Par Olivier Bault.
Pologne – La Pologne va bientôt entrer dans un nouveau cycle d’élections qui sera inauguré en octobre-novembre par les élections municipales et régionales. Viendront ensuite en 2019 les élections au Parlement européen suivies des élections à la Diète et au Sénat. L’année 2020 sera celle des élections présidentielles. Les partis politiques polonais sont donc entrés en mode de campagne électorale avec deux conventions la fin de semaine dernière : celle du parti Droit et Justice (PiS) avec ses alliés de la Droite unie, et celle des libéraux de la Plateforme civique (PO). Si les conservateurs dominent largement dans les sondages, ils marquent le pas depuis un mois environ, après une période dominée par les conflits avec la Commission européenne, notamment sur la question de la réforme de la justice, ainsi qu’avec Israël et les organisations juives sur la question de la nouvelle mouture de sa loi mémorielle. Depuis février, l’opposition libérale a aussi su exploiter le « scandale » des primes généreuses versées aux ministres sous le gouvernement de Beata Szydło. Ces primes ne sont pas une nouveauté – elles étaient versées aussi quand la coalition PO-PSL précédente gouvernait – et elles sont liées au fait que les salaires des ministres ne sont pas très élevés en Pologne. Des couacs de communication – entre Beata Szydło qui tonnait à la tribune de la Diète que ces primes étaient méritées et son successeur Mateusz Morawiecki, qui a décidé début mars de supprimer ces primes et de demander à ses ministres de reverser les dernières primes perçues à des fins caritatives – ont aussi contribué à la perte de vitesse du PiS. Alors qu’il naviguait depuis quelques mois dans les sondages entre 40 et 50 % des intentions de vote (en fonction des instituts de sondage), il est tombé en mars-avril à 30-40 %. Un sondage a même donné une hypothétique coalition d’opposition devant la Droite unie menée par le PiS.
Souhaitant retourner la situation et sans doute aussi punir l’opposition de son hypocrisie sur cette question, le député et leader du PiS, Jarosław Kaczyński, qui de notoriété publique n’est pas attaché à l’argent, a non seulement imposé la suppression des primes des ministres sans augmentation des salaires de base, mais il a aussi décidé de faire voter par sa majorité parlementaire une réduction de 20 % des salaires des députés et sénateurs. Pour le coup, c’était une décision véritablement populiste et il ne s’en est pas caché : « Vox populi, vox Dei », a déclaré ce vieux renard de la politique polonaise en conférence de presse, sachant que sa décision mettrait l’opposition libérale en fureur. Si aujourd’hui les députés et sénateurs polonais touchent un salaire de 10.021 zlotys/mois (environ 2.400 €), ils ne percevront bientôt plus que 8017 zlotys par mois (environ 1.930 €) avant impôts au titre de leur salaire de base. Il a aussi été décidé dans la foulée de réduire les salaires des dirigeants des entreprises publiques afin de répondre aux critiques accusant le PiS d’agir comme ses prédécesseurs en plaçant ses amis aux postes lucratifs.
Il y a un an, le PiS voulait augmenter les salaires des membres du gouvernement qui sont restés presque inchangés depuis l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne en 2004, tandis que dans le même temps le salaire moyen a doublé. L’idée a été abandonnée sous la pression des sondages qui montraient que les 4/5 des Polonais ne souhaitent pas accorder une augmentation à ceux qui les gouvernent. En Pologne, le premier ministre perçoit un salaire d’environ 16.000 zlotys (environ 3.900 €) tandis qu’un simple ministre perçoit un salaire de quelque 12.500 zlotys (environ 3.000 €). Si les récentes décisions imposées par Jarosław Kaczyński peuvent s’avérer bonnes pour le PiS à l’approche des élections, elles ne le seront pas forcément pour la Pologne, car des salaires trop bas des parlementaires et des membres du gouvernement peuvent inciter à la corruption. Plusieurs procédures judiciaires sont d’ailleurs en cours contre d’anciens membres des gouvernements des libéraux au pouvoir de 2007 à 2015, parmi lesquels le secrétaire général de la PO Stanisław Gawłowski, accusé de corruption alors qu’il était secrétaire d’État au ministère de l’Environnement.
Pendant sa convention de fin de semaine, le PiS a également annoncé par la voix du premier ministre Mateusz Morawiecki et des différents ministres les nouvelles mesures qui s’inscriront donc dans ces campagnes électorales successives : réduction de l’impôt sur les sociétés de 15 à 9 % pour les PME (comme en Hongrie), réduction des cotisations sociales pour les micro-entreprises, prime de rentrée scolaire pour les familles, minimum vieillesse pour les femmes ayant eu au moins 4 enfants et n’ayant jamais cotisé pour leur retraite, primes pour les femmes qui donneront naissance à un enfant moins de 24 mois après la naissance de leur enfant précédent… Pour financer tout cela le PiS compte sur les bonnes recettes fiscales générées par la lutte contre la corruption et la fraude et ses bons résultats économiques : chômage au plus bas (6,6 % à la fin 2017), croissance économique dynamique (4,6 % en 2017), baisse des déficits publics (moins de 2 % du PIB en 2017) et réduction de la dette publique (à 48,5 % du PIB).
Le gouvernement Morawiecki cherche par ailleurs à apaiser le conflit avec la Commission européenne en adoptant quelques amendements à sa réforme de la justice et il a annoncé qu’il respecterait le jugement défavorable de la Cour de Justice de l’UE sur le dossier de la coupe d’arbres dans la Forêt de Białowieża inscrite au programme européen Natura 2000.
L’avenir nous dira si cette stratégie qui ressemble fort à celle de Viktor Orbán en Hongrie permettra au PiS de reproduire les succès électoraux du Fidesz. Le mode de scrutin en Pologne étant intégralement à la proportionnelle pour le choix des députés à la Diète (avec un seuil de 5 % et une prime au vainqueur), une majorité constitutionnelle est toutefois un but probablement hors de portée du PiS et de ses alliés.