Hongrie/Pologne – Une fois n’est pas coutume, la Hongrie et la Pologne viennent de prendre une décision identique au sujet de l’Ukraine en interdisant désormais l’importation des produits agricoles ukrainiens. Une décision dénoncée par les instances européennes, qui intervient après plusieurs mois de sourde oreille de la part de l’UE envers les problèmes causés aux agriculteurs d’Europe centrale par l’augmentation massive des importations ukrainiennes.
Décuplement des exportations ukrainiennes de céréales vers l’UE
En effet, les céréales ukrainiennes, dont la quantité exportée vers l’Union européenne a presque été décuplée – passant de 287 000 tonnes en 2021 à 2,849 millions de tonnes en 2022 – sont non seulement peu chères, ce qui casse le marché vis-à-vis des producteurs hongrois et polonais qui ont désormais du mal à écouler leur marchandise, mais en plus, elles sont de qualité inférieure aux céréales conformes aux normes de l’UE. La situation est sensiblement la même pour les œufs, les volailles et le miel en provenance d’Ukraine.
Or, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a fait savoir dès le sommet agricole de Bruxelles, en janvier 2023, que l’UE « n’avait pas l’intention de limiter le flux ou la quantité de céréales ukrainiennes », tandis que la Commission européenne a alloué 56 millions d’euros d’aide à la Bulgarie, à la Pologne et à la Roumanie et estimé que la Slovaquie, la Tchéquie et la Hongrie n’étaient que peu touchées par ce problème.
Face au manque de réaction de Bruxelles, les États concernés ont décidé en février de prendre des mesures, notamment concernant la qualité des produits, le ministre hongrois de l’Agriculture, István Nagy, rappelant que
« les entreprises hongroises qui utilisent des céréales ukrainiennes ont la responsabilité juridique directe de n’utiliser que des matières premières conformes aux normes européennes et nationales. »
Or, ces céréales sont pour certaines des OGM (interdits en Hongrie) et d’autres contiennent des taux de toxines contrevenants aux normes UE. Fin mars, les dirigeants de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie et de la Slovaquie ont de nouveau, dans une lettre, tenté d’attirer l’attention de la Commission européenne sur les problèmes causés directement par cette augmentation drastique des importations en provenance d’Ukraine via les corridors de solidarité qui bénéficient de l’exemption de droits de douanes.
Une alternative est proposée alors par ces cinq pays d’Europe centrale : la mise en place d’un mécanisme de soutien automatique aux agriculteurs européens ou la réintroduction des droits de douane et des contingent tarifaires sur les importations ukrainiennes. Mais cela est resté lettre morte.
La Pologne interdit l’importation de produits agricoles ukrainiens
Finalement, le gouvernement polonais a décidé, ce samedi 15 avril, d’interdire l’importation de produits agricoles en provenance d’Ukraine. Le ministre polonais du Développement et de la Technologie, Waldemar Buda, l’a expliqué ainsi : « Un décret du ministre du développement et de la technologie a
interdit temporairement l’importation de certains produits agricoles de l’Ukraine vers la Pologne, notamment les céréales, le sucre et la viande de porc.
Le nouveau règlement sera en vigueur jusqu’au 30 juin 2023. […] En introduisant ce règlement pour une période limitée,
nous voulons protéger le marché, tant pour les agriculteurs que pour les consommateurs,
c’est-à-dire pour nous tous », rappelant que « la législation de l’Union permet aux États membres d’appliquer des interdictions, des restrictions ou des mesures de surveillance justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public ou de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes… »
La Hongrie en fait de même
Suivant l’exemple polonais, le ministère hongrois de l’Agriculture a également décidé, ce samedi, d’interdire provisoirement « les importations de céréales et d’autres produits alimentaires ukrainiens » jusqu’au 30 juin 2023 :
« ce délai peut être suffisant pour permettre à l’UE de prendre des mesures en vue d’apporter une solution significative et durable. »
De son côté, la Commission européenne a critiqué ces décisions de Varsovie et de Budapest : « Nous sommes au courant de l’interdiction des importations agricoles annoncée par la Pologne et la Hongrie ; nous avons demandé aux autorités de ces deux pays des informations à ce sujet. […] Dans ce contexte,
il convient de souligner que la politique commerciale est une compétence exclusive de l’UE et qu’une action unilatérale n’est donc pas acceptable.
En ces temps difficiles, il est essentiel de coordonner et d’approuver toutes les décisions au sein de l’UE. »