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En Pologne, les féministes ne séduisent pas

Temps de lecture : 3 minutes

Pologne – Les Polonais sont en décalage avec les féministes à l’origine des manifestations pro-avortement. Le premier ministre polonais déclarait, à propos des manifestations « pro-choix » après le jugement du Tribunal constitutionnel qui a interdit les avortements motivés par un handicap de l’enfant à naître : « La liberté de choix est une question fondamentale. Mais nous conviendrons sans doute tous que pour jouir de la liberté de choix il faut vivre. Si la liberté de choix est un droit important, elle est limitée par le droit fondamental à la vie dont dépend notre possibilité de jouir de la liberté de choix. »

Qu’en pensent les Polonais alors que leur pays est secoué par les manifestations et autres types de protestation depuis le 22 octobre, date du jugement du Tribunal constitutionnel ?

Au sujet des manifestations conduites depuis ce jugement devant et à l’intérieur des églises dans tout le pays à propos de l’avortement, un sondage publié le 3 novembre montre que 72% des Polonais trouvent inadmissibles les manifestations pro-avortement dans les églises (dont 44% qui considèrent inadmissibles l’irruption de manifestants pendant les messes mais aussi les manifestations devant les églises, et 28% qui acceptent les manifestations devant les églises mais pas l’irruption de manifestants pendant les messes). 19% considèrent que ces manifestations sont quelque chose d’admissible. 9% des personnes interrogées n’ont pas d’avis sur la question.

En outre, alors que le PiS enregistre une forte baisse (d’environ 10 points) dans les sondages depuis la publication du jugement du Tribunal constitutionnel du 22 octobre, une étude d’opinion dévoile cette semaine le rapport des Polonais à l’avortement et à la décision de leur Tribunal constitutionnel.

On apprend ainsi que 87,7 % des Polonais et Polonaises interrogés soutiennent le droit d’avorter si la grossesse met en danger la vie de la femme enceinte contre 79% qui soutiennent ce droit si la grossesse fait courir un risque à la santé de la femme enceinte (dans les deux cas, l’avortement est autorisé en Pologne pendant toute la grossesse).

Si la grossesse est le fruit d’un viol, 82,1% des personnes interrogées souhaitent qu’il soit possible d’avorter contre 77% si c’est le fruit d’une relation incestueuse (dans ces deux cas aussi, l’avortement est également autorisé en Pologne, jusqu’à la 12e semaine de grossesse).

En ce qui concerne la clause de la loi invalidée le 22 octobre par le Tribunal constitutionnel polonais (comme on pouvait s’y attendre), si le diagnostic prénatal indique que l’enfant en gestation souffre d’un handicap ou d’une maladie grave et incurable, même compatible avec la vie comme la trisomie 21, 74,6% des Polonais estiment qu’on doit pouvoir avorter. 69,1% des personnes interrogées en Pologne estiment que l’avortement doit également être autorisé lorsque la vie de l’enfant à naître est menacée.

En revanche, si les Polonais sont favorables à ce qu’on appelle en France « interruption médicale de grossesse (IMG, autorisée jusqu’ici en Pologne jusqu’à la 24e semaine de grossesse, mais qui deviendra interdite avec la publication du jugement du Tribunal constitutionnel), ils sont massivement hostiles à l’IVG, interdite en Pologne depuis 1993. Moins d’un quart des personnes interrogées soutiennent un « droit à l’avortement » au motif que la mère de l’enfant est mineure (24,3%), que la femme enceinte ne veut pas avoir d’enfant (23,7%), que la femme enceinte a une situation personnelle difficile (23,3%) ou qu’elle éprouve des difficultés financières (21,6%).

Ces pourcentages sont sensiblement les mêmes pour les hommes et les femmes, ces dernières étant globalement un peu plus nombreuses que les hommes à soutenir un droit à l’IMG et un peu moins nombreuses que les hommes à soutenir un droit à l’IVG.

Par électorat, les électeurs de droite et du centre libéral (Konfederacja, PiS, PSL-Kukiz’15, Coalition civique – KO) sont favorables à l’IMG mais pas à l’IVG tandis que les électeurs de gauche (Lewica) sont favorables à l’IMG et partagés sur l’IVG.

Il existe donc un fort décalage entre les opinions d’une majorité de Polonais et les revendications (légalisation de l’avortement à la demande) ainsi que des méthodes (interruption des messes, profanations, vandalisme et manifestations vulgaires devant les églises – un mode d’action officiellement abandonné depuis vendredi dernier) de l’organisation féministe d’extrême gauche Strajk Kobiet (Grève des femmes) à l’origine des manifestations pro-avortement en Pologne. En outre, si les manifestations pro-avortement attirent effectivement beaucoup de monde (une centaine de milliers de personnes vendredi soir à Varsovie, 430 000 personnes dans toute la Pologne deux jours plus tôt), c’est à comparer aux 830 000 signatures recueillies par l’initiative citoyennes « Arrêtez l’avortement » à l’automne 2017, car cette initiative visait justement à interdire l’avortement pour cause de handicap ou maladie grave et incurable de l’enfant en gestation.