Par Mariann Őry. Entretien réalisé pour le quotidien hongrois conservateur Magyar Hírlap et paru le 29 janvier 2018.
Nigel Farage, l’ancien président du UKIP, s’est prononcé au Parlement européen contre les alliés de George Soros et défend systématiquement Viktor Orbán dans le cadre des « débats sur la Hongrie ». Le précurseur du Brexit a déclaré au quotidien hongrois Magyar Hírlap que dans son état actuel, l’Union européennes rabaissait ses membres au rang de simples provinces et que les grands États dominaient les petits dans tous les domaines.
Que pensez-vous de l’état actuel des négociations sur le Brexit ?
C’est très lent ; on manque de vision et de courage. Il semble extrêmement improbable qu’il en résulte le Brexit pour lequel les gens ont voté ; à cause d’un gouvernement faible, à cause d’un Establishment qui veut toujours faire partie de l’Union européenne, et d’un Premier ministre qui ne croit simplement pas à ce qu’elle fait. Avec un peu de chance nous quitterons l’Union en mars de l’année prochaine, mais il semble, au mieux, que nous n’aurons le Brexit que formellement à ce moment-là. Il y a donc encore de nombreuses batailles à mener.
L’accord que Theresa May peut négocier avec l’Union européenne ne servira donc pas les intérêts du peuple britannique ?
Ils ne donnent pas la priorité aux intérêts des pays, des entreprises et des ouvriers européens. Ils ne s’occupent que du « projet », – le nouveau dieu que tous sont supposés adorer. À leurs yeux, si la Grande-Bretagne se sépare de l’Union en bons termes, alors d’autres pays voudront en faire de même. Je dis qu’il vaut mieux ne pas avoir d’accord qu’un mauvais accord. L’idée qu’on ne pourrait pas faire de commerce sans accord est une ineptie ! La Chine et les États-Unis ont une activité commerciale non négligeable avec le monde entier sans aucun accord mais selon les règles plutôt bonnes de l’OMC. Est-ce que je préfère que nous ayons un accord commercial ? Bien sûr, parce que cela simplifie la vie de tout le monde. C’est encore plus logique pour l’Union que pour nous. Du reste, le thème du référendum n’était pas les prévisions économiques mais d’être une nation indépendante.
Bruxelles en a-t-elle tiré les leçons ?
Oui, l’Union a décidé d’accélérer l’intégration. Elle en a tiré une conclusion des plus mauvaises. Merkel, Macron, Juncker ou Verhofstadt – ils disent tous la même chose. Ils veulent les États Unis d’Europe, une Europe unitaire, et même pas une Europe fédérale. Dans une Europe fédérale, la Hongrie pourrait décider la plupart de ses lois et avoir le libre choix de différents éléments de sa politique fiscale. Michel Barnier, le responsable des négociateurs européens, m’a dit : « Ce n’est pas une Europe fédérale, c’est une Europe unifiée ». J’appelle cela une Europe unitaire et centralisée. Et d’une certaine manière, il s’agit uniquement d’une version un peu plus droitière du communisme. La doctrine Brejnev de souveraineté limitée après le Printemps de Prague, c’est l’Europe d’aujourd’hui. On peut débattre pour savoir si c’est une bonne chose ou une mauvaise chose. Mais de grâce, ne me dites ni que cela n’a pas lieu, ni que vous pouvez le changer – vous ne le pouvez pas ! Mais vous pouvez vous dresser contre cela. D’une certaine manière, c’est ce que fait M. Orbán, ce que font les Polonais, et ce que font les Roumains. Mais l’Union ne cédera pas d’un pouce. Il sont plus grands que vous, et ils sont plus forts que vous. Je pense qu’un jour ou l’autre, le débat que vous menez au sujet de votre avenir, va commencer à ressembler au nôtre. C’est un fait : vous ne pouvez pas être une nation à la fois autonome, indépendante et démocratique et être en même temps membre de cette Union européenne.
Le système de vote actuel en effet ne favorise pas les petits pays.
