Union européenne – Un communiqué de presse publié le 30 septembre sur le site de la Commission européenne nous informait de la publication du « premier rapport à l’échelle de l’UE sur l’état de droit ». Un rapport qui « comprend les contributions de chaque État membre et passe en revue les développements tant positifs que négatifs observés dans l’ensemble de l’UE. » Eh oui ! À partir de cette année, les fonctionnaires non élus de la Commission européenne, qui ne sont pourtant pas des experts en droit, vont publier chaque année un rapport sur le respect de l’état de droit par les 27. Si le Parlement européen et la Commission, soutenus par certains pays comme la France et l’Allemagne, parviennent à leurs fins, ce rapport pourra donc servir à alimenter les décisions concernant la suspension du versement de fonds européens aux pays qui ne mettront pas en œuvre les recommandations de Bruxelles en matière d’« état de droit ». Suivez mon regard…
Une simple comparaison des chapitres concernant les différents pays suffit en effet pour percevoir le haut degré de subjectivité d’un rapport caractérisé par la règle du « deux poids, deux mesures ». Pour son édition 2020, la Commission s’est intéressée à l’équilibre des pouvoirs, à l’indépendance de la justice, aux instruments de lutte contre la corruption, et à la liberté et la diversité des médias. En matière d’indépendance de la justice, la Commission estime ainsi que celle-ci n’est pas assurée en Pologne depuis que les 15 juges membres du Conseil national de la magistrature (sur 25 membres en tout) y sont nommés par le parlement plutôt que par leurs pairs. Mêmes craintes de la Commission en ce qui concerne la Hongrie depuis qu’un office national de la magistrature avec un président nommé par le parlement a repris certains des pouvoirs jusqu’ici conférés au Conseil national de la magistrature dont les membres sont élus par les magistrats. En revanche, dans le chapitre consacré à l’Espagne, le fait que les membres du Conseil national du pouvoir judiciaire – qui est l’organe équivalent – soient nommés par le parlement ne pose aucun problème à la Commission. Dans un autre exemple de deux poids, deux mesures, la Pologne se voit reprocher la fusion des rôles de procureur général et de ministre de la Justice, tandis que la soumission du parquet au Garde des Sceaux en France ou le fait que le parquet en Allemagne soit sous le contrôle direct du pouvoir exécutif et que l’exécutif y nomme les juges des tribunaux ne posent aucun problème.
En ce qui concerne les médias, la Commission reproche à la Pologne et à la Hongrie leur manque de pluralisme médiatique, alors qu’elles font partie des rares pays de l’UE où grands médias conservateurs et progressistes cohabitent et se font une concurrence acharnée. La Commission estime en revanche que « la France dispose d’un cadre juridique et institutionnel bien établi pour soutenir le pluralisme des médias ». Les lecteurs de Présent, privé de subventions publiques sur la base de critères obscurs en 2019, apprécieront après avoir dû mettre une nouvelle fois la main à la poche pour sauver leur journal. Le CSA est totalement indépendant et apolitique et « la France possède une tradition de liberté d’expression et d’information, ainsi que de pluralisme et d’indépendance des médias », nous expliquait donc la Commission la semaine où le journaliste Éric Zemmour était condamné pour avoir critiqué l’islamisation de la France et le totalitarisme porté par l’islam et où la justice demandait à Alain Soral de verser 134 400 € à la LICRA pour la réédition d’un livre de 1892 dont certains passages étaient jugés antisémites. Certes, deux petites lignes du rapport de la Commission mentionnent le fait que, en France, « ces dernières années ont été marquées par une recrudescence des menaces en ligne et hors ligne à l’encontre de journalistes, y compris des agressions physiques », mais à part ça tout va très bien, Madame la Marquise. Ce n’est pas comme en Pologne ou en Hongrie, n’est-ce pas ?
Article originellement publié dans Présent, en français.