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Modeste Schwartz : « Mon expulsion, un bon exemple de la re-transformation de la Roumanie en État policier »

Temps de lecture : 11 minutes

Hongrie – Entretien à distance avec Modeste Schwartz, diplômé de l’ENS-Ulm, linguiste, traducteur, auteur, publiciste et auteur sur le Visegrád Post et ailleurs  : « Mon expulsion, un bon exemple de la re-transformation de la Roumanie en État policier ».

Fin octobre, revenant de l’Ouest en avion, Modeste Schwartz s’est vu notifier lors de son arrivée à Cluj-Napoca en Roumanie – une ville où il a vécu la plupart du temps durant les quinze dernières années – une interdiction de territoire de cinq ans. Raison ? Secret d’État. Connu par nos lecteurs, le bohème et trublion de la rédaction du Visegrád Post a répondu aux questions du rédacteur-en-chef Ferenc Almássy.


Ferenc Almássy : Cet entretien est un peu particulier. Tout d’abord parce que nous nous connaissons bien ; nos lecteurs aussi te connaissent déjà, mais sous ton nom de plume : Modeste Schwartz. Et puis, c’est un entretien particulier car tu viens de te faire bannir de Roumanie… Peux-tu résumer en quelques mots « l’affaire Weiss » ?

Modeste Schwartz : J’ai eu, la semaine dernière, le triste privilège de faire les gros titres de la presse roumaine (y compris la presse de la minorité hongroise de Transylvanie, dont je suis affectivement proche de par ma vie privée) et hongroise, du fait de la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire roumain pour une durée de cinq ans qui m’a été signifiée le 24 octobre dernier à l’aéroport de Cluj/Kolozsvár par la police roumaine des frontières.

Les « faits » qui me sont reprochés sont certes – fort opportunément – classés « sécurité nationale » (un bon moyen de dissimuler la fragilité de preuves fabriquées et de témoignages douteux – méthodes auxquelles l’État profond roumain a souvent recours), mais les articles de loi cités dans la décision d’interdiction (en date du 13 septembre 2018) laissent peu de doutes quant à la nature des prétextes qui ont été choisis pour justifier en surface cet abus caractérisé : il est notamment question de mise en danger du « caractère unitaire » de l’État roumain – allusion transparente à un reproche sous-jacent d’activités « irrédentistes ».

Du point de vue du droit administratif, le modus operandi adopté ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à celui du cas Attila Dabis – nationaliste hongrois interdit de territoire en mars dernier. Rappelons ici que l’épouvantail de l’irrédentisme hongrois est la stratégie d’autolégitimation favorite de l’État profond roumain depuis qu’il est confronté aux problèmes que posent à ce genre de structures une presse formellement libre et un régime formellement démocratique. Dissoute lors de la chute du régime communiste, la Securitate de stat, de triste mémoire, – qui n’a probablement pas cessé un seul instant de fonctionner – a obtenu sa ré-officialisation (sous de nouveaux noms) au début des années 1990 suite aux émeutes interethniques de Târgu-Mureș / Marosvásárhely (un début d’épuration ethnique des Hongrois de cette ville sicule, que d’aucuns accusent ladite Securitate d’avoir provoqué en sous-main). Depuis lors, la plupart des (nombreuses) violations de l’ordre protocolaire européen dont se rend coupable la Roumanie (au milieu d’un lourd silence de la presse occidentale) ont pour victime des officiels hongrois de rangs divers, allant jusqu’au chef de l’État.

Ferenc Almássy : Tu sembles affirmer que les raisons (semi-)officielles de la décision ne seraient pas les motifs réels. Quels sont dans ce cas pour toi les motifs réels de ton expulsion ?

