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Kateřina Konečná : le travailleur tchèque nous est plus proche que l’étranger

Temps de lecture : 3 minutes

Tchéquie, Prague – Cet entretien originalement publié sur lapravda.ch nous a été suggéré par son auteur, le journaliste suisse Alimuddin Usmani.


Dans les anciens pays communistes, les partis à gauche de l’échiquier politique  ne sont pas forcément aussi favorables à l’immigration que dans les pays d’Europe occidentale. Nous avons joint Kateřina Konečná, membre du Parti communiste de Bohême et Moravie, pour nous entretenir sur la problématique de la crise migratoire. Elle a été élue députée au Parlement européen en 2014.

Alimuddin Usmani : 12 avril dernier, le Parlement européen a soutenu la proposition qui introduit une clé de répartition permanente des migrants. Vous avez répondu ceci au quotidien MF Dnes : « J’ai voté contre avant tout parce que les quotas, même ceux à court terme, ne sont pas une solution. Nous devrions enfin commencer à traiter en première instance les causes de la crise migratoire. » Quelles sont, selon-vous, les principales causes de la crise migratoire?

Kateřina Konečná : Il y a tout d’abord la politique militaire irresponsable de certains pays de l’OTAN ainsi que les problèmes de reconstruction dans les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord. Les réfugiés d’Afrique empruntent aujourd’hui la route de la Libye qui ne les laissait pas, il y a quelques années, gagner l’Europe. Après la chute de Muammar Kadhafi, suite à l’intervention, principalement des USA, de la France et de la Grande-Bretagne, le pays se trouve dans un état de désolation et le trafic d’êtres humains est devenu un commerce prospère pour les criminels locaux. Et que s’est-il passé après le renversement des militaires de Saddam Hussein? Ils se sont mis au service de l’État Islamique et ont contribué à son succès en Syrie, pays à partir duquel le flux de réfugiés est le plus important. Les causes sont évidentes et les coupables également.

AU : Pensez-vous qu’Angela Merkel, avec sa politique prétendument généreuse,nuit à la Syrie en la dépossédant de ses forces vives?

Kateřina Konečná : J’estime que c’est très vraisemblable. C’est pourquoi je préférerais, personnellement, que les Syriens se trouvent dans des camps de réfugiés dirigés par l’ONU en Turquie, d’où ils pourraient retourner au plus vite dans leur pays dévasté et commencer à le reconstruire. Il ne peut pas y avoir de vide à la place de la Syrie. Les Syriens peuvent, il est vrai, envoyer de l’argent dans leur pays depuis l’Allemagne, mais le plus important est de reconstruire le pays et qu’il se relève de ses cendres.

AU : Les autres partis politiques de gauche, en Europe de l’Ouest, sont plus libéraux que votre parti concernant la politique migratoire. Comment l’expliquez-vous?

Kateřina Konečná : Je crois que les pays de l’est ont tendance à penser avant tout aux leurs (nous pouvons dire également aux Européens), tandis que les autres partis européens  de gauche ont plutôt de fortes inclinaisons vers l’internationalisme. Je ne vois pas cela forcément comme une si mauvaise chose, mais notre position est simplement différente. Nous ne sommes tout bonnement pas capables de dissimuler le fait que le travailleur tchèque nous est plus proche.

AU : Ne pensez-vous pas que les classes populaires puissent être en décalage avec les députés européens du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, qui vivent, pour le moins, en dehors de certaines réalités?

Kateřina Konečná : L’idée centrale du groupe GUE/NGL est qu’un autre monde est possible. A savoir que nous ne devrions pas être liés à ce que l’establishment présente comme la norme, que nous devons essayer de trouver un chemin en faveur d’une Europe plus sociale qui n’est pas contrôlée par les banques et les multinationales. Est-ce que cela se situe en dehors de la réalité? Peut-être, mais nous sommes toutefois convaincus (ou plutôt savons) que nous travaillons en faveur de la population dans son ensemble et pas pour 1% de ceux qu’on nomme les nantis.

AU : Si la Tchécoslovaquie n’avait pas vécu sous le communisme pendant 41 ans pensez-vous que la République tchèque actuelle aurait un visage totalement différent? Elle ressemblerait par exemple à la Suède, la France ou la Belgique qui abritent des ghettos d’immigrés qui posent problème.

Kateřina Konečná : Je pense que ce problème n’a rien à voir avec le système étatique du passé. Il s’agit ici d’un problème d’intégration. Prenons l’exemple de la France et de la Belgique. Ce sont d’anciennes puissances coloniales (la France tout particulièrement) qui ont, dans la deuxième moitié du vingtième siècle, souvent fait appel à des travailleurs d’anciennes colonies et qui se sont révélées totalement incapables d’intégrer ces personnes. Ils se sont comportés avec dédain et avec mépris et les ont eux-mêmes progressivement  poussé vers ces ghettos. Du moment que vous naissez dans un ghetto, vous n’avez qu’une possibilité insignifiante d’en sortir. Les nations francophones essaient de faire des étrangers des citoyens à part entière, à savoir qu’ils rejettent complètement leur propre culture, mais, d’un autre côté, ils refusent de les considérer comme Français (surtout s’ils viennent d’Afrique ou du Moyen-Orient, etc)-et cela crée une nouvelle spirale qui finira peut-être par des attentats terroristes.

Propos recueillis et traduits du tchèque par Alimuddin Usmani.
Publié originalement sur La Pravda.