C’est un désastre pour les petits pays. Le système américain a été conçu pour faire en sorte que les grands États ne puissent pas dominer les petits États – à la différence de l’Europe. Deux ou trois grands pays avec quelques alliés sont en mesure de faire ce qu’ils veulent. Voilà l’enjeu de la militarisation complète de l’Union européenne, qui se place en conflit direct avec l’OTAN. Supposons qu’un jour, je ne dis pas qu’il en sera ainsi, mais supposons que la Russie redevienne une menace. En qui placeriez-vous le plus votre confiance ? M. Juncker et l’armée européenne, ou les Britanniques, les Américains et l’OTAN ? Ce sont là de grandes, très grandes et fondamentales questions pour l’avenir. Je ne pense pas que la Hongrie ait déjà commencé à mener ce genre de débats, mais je pense qu’elle le fera.
Pour en revenir aux États-Unis d’Europe, quelle est votre opinion concernant la possibilité – plutôt absurde au regard de leur résultat aux élections – de ce que le parti de Martin Schulz se retrouve probablement à nouveau au gouvernement ?
J’ai vu récemment un sondage qui suggérait que ce parti socialiste, le SPD, se trouvait actuellement en dessous de 17% tandis que l’AfD, malgré ses problèmes, avait atteint les 13%. Il va donc se produire de grands changements qui vont balayer les partis socio-démocrates traditionnels dans toute l’Europe. C’est pourquoi Macron a dû inventer quelque chose de nouveau. Schulz et Merkel sont en grande difficulté, car l’AfD a complètement changé les rapports de force , et cela participe de ce qui se passe de partout. Il y a des gens qui disent qu’en 2016, le Brexit et Trump étaient une aberration à court terme, un accès de colère de courte durée de gens faiblement instruits, mais qu’ensuite avec la victoire du gentil M. Macron tout est rentré dans l’ordre. La réalité, en vérité, c’est qu’à travers toute l’Europe, l’opposition à ce concept d’État unitaire est en train de grandir. C’est ce dont il s’agissait avec le Brexit et avec Trump : l’État Nation était au cœur de ces deux prétendus grands chocs mondiaux. L’État Nation fonctionne parce que c’est l’entité à laquelle nous nous sentons appartenir, pour laquelle nous avons de la loyauté. Et au final, c’est l’entité pour laquelle nous sommes prêts à nous battre, que nous sommes prêts à défendre.
Nous avons tout de même besoin d’une certaine forme de coopération en Europe, non ?
Nous sommes des voisins. Oui, l’Europe a besoin d’une structure de coopération, de règles commerciales de bon sens et nous pourrions nous mettre d’accord sur quelques standards fondamentaux minimums communs. Mais tout cela peut être fait au moyen du Conseil de l’Europe. L’Union européenne est un projet qui se prétend coopératif, mais qui est en réalité assimilateur. Le pouvoir de décision est donné à des bureaucrates non élus basés au niveau central.
Vu de Hongrie, nous avons l’impression qu’à Bruxelles, ils ne sont tout simplement pas disposés à parler avec le gouvernement hongrois lorsqu’il s’agit de questions de souveraineté.
Tous les cinq ans, Viktor Orbán vient au Parlement européen. Tous sont alors impolis avec lui. Je prends la parole et je dis : « Vraiment, vous ne devriez pas être là, vous ne devriez pas vous laisser insulter par eux. Non, ils ne sont pas intéressés par ce que vous avez à dire. Ils sont en train de construire les États-Unis d’Europe et rien ne peut les arrêter. C’est comme une religion. Les membres de l’Union européenne ont capitulé face à une cour suprême ; ils ont renoncé à leur capacité législative – et sont devenus des provinces ».
L’Union européenne n’a pas été capable de traiter la crise migratoire. Quel rôle cela a-t-il joué dans le vote sur le Brexit ?