Modeste Schwartz : De toute évidence, l’État profond roumain a décidé de réagir de façon brutale à mon activité journalistique des deux dernières années, au cours desquelles – avant tout dans les colonnes du Visegrád Post – j’ai dénoncé un certain nombre de ses ingérences anti-démocratiques dans la vie politique nationale, tout en jetant une lumière crue sur l’influence de réseaux transnationaux (avant tout euro-mondialistes, comme l’Open Society) qui orientent et couvrent à l’international ces ingérences. Remarquons au passage qu’en dépit de mon implantation géographique (à Cluj/Kolozsvár), la Transylvanie faisait rarement l’objet de mes éditoriaux, qui au contraire révélaient souvent les relations de complicité objective existant entre certains milieux libéraux hongrois de Transylvanie et l’État profond roumain – ce qui rend encore plus curieuse l’accusation de « propagande hongroise » implicitement contenue dans le texte de la décision.

Ferenc Almássy : On a bien compris que tu n’es pas ce que certains roumains t’accusent à demi-mots d’être. Mais cela nous oblige tout de même à te poser la question : quelle est ta position sur la Transylvanie ?

Modeste Schwartz : Historiquement, aucune. Or pour moi, toute cette affaire relève avant tout de l’histoire. Je ne milite pas davantage pour ou contre le Traité de Trianon que pour ou contre l’Édit de Nantes, parce que j’estime que cela n’a pas de sens. Politiquement, il faut bien voir avant tout que, de nos jours, la population magyarophone représente (au grand maximum) 20% de la population transylvaine, le reste étant presque intégralement constitué de roumains. Dans ces conditions, on ne voit pas très bien comment les Hongrois de Transylvanie pourraient remettre en cause l’ordre constitutionnel et territorial roumain. Il existe certes un séparatisme roumain en Transylvanie, dont le principal inspirateur est le roumain Sabin Gherman, un journaliste visiblement chargé par certaines sphères d’intérêt ouest-européennes de faire peser sur Bucarest la menace d’une partition (un peu sur le modèle de l’Écosse) dans le cas où la classe politique roumaine se laisserait tenter par le souverainisme. Rien n’indique qu’il jouirait d’un fort soutien populaire roumain-transylvain, et la plupart des Hongrois (fidèles à leur parti ethnique RMDSZ/UDMR, aujourd’hui allié au FIDESZ de Hongrie) se tiennent aussi à l’écart de sa rhétorique démagogue.

En revanche, il existe, à l’Est de la Transylvanie, une région de deux départements et demi (le Pays Sicule), massivement peuplée de magyarophones, pour la plupart de l’ethnie sicule. En dépit du matraquage médiatique organisé dans ce sens par les agents de presse de l’Etat profond roumain, demander l’autonomie de cette région au sein de l’Etat roumain ne relève pas en soi du séparatisme, et n’implique pas nécessairement une vision révisionniste de la question transylvaine. Cette petite sous-région se trouvant au centre géographique de la Roumanie, aux points de la Transylvanie les plus éloignés de la frontière hongroise, on voit mal aussi comment son autonomie pourrait « naturellement » dégénérer en un rattachement à la Hongrie. Pour ma part, sans déployer d’activité militante en ce sens, j’estime à titre personnel que cette volonté sicule d’autonomie est justifiée par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Je considère en effet – avec Alain de Benoist – qu’on ne peut pas être simultanément traditionnaliste et jacobin – contradiction très fréquente chez les nationalistes roumains, qui, pour beaucoup, pensent perpétuer une quête d’unité millénaire au moment où ils régurgitent simplement les slogans chauvins de l’époque Ceaușescu.

Ferenc Almássy : Revenons à ton expulsion et interdiction de territoire. Qu’est-ce qui distingue ce cas d’autres affaires similaires de ces dernières années en Roumanie ? En quoi serait-il particulier, ou remarquable ?

Modeste Schwartz : La plupart des mesures d’interdiction frappant des Hongrois ont jusqu’ici concerné des activistes et politiciens de l’extrême-droite hongroise dont le discours inclut effectivement la remise en cause du bien-fondé des traités de paix ayant mis fin à la Première Guerre mondiale, et notamment du célèbre Traité de Trianon, qui a amputé le Royaume de Hongrie des deux tiers de son territoire. Même dans leur cas, à vrai dire, ces mesures d’exception reposent sur une interprétation lato sensu, probablement tendancieuse, du droit roumain, qui rend certes punissable tout « plan » visant à remettre en cause l’intégrité territoriale du pays – mais même en roumain, l’extension de la notion de « plan » à celle d’opinion n’a rien d’évident. Seulement cette fois, en frappant un journaliste français qui n’a jamais adopté aucune position révisionniste (ni pro, ni contra) et qui n’appartient à aucune organisation irrédentiste hongroise, la clique aux commandes de l’État profond roumain a nettement pris le risque d’un saut qualitatif dans la trajectoire qui, depuis plusieurs années, éloigne à vue d’œil ce pays des normes européennes de légalité et de liberté d’expression.

