Podlasie (nord-est de la Pologne) ne nettoient pas immédiatement la table, de sorte que – comme le dit la tradition – les âmes des morts puissent avoir les restes.
Selon la région et la tradition familiale, les plats de la veille de Noël peuvent varier d’une maison à l’autre. Les plus communs sont : soupe de betterave avec des ravioles (« barszcz czerwony » avec – littéralement – de « petites oreilles »), divers poissons (les Polonais ne mangent pas de viande le soir de Noël), chou aux pois, ravioles. Nous consommons un jus de fruits secs (« kompot ») et mangeons beaucoup de gâteaux variés, parmi lesquels des pains d’épices (« pierniki ») et des gâteaux aux graines de pavot (« makowiec »). Selon la croyance de Silésie, seules les choses qui viennent de la forêt, des champs, des jardins, de l’eau et des vergers peuvent être trouvées sur la table du réveillon de Noël.
Personne aujourd’hui ne peut imaginer Noël sans un arbre de Noël (« choinka »). La coutume de le décorer s’implanta en Pologne au 18ème siècle et vint d’Allemagne. Ornés de babioles, de lumières, de chaînes et de bonbons, les arbres de Noël – naturels ou artificiels, grands ou petits – sont un incontournable dans chaque foyer. Autrefois, les arbres de Noël étaient décorés de pain d’épices, de noix, de petites pommes, de céréales et de chaînes de papier ou de décorations faites à la main. Selon la tradition, l’arbre doit être décoré par toute la famille la veille de Noël, mais de nos jours, cela est généralement fait plus tôt par les enfants. Les sapins de Noël restent dans nos maisons jusqu’au 6 janvier – l’Épiphanie, ou jusqu’au 2 février – La Présentation de Jésus au Temple.
S’il y a un arbre de Noël, il doit aussi y avoir des cadeaux. En Pologne, nous donnons et recevons des cadeaux deux fois – le 6 et le 24 décembre. Le premier jour, c’est Saint Nicolas qui arrive pour apporter des cadeaux aux enfants bien sages. Les enfants qui ont été vilains obtiennent une « tige » (rózga). Cette coutume est identique dans tout le pays.
Mais lorsqu’il s’agit de cadeaux la veille de Noël, des variations existent d’une région à l’autre. Sous le sapin de Noël, des cadeaux sont apportés – selon les régions – par le Petit Ange, le Petit Jésus, le Star-man … Ceci est dû aux différentes traditions régionales et au vestige des 120 ans de séparation, au cours desquels la nation polonaise était divisé entre trois pays. Lisez la comparaison de base suivante et jetez un coup d’œil à la carte pour en apprendre davantage sur cette diversité régionale.
- Saint Nicolas (« Święty Mikołaj ») – visite les gens du centre, du nord-est, de l’ouest et du sud-est de la Pologne, bien que la plupart d’entre nous l’associent au 6 décembre.
- L’Homme-étoile (« Gwiazdor »), à Poznań et ses environs, dans le Pays de Lubusz, en Cujavie et en Varmie (territoires sous domination prussienne pendant l’occupation du territoire polonais avant 1918), et en Cachoubie et en Kociewie. « Gwiazdor », tout comme Saint Nicolas, demande si l’enfant a été vilain ou gentil – les vilains enfants reçoivent une « pyra » pourrie (« patate » dans le dialecte de Poznań).
- L’enfant Jésus (« Dzieciątko ») : typique pour la région de Silésie, cette coutume est venue de Tchéquie. Saint Nicolas leur rend visite le 6 décembre.
- La petite étoile (« Gwiazdka »), en Basse-Silésie. Cela fait sens – après tout, la veillée de Noël commence quand cette étoile a été repérée…!
- Le Petit Ange (« Aniołek ») – en Petite Pologne (Małopolska), Podkarpacie (la région la plus au sud-est de notre pays) et les régions environnantes (sud de la Pologne en général) – est le porteur de présents le plus courant. Le Petit Ange se rend également en Slovaquie et en Hongrie.
