Pologne – Les chiffres de la production industrielle polonaise ont surpris les commentateurs cette semaine, avec une croissance de 11,2 % (en prix constants) par rapport à décembre 2019. Si l’on tient compte des facteurs saisonniers (comme du fait qu’il y avait un jour ouvré de plus en décembre 2020 par rapport à décembre 2019), la croissance industrielle s’établit à 7,1 % après 3,5 % en novembre, et après un mois d’octobre qui avait connu la plus forte production industrielle de l’histoire de la Pologne, en hausse de 3 % par rapport à la période juste avant le début de la pandémie.
Certes, tous les secteurs ne font pas aussi bien. Selon les données publiées par l’office polonais de la statistique (GUS), la production du secteur du BTP n’était en décembre que de 3,4 % supérieure à celle de décembre 2019, après une baisse de près de 5 % – d’une année sur l’autre – en novembre. En ce qui concerne le commerce de détail, en prix constants la baisse d’une année sur l’autre était encore de 0,8 % en décembre contre une baisse supérieure à 5 % en novembre.
Comme ses voisins européens, la Pologne a mis en œuvre depuis le printemps 2020 des restrictions pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Néanmoins, si le nombre de porteurs enregistrés y a été beaucoup plus élevé au quatrième trimestre qu’au deuxième, les restrictions ont été moins pesantes. Le chiffre du PIB pour 2020 n’est pas encore connu, mais les estimations tournent autour d’une récession entre -3% et -3,5% contre -4,6% prévus dans le budget modifié en cours d’année pour 2020. La Pologne devrait ainsi connaître la plus faible récession de toute l’UE.
Les centres commerciaux n’ont été fermés qu’après Noël, et les magasins situés en dehors des galeries marchandes ont pu fonctionner sans interruption en 2020. Le gouvernement Morawiecki a fermé les écoles pour plus longtemps que la plupart des autres pays européens (à partir d’octobre-novembre selon les classes, avec un retour des petites classes le 18 janvier seulement). Il a aussi a fermé très tôt clubs de fitness, piscines et autres salles de sport (avec des exemptions pour de nombreuses activités sportives pratiquées en club), avant d’interdire l’ouverture des remontées mécaniques à partir de la fin décembre alors que les séjours touristiques en hôtel avaient déjà été bannis et que les bars et restaurants ne peuvent plus servir de clients pour une consommation sur place depuis la fin octobre. En revanche, il n’y a jamais eu en Pologne, pas même au printemps, de fermeture obligatoire des commerces et services « non essentiels », de confinement à domicile avec attestations de sortie ni de couvre-feu.
Face à la contestation et malgré une mortalité associée à la pandémie de Covid-19 qui est en ce moment équivalente, voire légèrement supérieure, à celle observée en France, en Italie, ou en Espagne, le gouvernement polonais semble être en outre disposé à alléger un peu les restrictions et devrait faire des annonces en ce sens cette semaine. « Il y aura un certain allègement, mais rien de spectaculaire » selon des sources du cabinet du premier ministre citées dans les médias polonais. Les centres commerciaux, notamment, pourraient être autorisés à rouvrir à partir du 1er février.
Des conséquences sur le long terme
Il n’empêche que les conséquences négatives des restrictions pourraient encore se faire sentir pendant longtemps. Selon le Moniteur du marché du travail (Monitor Rynku Pracy) de l’agence de ressources humaines Randstad et de l’institut de sondages Pollster, 14 % des Polonais qui ont aujourd’hui un travail craignent de perdre leur emploi, ce qui est le chiffre le plus élevé depuis dix ans si l’on ne tient pas compte du deuxième trimestre 2020 où ce chiffre atteignaient 16 %. Mais selon les chiffres publiés le 21 janvier par le GUS, en décembre le nombre de personnes employées par le secteur des entreprises n’était que de 1 % inférieur à ce qu’il était un an plus tôt, avec un salaire moyen en hausse de 6,6 %, le meilleur chiffre depuis février 2019, juste avant le début de la pandémie.
La monnaie polonaise, le zloty, s’est affaiblie. Sa valeur oscillait entre 4,20 et 4,30 zlotys pour un euro avant la pandémie, contre 4,45-4,65 zlotys depuis mars. Les exportations en bénéficient et elles ont battu un record historique en novembre, franchissant pour la première fois la barre des 100 milliards de zlotys en un mois (en hausse de près de 10 % par rapport à novembre 2019). Pour toute l’année 2020, l’excédent de la balance commerciale polonaise est estimé à environ 55 milliards de zlotys, un nombre en très forte hausse qui aura contribué à atténuer la récession.
Toujours selon les données du GUS, le chômage en décembre 2020 était à 6,2 % contre 5,2 % en décembre 2019. Il s’agit du taux de chômage calculé selon la méthodologie polonaise, moins favorable que les chiffres harmonisés d’Eurostat. C’est ainsi que pour novembre 2020, le GUS parle de 6,1 % de chômeurs en Pologne tandis qu’Eurostat n’y voyait que 3,3 % de chômeurs pour une moyenne de l’UE à 7,5 %.
La Pologne a en revanche eu en 2020 la plus forte inflation de toute l’UE, à 3,4 % pour les prix au détail selon Eurostat, principalement à cause de la hausse des prix du secteur des services. Outre ce mauvais chiffre, malgré tout préférable à la déflation que connaissent certains pays, il y a bien sûr le creusement record de la dette publique : +12 % de janvier à novembre 2020, avec une dette publique qui s’établissait déjà à 56,7 % du PIB à la fin du troisième trimestre 2020 (chiffres Eurostat), contre plus de 97 % pour la zone euro. La Pologne gouvernée par un parti Droit et Justice (PiS), souvent qualifié de « populiste », conforte ainsi pendant la crise actuelle sa place parmi les économies les plus performantes de l’UE.