Ferenc Almássy : Tes éditoriaux publiés sur le Visegrád Post ces derniers mois semblaient, dans l’ensemble, favorables au gouvernement de la majorité parlementaire actuellement au pouvoir. On peut donc s’étonner d’une telle décision, qui relève en principe du pouvoir exécutif. Quelle est ta lecture des responsabilités respectives de ce que tu appelles « l’État profond » et du gouvernement roumain dans ton affaire ?

Modeste Schwartz : Au moment du déclenchement de ce qu’il faut bien désormais appeler « l’affaire Weiss », le gouvernement de Viorica Dăncilă venait tout juste de se dépêtrer, au prix d’un énième remaniement, d’un autre scandale qui, lui aussi – comme par hasard – compromettait la coexistence pacifique des ethnies du pays : en rendant brusquement obligatoire, pour l’enseignement du roumain dans les écoles du pays (y compris les écoles primaires, sans excepter celles de la minorité hongroise), un niveau de formation en philologie roumaine atteint par peu d’enseignants issus de la minorité hongroise, l’ordonnance incriminée obligeait au remplacement au pied levé de pédagogues hongrois expérimentés, capables d’accueillir les enfants dans leur langue maternelle, par des débutants d’ethnie roumaine, ne parlant pour la plupart que le roumain.

L’affaire faisait écho à de nombreux incidents similaires (concernant la conception des manuels scolaires, etc.), dont le dénominateur commun est le refus d’admettre que, pour les membres de la minorité hongroise, le roumain est techniquement une langue étrangère – plus importante que d’autres, certes, du fait de son statut officiel, mais sans que cette différence n’affecte en profondeur les exigences pédagogiques afférentes. Ce déni d’évidence a pu, dans certains cas, reposer sur la stupidité ou l’ignorance – mais il est, dans l’ensemble, trop fréquent pour ne pas traduire aussi une mauvaise volonté politiquement motivée. Mais qu’entend-on, au juste, par « motivation politique » ? En l’occurrence (dans le cas de l’ordonnance sur la formation des maîtres), il ne pouvait en aucun cas s’agir d’une orientation gouvernementale : bien qu’il ne soit pas entré au gouvernement, le parti de la minorité hongroise (UDMR/RMDSZ) est depuis des mois un allié externe de la coalition au pouvoir, et pourrait même devenir le gilet de sauvetage de Liviu Dragnea, dans le cas où son partenaire de gouvernement actuel (le petit parti ALDE, idéologiquement instable et trop sensible à diverses influences en provenance du monde des affaires) venait à lui faire défaut. L’adoption de l’ordonnance en question constituait donc, de toute évidence, une manœuvre de sabotage, dont les auteurs au sein du Ministère de l’Éducation (voire leur ministre lui-même) pourraient bien être des agents infiltrés de l’État profond. Dans ce cas, la réaction gouvernementale, consécutive à une levée de bouclier massive de l’UDMR/RMDSZ, ne s’est pas fait attendre : révocation de l’ordonnance, démission du ministre.

Ferenc Almássy : Une telle réaction serait-elle possible/réalisable dans le « cas Weiss » ?

