Par Olivier Bault.
Le pape François a décollé de l’aéroport de Cracovie-Balice dimanche soir après une édition 2016 des Journées Mondiales de la Jeunesse très réussie. Mis à part les propos extrêmement naïfs tenus à propos de l’islam par l’évêque de Rome à 10 km d’altitude, dans une de ces conférences de presses en altitude auxquelles il semble vouer une prédilection néfaste, la première constatation est qu’il n’a pas répondu aux attentes des médias gaucho-libertaires. Ceux-ci espéraient un rappel à l’ordre à cette Pologne catholique qui refuse d’accueillir les immigrants musulmans arrivés illégalement d’Afrique et du Moyen-Orient. Cela n’a pas été le cas, la seule mise en accusation ayant été le fait de l’auteur des réflexions pour le Chemin de Croix de vendredi, dans le grand pré Bło nia Krakowskie proche du vieux centre de Cracovie, pour la première station. Mgr Grzegorz Ryś, qui a écrit le texte, est d’ailleurs membre de la rédaction de l’hebdomadaire catholique tendance gauche progressiste Tygodnik Powszechny et son reproche aux pays qui ferment leurs frontières aux réfugiés et aux immigrants économiques n’est donc pas surprenant. Cela montre d’ailleurs que la diversité des points de vue existe aussi au sein de l’Église polonaise. Le pape François, lui, a beaucoup parlé dans ses très belles homélies à l’adresse des Polonais rassemblés à Częstochowa jeudi, pour une messe à l’occasion des 1050 ans du baptême de la Pologne, et aussi à l’adresse des 1,5 à 2,5 millions de jeunes (selon les estimations des uns et des autres) rassemblés pour la veillée de prière du samedi et pour la messe d’envoi du dimanche matin, de la nécessité pour témoigner de sa foi de porter son regard sur les plus faibles et les plus démunis. Exhortant les jeunes venus de tous les continents à ne pas succomber aux multiples tentations de la société de consommation, il les a encouragés à renoncer à l’excès de confort procuré par la vie moderne, à se lever de leur canapé et à faire confiance à la miséricorde divine pour aller vers le Christ malgré les faiblesses de chacun et la pression de l’entourage.
Côté ambiance, j’étais moi-même à Cracovie vendredi et samedi et je peux témoigner, comme mes amis qui y étaient depuis mardi, de l’atmosphère joyeusement bruyante et festive de cette multitude de jeunes. Des jeunes fiers d’arborer leurs couleurs nationales et s’affrontant à grand renfort de chants souvent religieux. Des jeunes qui osent affirmer leur identité tout en aimant rencontrer d’autres personnes parlant d’autres langues et imprégnées d’autres cultures. Une foule impressionnante par sa densité, sa diversité et son comportement. Pas de disputes ni de rixes, pas de vitres cassées, de voitures rayées ni même de déchets par terre. Un multiculturalisme de personnes qui se respectent et qui ont en commun d’être tournées vers le Christ. Le multiculturalisme de l’Église universelle, en fait. Les jeunes venus des différentes nations de la terre s’interpellaient et se saluaient, se posaient des questions, se prenaient en photo ensemble et faisaient la fête. Une jeunesse magnifique aimant la vie, à l’opposé de la jeunesse haineuse et violente des banlieues islamisées d’Europe occidentale. Pas de « racailles » à Cracovie, et donc un sentiment de quasi-totale sécurité.
Il est vrai que les Polonais n’avaient pas lésiné sur les moyens pour prévenir tout incident et surtout tout attentat islamiste. Les forces de polices étaient présentes en grand nombre et très bien organisées, secondées par des gendarmes et des hélicoptères de l’armée qui observaient les lieux de rassemblement depuis le ciel. Mais les policiers polonais n’ayant pas eu à subir des mois d’agressions de militants d’extrême gauche, de voyous en tout genre et de musulmans islamistes, ils étaient à la fois vigilants et détendus, fermes et aimables, souvent même souriants, et leur présence se fondait dans la foule chrétienne. Les Français, très nombreux à en croire les drapeaux brandis au-dessus des têtes, mais aussi les Italiens, probablement encore plus nombreux, les Espagnols, plus bruyants, et les Britanniques, Allemands, Belges, Hollandais, etc. auront probablement remarqué le contraste avec leur propre pays : les pays d’Europe centrale situés à l’est de l’ancien rideau de fer, comme la Pologne, sont des pays où l’État fait respecter l’ordre démocratique et où l’écrasante majorité des citoyens se comportent de manière civilisée, et c’est aussi pourquoi on s’y sent mieux et plus libres.
La semaine des Journées Mondiales de la Jeunesse avait été précédée d’une semaine d’accueil des pèlerins dans les paroisses polonaises. Des milliers de jeunes et moins jeunes logés dans les familles catholiques ont pu faire l’expérience de l’hospitalité au pays de Jean-Paul II, l’instigateur de ces JMJ. « Gość w domu, Bóg w domu », dit la sentence polonaise, ce qui veut dire « Un invité à la maison, c’est Dieu à la maison ». Et il est vrai qu’héberger ces catholiques venus d’ailleurs, c’était comme héberger Jésus Christ lui-même pour des chrétiens. C’était également le cas pour ma famille franco-polonaise car nous avons eu la joie d’avoir avec nous pendant une semaine deux prêtres coréens qui accompagnaient un groupe de jeunes de la communauté Kkottongnae. Personnellement, nous aurions aimé après cette rencontre que les prochaines JMJ se déroulent en Corée du Sud, mais c’est Panama qui a été choisi, à la grande joie des Panaméens présents au Campus Misericordiae (le Champ de la Miséricorde) de Brzegi, à une quinzaine de kilomètres de Cracovie, où s’étaient déroulées la veillée de prière et la messe d’envoi.
Le temps n’a pas toujours été au beau fixe durant ces Journées Mondiales de la Jeunesse, mais la joie était au rendez-vous y compris pendant les quelques moments de pluie intense. Chaque pèlerin avait d’ailleurs reçu à son arrivée un sac avec, entre autres choses utiles, un poncho pour la pluie. Fort heureusement, le ciel était clément pour la nuit du samedi au dimanche où la plupart des jeunes venus à Cracovie veillaient ou dormaient sur le Campus Misericordiae.