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Viktor Orbán : « Aujourd’hui, il n’y a pas de démocratie libérale »

Temps de lecture : 4 minutes

Hongrie – Dans un entretien publié ce mercredi 5 mai par le site conservateur slovaque Denník Postoj, le premier ministre hongrois Viktor Orbán est revenu sur certains événements ayant marqué les relations entre la Hongrie et l’Union européenne – ainsi que le Fidesz et le PPE – au cours des dernières années.

« Les Allemands veulent admettre des millions de musulmans, c’est leur décision… »

Au sujet de la crise migratoire de 2015, lors de laquelle la chancelière allemande Angela Merkel avait pratiquement ouvert les vannes en direction de l’Allemagne, tandis que la Hongrie avait, au contraire, choisi d’ériger une clôture à sa frontière avec la Serbie, Viktor Orbán explique ainsi que

« si les Allemands veulent admettre des millions de musulmans et construire une société multiculturelle, c’est leur décision, leur destin […] Les Allemands pensent que si la société allemande d’origine, qui abandonne déjà les valeurs chrétiennes, vit avec des millions de migrants musulmans, ils se mélangeront et formeront une nouvelle société [...] Dans la terminologie politique, cela s’appelle une société ouverte, et les Allemands le croient. Je n’y crois pas, car je pense que cela créera des sociétés parallèles qui vivront côte à côte et qui peuvent causer de gros problèmes. Je ne souhaite pas un tel développement pour mon pays ».

« Que veulent les Allemands ? Une Europe allemande ou une Allemagne européenne ? »

Le premier ministre hongrois évoque ensuite l’évolution des relations avec le chrétien-démocrate bavarois Manfred Weber, chef de la délégation allemande au PPE : « M. Weber a insulté la Hongrie en déclarant publiquement qu’il ne voulait pas devenir président de la Commission européenne avec les voix des Hongrois. […] Que veulent les Allemands ? Une Europe allemande ou une Allemagne européenne ? […]

Si les Allemands veulent l’Europe allemande, cela signifie qu’ils veulent aussi dire aux autres nations quoi faire et comment vivre. Manfred Weber s’est engagé dans cette direction. Il veut déterminer ce qui est juste en matière de migration, de famille, de politique fiscale. Il veut nous dire comment nous, Hongrois, devrions vivre ». 

Comparant Helmut Kohl, qui « voulait l’Allemagne européenne, […] n’a pas lutté pour l’hégémonie, mais pour le pluralisme [et] a toujours reconnu que même les plus petites nations ont le droit de décider de leur propre destin », avec Angela Merkel « forcée de diriger les grandes coalitions », Viktor Orbán révèle que Helmut Kohl lui a dit en 1998 – alors que Viktor Orbán venait d’accéder pour la première fois au pouvoir – :

« Vous avez été élu par l’électorat hongrois, votre responsabilité incombe principalement à la Hongrie, et ne laissez personne vous limiter en cela ». 

« Nous devons créer une nouvelle communauté politique qui puisse influencer Bruxelles »

En ce qui concerne ses plans d’avenir suite au divorce consommé entre le Fidesz et le PPE, le chef du gouvernement hongrois déclare : « Nous devons maintenant créer une nouvelle communauté politique qui puisse influencer Bruxelles, sur laquelle travaillent les Polonais, les Hongrois, les Italiens, les Espagnols et bien d’autres ». Pour ce faire,

il n’exclut plus de collaborer également avec le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen : « Cette option est dans l’air »,

répond-il à une question directe du journaliste slovaque qui l’interroge.

« Aujourd’hui, il n’y a pas de démocratie libérale » 

Viktor Orbán explique aussi son opposition avec les tenants de l’idéologie « libérale » du politique correct : « Aujourd’hui, il n’y a pas de démocratie libérale, mais une non-démocratie libérale. Il y a du libéralisme, mais il n’y a pas de démocratie.

Les libéraux aspirent à l’hégémonie de l’opinion. C’est à cela que sert le politiquement correct, à l’aide duquel ils stigmatisent les conservateurs et les chrétiens-démocrates et tentent de les disqualifier.

Je combat les libéraux pour la liberté. Et je suis du côté de la liberté et ils sont du côté de l’hégémonie de l’opinion. […] Je respecte l’Occident et je participe à l’intégration, mais je dois dire que les pays à l’ouest de nous ont perdu une grande partie de leur attractivité au cours des dernières décennies.

Je ne voudrais pas que les enfants hongrois vivent dans vingt ans dans un pays comme beaucoup de pays occidentaux le seront à cette époque.

Il y a trente ans, nous ne savions pas encore comment le monde musulman se développerait en Europe […] Nous ne voulons pas sortir du monde moderne, nous ne sommes pas anti-modernistes et nous comprenons que le monde doit changer. La question est de savoir ce que nous voulons transférer du passé vers le futur. De ce point de vue, nous avons une continuité. Nous voulons préserver la liberté que l’on appelle la souveraineté nationale au niveau des nations et la liberté individuelle au niveau des individus. Nous nous en tenons à cela dans les conditions du monde moderne ».

Budapest ne souhaite pas chaperonner les Hongrois de Slovaquie 

Interrogé sur la question épineuse de la minorité hongroise de Slovaquie, Viktor Orbán est très clair : « Il est dans l’intérêt de Budapest que les Hongrois vivant en Slovaquie puissent représenter leurs propres intérêts à Bratislava, et non que nous, à Budapest, soyons obligés de représenter leurs intérêts à Bratislava. Donc, si la communauté hongroise de Slovaquie réussit et est capable de se représenter, c’est mieux pour les Slovaques et pour nous […]

Il est dans l’intérêt du Fidesz, qui est un parti national, que de nombreux enfants hongrois naissent également en Slovaquie, que les mères parlent hongrois avec eux, qu’ils fréquentent les écoles hongroises, que personne ne leur fasse de mal quand ils parlent hongrois

et qu’ils aient la liberté de s’engager politiquement. La forme sous laquelle ils le font est secondaire. C’est pourquoi nous soutenons l’identité culturelle et non les intérêts politiques ».

La Pologne est le fleuron du Groupe de Visegrád 

À propos du Groupe de Visegrád, le premier ministre hongrois souligne l’importance de la Pologne : « Le fleuron [du Groupe de Visegrád] est la Pologne. 

Sans la Pologne, les autres pays de la région n’ont pas assez de poids. Si la Pologne se retirait du V4, l’Europe centrale perdrait sa quille. La Slovaquie a également un rôle clé à jouer […] L’essence de V4 est la capacité d’influencer à la fois le nord et le sud. 

Au nord, vous avez des Polonais, au sud, nous avons des Hongrois. Le nord doit s’unir au sud, sans vous [Slovaques] nous serions déchirés en deux ». Il explique également la question des relations du V4 avec la Russie : « Il est évident que la Pologne a besoin de garanties de sécurité, c’est un vaste territoire plat. La Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque sont protégées par les Carpates, bien sûr, nous avons également besoin de garanties, mais nous ne sommes pas menacés par la Russie, comme le pensent les Polonais. Par conséquent, il est nécessaire de combiner l’exigence polonaise d’une garantie de sécurité avec les exigences de la coopération » avec la Russie.

 

Entretien complet en français ici