Modeste Schwartz : Probablement pas. En effet, ce cas hors-normes illustre un autre aspect fort inquiétant du pouvoir presque illimité d’un État profond incontrôlé sur les instances démocratiquement élues du pouvoir roumain : en classant « sécurité nationale » les « faits » qui me sont reprochés, les auteurs de cet abus de pouvoir lient aussi, dans une large mesure, les mains du gouvernement. On imagine facilement qu’aucun membre du PSD – parlementaire ou ministre – ne prendrait le risque de se prononcer sans vérifier au préalable le bien-fondé de ces accusations. Or comment vérifier la solidité d’un dossier qui a de fortes chances (s’il n’est pas complètement vide) de reposer sur des preuves fabriquées et des témoignages achetés ou extorqués ? En pratique, une telle démarche implique l’organisation d’une contre-enquête, avec des moyens et des compétences spécifiques relevant du contre-espionnage. En d’autres termes : dans ce genre d’affaire, l’État profond roumain est juge et partie, et les instances démocratiquement élues, terrorisées par son « chantage au patriotisme », assistent impuissantes à la mise en place d’un état policier de facture sud-américaine.

Malheureusement, la capacité de la classe politique roumaine (ou du moins, de ses secteurs les moins inféodés) à résister à un tel chantage est aussi limitée par des précédents historiques assez défavorables. Largement favorisée au XIXe siècle par la diplomatie secrète des Habsbourg, l’émergence du nationalisme roumain en Transylvanie austro-hongroise s’est faite contre la nation hongroise, désignée (au prix d’un certain révisionnisme historique) comme l’ennemi héréditaire. Les premiers pas de la Roumanie démocratique de l’après-1989 ont confirmé cette tendance dangereuse : adoption – pour remplacer les hymnes communistes – d’un hymne national dont le texte contient des éléments magyarophobes, et choix, pour la date de la fête nationale, du 1er décembre, qui commémore l’annexion de la Transylvanie au jeune État roumain au moment de la dissolution de l’Empire austro-hongrois. Tendance exacerbée par les commémorations, en cours, du centenaire de la « réunification de la nation » – une série de festivités dont personne – dans cet État le plus pauvre de l’Union – n’ose critiquer le très gros budget, et qui semble inclure mon bannissement (le logo des festivités du centenaire apparaissant dans l’en-tête de la décision d’interdiction d’entrée qui m’a été notifiée le 24 octobre dans la zone de transit de l’aéroport de Cluj). Cette même année a vu l’élection, à la tête de l’Académie roumaine, de l’historien Ion Aurel Pop, recteur de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj – université créée par le régime communiste après-guerre, par l’annexion forcée de la vieille et prestigieuse université hongroise Bolyai à la jeune université Babeș de la même ville (c’est cette même université qui invite de temps en temps le « philanthrope » américain Don Lothrop à tenir des causeries, au cours desquelles il explique aux étudiants roumains que – je cite – « Viktor Orbán veut vous reprendre la Transylvanie »). Ancien directeur de l’Institut Culturel Roumain de New-York, Ion Aurel Pop, dont la magyarophobie est notoire, a grandi à Brașov, dans une des zones les plus marquées par les politiques de roumanisation à marche forcée des villes transylvaines qui ont marqué le régime de Nicolas Ceaușescu.

Ferenc Almássy : Mais tous les événements que tu rappelles datent d’il y a un siècle ou plus – ou, pour les plus récents, des dernières décennies du régime communiste. Depuis, la Roumanie est notamment entrée dans l’UE– en 2007. Comment peuvent-ils continuer à influencer aussi décisivement la vie politique du pays en 2018 ?