Oh, ils l’ont très bien traitée. Ils ont fait exactement ce qu’ils concevaient de faire. M. Juncker, en avril 2015, a lancé une politique européenne très simple en matière de réfugiés : quiconque parvient à mettre le pied sur le sol européen pourra rester. Dans mes discours, je disais : « C’est de la folie ! Cela fera venir plusieurs millions de gens, et parmi eux, il y aura des terroristes ». C’est la conséquence directe de la mauvaise politique de Juncker et, dans une mesure plus importante encore, de Merkel, qui ont fait un choix très différent du nôtre. Nous, nous avons dit : « Nous ne voulons pas de cela ! »
Pensez-vous que la politique migratoire préconisée par les États du Groupe de Visegrád (Tchéquie, Hongrie, Pologne et Slovaquie) soit plus proche de ce que veut la majorité des Européens ?
Sans aucun doute, et la majorité des gens en Allemagne et en France diraient la même chose. Vous êtes en train d’obtenir quelques petites victoires. Ils commencent à évoluer un petit peu. Tusk commence à réaliser également que la politique actuelle est grotesque, mais ne vous réjouissez pas trop vite !
Jusqu’où pensez-vous que Bruxelles puisse aller dans la procédure contre la Pologne ?
C’est une bonne question parce que nous nous trouvons là en terrain inconnu. On n’a encore jamais été dans cette situation. L’Union européenne n’a pas encore beaucoup de précédents en matière de revers, parce qu’elle a pratiquement toujours gagné.
La Roumanie se trouve aussi sur l’agenda de Bruxelles, mais lorsque récemment leur ancien Premier ministre a menacé de faire pendre des représentants de la minorité sicule, Bruxelles s’est tue.
Oui, ils choisissent eux-mêmes ce qui est une question intérieure et ce qui ne l’est pas. En Catalogne, quand on a tiré des femmes par les cheveux pour essayer de les empêcher de voter lors d’un référendum, c’était pour eux une question intérieure. Bruxelles est vraiment très hypocrite.
En Hongrie, nous connaissons très bien cela, parce que quoique dise notre Premier ministre, c’est important pour Bruxelles et ils se donnent le droit de critiquer.
Oui, absolument. Mais je veux dire que sur la Catalogne, c’est extraordinaire. « Une question purement intérieure. Il n’a été fait usage que de la force nécessaire ». Voilà leur ligne. La Catalogne leur pose un énorme problème, parce que non seulement la Catalogne veut se séparer de l’Espagne, mais elle veut aussi se séparer de l’Union européenne. Ces gens sont séparatistes à tout point de vue. C’est ce qui rend cela si fascinant. C’est vraiment très, très intéressant.
Votre discours au sujet de George Soros au Parlement européen a eu beaucoup d’écho en Hongrie.
Le traitement que j’ai subi en Amérique est incroyable. Je serais désormais un antisémite parce que j’ai critiqué M. Soros. On m’a traité de tout au cours des vingt dernières années, mais ça, on ne l’avait jamais dit, jusqu’à ce que j’attaque M. Soros. Je m’inquiète au sujet de M. Soros, parce que son Open Society a déjà injecté 15 milliards de dollars et s’apprête à y rajouter 18 autres. Dans le monde de la politique, on a jamais vu un groupe de pression disposant d’une telle masse d’argent. Ils ont plus d’argent que la plupart des gouvernements. Pour ce que j’en vois, M. Soros veut détruire les États nationaux, il veut détruire la cellule familiale, il veut détruire toutes les normes de la société occidentale. Je pense que c’est une chose très dangereuse. Je sais que quiconque serait sur son passage passera un mauvais quart d’heure. Il s’est engagé dans une bataille à mort contre votre Premier ministre dans votre pays. Je ne crois pas que la plupart des gens comprennent vraiment l’étendue de l’organisation de cet homme, et tout l’argent qu’il y a derrière elle. C’est une énorme guerre de propagande qui est en train de se dérouler. J’ai montré qu’il avait 226 de ses amis au sein du Parlement européen. Je leur ai donc écrit à tous pour leur demander de déclarer quel était le niveau de leur engagement au sein de cette Open Society. Je n’ai pas eu une seule réponse. M. Soros constitue un réel problème, pas seulement pour la Hongrie. George Soros est l’ennemi majeur de l’État Nation et de la culture judéo-chrétienne.