- Grand-père Gel (« Dziadek Mróz ») : il y a encore des endroits où c’est lui qui laisse des cadeaux sous le sapin de Noël, comme dans les pays de l’Est avant 1989. Ses racines sont dans la tradition slave-occidentale (Дед Мороз chez les Russes). À noter qu’il rend visite à nos compatriotes dans les régions frontalières de l’Est (danes les Kresy, aujourd’hui territoires de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Lituanie).
Pour décrire les cadeaux que nous avons reçus le soir de Noël – peu importe si nous les avons obtenus d’un Homme-étoile ou d’un Petit Ange – nous disons que nous l’avons reçu « sous le sapin de Noël » (“pod choinkę”) ou « à l’occasion d’une petite étoile » ( » na Gwiazdkę « ).
Il y a beaucoup de superstitions liées à Noël, qui ont leur origine dans les anciennes croyances païennes locales. Laisser un siège vacant à la table, qui se réfère à la croyance en l’arrivée des âmes des morts, et dédié à l’invité inconnu, a déjà été mentionné. Les gens croient que l’anxiété et les querelles en ce jour spécial peuvent amener des malheurs, et, selon les mots de ma mère : ne vous querellez pas la veille de Noël ou vous vous disputerez pendant toute l’année prochaine.
Un article entier pourrait être écrit sur le folklore coloré des montagnards polonais et leurs traditions de Noël. Disons quelques mots à leur sujet. En Podhale, entourer la table de Noël avec une chaîne garantit qu’aucun des invités ne quittera la famille dans l’année à venir, et que les animaux ne s’éloigneront pas de la ferme. Faites attention à votre cuiller – si elle tombe de la table il y aura la mort dans la famille. Le nombre de cuillères est également important, et il doit y avoir exactement autant de cuillers que d’invités. Une trop annonce une naissance, une de moins annonce la mort.
Une coutume intéressante en provenance de la Haute-Silésie pour les femmes célibataires : selon la tradition, à la veille de Noël, chaque fille doit sortir à minuit et écouter de quel côté un chien aboie. C’est de là que viendra le fiancé de la jeune femme.
Certains d’entre nous laissent la peau de la carpe dans le porte-monnaie pour apporter de la chance ou de l’argent. Dans certaines régions, une pièce de monnaie est souvent mise dans l’une des ravioles du bortsch – quiconque la trouve dans son assiette aura de la chance.
Une habitude importante qui accompagne Noël est le chant. Les chants de Noël sont très populaires dans notre pays – de nos jours en particulier dans les versions modernes chantées par des musiciens et des groupes bien connus, mais aussi dans le style folklorique.
Il semble que de nos jours Noël a un caractère plus traditionnel que religieux. Pour certains, il s’agit même plutôt d’une fête commerciale ordinaire, qui n’a rien de commun avec la religion ou la tradition. Dès la fin de la Toussaint avec ses bougies et couronnes typiques, les centres commerciaux « nous attaquent » avec des images du Père Noël et des cadeaux. Quand les stations de radio commencent à jouer « Last Christmas » de Wham! nous savons déjà que l’heure de Noël arrive. Nous ne sommes plus si inquiets de savoir qui apportera des cadeaux parce que la culture pop nous a habitués à l’image du Père Noël, qui semble avoir le monopole du don de cadeaux.
Mais cela pourrait être dit à propos de chaque société européenne moderne. Les Polonais ordinaires seraient probablement d’accord pour dire qu’il y a une part de vérité dans ce constat, mais ne considéreraient pas cela comme quelque chose de positif. Même si nous ne sommes pas aussi religieux que nous le fûmes, nous suivons toujours la plupart de nos traditions et les fêtes de Noël sont toujours les jours les plus importants de l’année, passés en famille dans une atmosphère paisible.