Slovaquie/Hongrie – La question de la minorité hongroise dans le sud de la Slovaquie continue d’envenimer les relations entre Budapest et Bratislava. La Hongrie – amputée des deux tiers de sa surface et d’un tiers de sa population en 1920, suite au traité de Trianon – a décidé en 2010 d’accorder la citoyenneté hongroise aux Hongrois ressortissants des territoires perdus, dont ceux de Haute-Hongrie (Felvidék), la Slovaquie actuelle. Les Hongrois constituent environ 10% de la population de la Slovaquie aujourd’hui.
La Slovaquie avait alors institué dans l’urgence que tout citoyen qui adopterait la citoyenneté d’un autre État perdrait automatiquement sa citoyenneté slovaque – une mesure qui en pratique n’a été appliquée qu’à ceux qui faisaient état de leur acquisition d’une autre citoyenneté. Or cela pénalise du même coup la diaspora slovaque, et c’est pourquoi le gouvernement slovaque envisage une modification de cette disposition. Par ailleurs, Árpád János Potápi, secrétaire d’État hongrois chargé des relations avec les communautés hongroises à l’étranger, a appelé dernièrement expressément les Hongrois de Slovaquie à bien veiller à déclarer leur appartenance ethnique lors du recensement, une démarche modérément appréciée à Bratislava.
« Il ne faut pas craindre la double citoyenneté »
C’est dans ce contexte que le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, s’est rendu ce mercredi 3 mars à Komárno (Révkomárom, la partie slovaque sur la rive nord du Danube de la ville de Komárom) où il s’est entretenu avec le maire hongrois de cette ville, Béla Keszegh, ainsi qu’avec György Gyimesi, député hongrois du parti gouvernemental slovaque OL’aNO au parlement slovaque. À cette occasion, M. Szijjártó a plaidé en faveur de la double citoyenneté pour les Hongrois de Slovaquie : « L’option de la double citoyenneté, semble-t-il pour le moment, n’est pas garantie en Slovaquie [or, il s’agit d’un] un instrument juridique qui existe dans toute l’Europe, une institution qu’il ne faut pas craindre […].
Nous aimerions discuter de cette question avec la Slovaquie, un partenaire stratégique de la Hongrie, de manière rationnelle et sur la base du respect mutuel, »
a déclaré le ministre hongrois avant de réitérer l’appel du secrétaire d’État Árpád János Potápi au sujet du recensement.
« Ce n’est pas une façon de construire nos relations de bon voisinage »
Par voie de conséquence, l’ambassadeur de Hongrie a été convoqué ce jeudi 4 mars au ministère slovaque des Affaires étrangères afin de donner des explications quant à la visite de son supérieur à Komárno (Révkomárom), tandis que le ministre slovaque des Affaires étrangères, Ivan Korčok (SaS), publiait, en hongrois, un communiqué sur Facebook dans lequel il rejetait catégoriquement la position hongroise : « Nous voulons cultiver des relations de bon voisinage avec la Hongrie, mais je ne leur permettrai pas de s’ingérer dans nos affaires intérieures. […] Péter Szijjártó, […] nous a demandé cette fin de semaine de discuter d’un amendement à la loi sur la citoyenneté. J’ai clairement rejeté cette proposition. […] Nous avions modifié la loi afin que nos citoyens, qui ont vécu à l’étranger pendant au moins 5 ans et y ont acquis la citoyenneté de l’État [où ils vivent], ne perdent pas la citoyenneté slovaque. Le problème s’est posé lorsque la Hongrie a adopté une loi en mai 2010 augmentant délibérément le nombre de ses citoyens vivant à l’étranger sur des bases ethniques. Par conséquent, le gouvernement de Robert Fico a par la suite amendé notre loi sur la citoyenneté, malheureusement de sorte que tous ceux qui ont acquis la citoyenneté d’un autre État ont perdu la [citoyenneté] slovaque. Cependant, nous ne voulons pas perdre nos citoyens, qui vivent à long terme ailleurs dans le monde. […] Apparemment, cela ne suffit pas pour la partie hongroise et le député György Gyimesi. [Or,] la loi sur la citoyenneté ne fait pas l’objet de nos relations bilatérales.
Le député György Gyimesi n’a aucun mandat pour de telles négociations. C’est le moment de souligner que la Slovaquie est un État souverain et que les membres de la minorité nationale hongroise sont nos citoyens.
[…] en tant que ministre des Affaires étrangères, je ne […] permettrai pas [que la Hongrie se mêle] de nos affaires intérieures […] Ce n’est pas une façon de construire nos relations de bon voisinage. »