Modeste Schwartz : Pour un observateur externe, en effet, le caractère de paranoïa aggravée qui marque – surtout du côté roumain – les rapports magyaro-roumains au cours des cent dernières années est éberluant : l’idée même que la Hongrie – militairement le plus faible des États de la région – pourrait sérieusement vouloir arracher à la Roumanie – deuxième armée de l’OTAN en Europe post-communiste – et réannexer la Transylvanie (dont le territoire est plus grand que le sien, et la population, majoritairement roumaine, est à peine inférieure) a tout d’une mauvaise plaisanterie. Dans la plupart des pays d’Europe, un mythe aussi éloigné du réel ne pourrait pas survivre, pas même au prix d’un matraquage médiatique aussi intensif que celui qu’organisent depuis des décennies les très nombreux agents de l’État profond roumain infiltrés (de l’aveu même dédits « services ») dans la presse roumaine. Pour comprendre l’efficacité de cette intoxication, il faut prendre en compte la mentalité générale des Roumains, qui tendent à se percevoir eux-mêmes – dans leur propre pays dont les frontières ont peu changé depuis un siècle, et où ils disposent d’une majorité ethnique d’au moins 80% – comme une minorité menacée. Cette bizarrerie est l’aveu d’une faiblesse réelle (celle du sentiment national moderne chez les Roumains), qui est aussi le revers d’une force réelle, laquelle a contribué par le passé à susciter mon intérêt et mon affection pour eux : leur caractère anthropologiquement traditionnel. A l’instar des peuples d’Afrique et d’Asie centrale, les Roumains ont une conscience collective avant tout familiale et religieuse : la famille étendue et l’orthodoxie (ou, depuis peu, les églises néo-protestantes qui tendent à la remplacer dans le Nord du pays) sont pour eux des réalités quotidiennes, bien plus prégnantes que le faible et récent État-nation roumain, construit de bric et de broc par imitation de modèles occidentaux mal digérés, et dont – à la faveur du saccage néolibéral de l’État qui a caractérisé l’ère Băsescu – l’implication dans le tissu social est l’une des plus superficielles d’Europe. En Roumanie, l’activité syndicale non-agréée par le patronat est un motif presque officiel de licenciement, et beaucoup de chômeurs de facto ne vont jamais s’inscrire sur les listes, le montant des allocations versées justifiant à peine le déplacement et le marathon bureaucratique qu’implique le moindre acte administratif dans ce pays : voilà la réalité que sont chargés d’occulter les grands discours patriotiques de Ion Aurel Pop, les fanfares xénophobes du Centenaire et – épisode-surprise de cette tragicomédie syldave – l’expulsion de l’« agent hongrois » Modeste Schwartz. L’accentuation hystérique du critère (au demeurant légitime) d’intégrité territoriale est à la mesure de l’absence de contenu étatique et de souveraineté réelle qui caractérise la forme-État « Roumanie », et en découle directement.

Ferenc Almássy : Quels seront d’après toi les conséquences politiques de ton bannissement, s’il y en a ?

Modeste Schwartz : Dans l’univers dématérialisé de la presse du XXIe siècle, il y a peu de chances que cette mesure vexatoire réussisse à me contraindre au silence. Mais après tout, en violant formellement la liberté de la presse, l’État profond bâillonne avant tout ses principales victimes : le contribuable roumain, qui va continuer à financer la plus chère des structures « de renseignement » (lire : de police politique) d’Europe, tout en travaillant souvent pour un salaire de misère au service d’entreprises détenues par le réseau économique immergé de ce même État profond ; et l’électeur roumain, qui va continuer, élections après élections, à se voir offrir un choix truqué entre diverses marionnettes de l’État profond, soumises à tous ses chantages depuis le tout début de leur carrière politique. Accessoirement, l’événement peut – à mon corps défendant – contribuer à pourrir les rapports entre Budapest et Bucarest, c’est-à-dire le rapprochement en cours entre le V4 et la Roumanie, à la faveur de l’affaiblissement de Bruxelles et d’une phobie de l’isolement diplomatique qui caractérise comme une tendance lourde le comportement international des élites roumaines. Ce sabotage constitue une priorité stratégique absolue de l’État profond roumain, et surtout de ses commanditaires euro-mondialistes de l’axe Bruxelles-Berlin. Après tout, n’est-ce pas Jean-Claude Juncker lui-même qui, ces jours-ci, a choisi d’entretenir l’hystérie du Centenaire en déclarant que « tout ce qui est roumain est aussi européen » ? Compte tenu de la légèreté avec laquelle l’eurocratie « adapte » ses propres règles de fonctionnement dans le cadre de ses campagnes punitives contre la Hongrie et la Pologne, on ne peut que lui donner raison : une rhétorique de l’État de droit cachant une délinquance institutionnelle, un territoire/marché sans réel contenu étatique et culturel, une vie politique construite sur l’intoxication et la manipulation – voilà autant de « valeurs » qui, à l’heure actuelle, sont aussi typiquement « roumaines » qu’« européennes ».