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Éolien offshore et nucléaire, les deux piliers de l’indépendance énergétique « décarbonée » de la Pologne

Temps de lecture : 6 minutes

Pologne – Appartenance à l’UE oblige, la Pologne s’est engagée à fermer sa dernière mine à l’horizon 2049, année où elle entend cesser définitivement de se chauffer au charbon, tandis que la date retenue pour la fermeture de la dernière centrale électrique à charbon est 2040. Ce n’est pas une mince affaire quand on sait que le charbon comptait pour plus de 90 % de la production électrique polonaise dans les années 90 et qu’elle y contribue pour encore plus de 70 % aujourd’hui, la baisse étant principalement due aux énergies renouvelables, au premier rang desquels l’énergie éolienne. Ainsi, en 2021, 47,7 % de l’électricité produite en Pologne a été obtenue en brûlant de la houille, 28,3 % en brûlant du lignite, 11,2 % avec les éoliennes, 7,6 % avec des centrales au gaz naturel et 1,1 % avec des centrales hydrauliques.

Avec la flambée des prix du gaz depuis l’année dernière, la part du gaz dans la production électrique polonaise était tombée en octobre 2022 à un peu plus de 5 % du total, tandis que la part des renouvelables dépassait 18 % dont plus de 12 % pour l’éolien. Et l’on ne parle ici que d’éolien terrestre, car la Pologne n’a encore aucune production éolienne offshore dans la Baltique. Plusieurs projets de parcs offshore sont toutefois en cours de réalisation dont les premiers devraient commencer à alimenter le réseau polonais dès 2026, tandis que l’entrée en service de la première centrale nucléaire n’est attendu que pour 2033.

L’éolien offshore

Selon le programme « Politique énergétique de la Pologne jusqu’en 2040 » (PEP40) adopté par le gouvernement polonais en 2019 puis mis à jour en mars 2022 sur fond de guerre en Ukraine, avec la volonté de ne plus acheter d’hydrocarbures à la Russie pour ne pas financer son outil militaire, la Pologne prévoit de se doter d’une capacité éolienne offshore de 11 GW et d’une puissance nucléaire installée comprise entre 6 et 9 GW. En tout, l’énergie « décarbonée » devrait alors, selon la PEP40, correspondre à la moitié de la puissance installée en Pologne à l’horizon 2040, le seul secteur de l’éolien offshore devant alors représenter au moins 20 % de la puissance installée.

Il faut dire que, de l’avis des experts, la mer Baltique offre un potentiel inégalé pour ce type d’énergie. Peu profonde, avec une profondeur moyenne de seulement 55 m, elle bénéficie de vents qui soufflent à 90 % du temps. Le premier parc éolien offshore en mer Baltique était danois et il date de 1991. Le potentiel de la mer Baltique était estimé dans un rapport datant de 2020 de l’Association polonaise de l’énergie éolienne (PSEW) à 93 GW dont 28 GW pour la seule Pologne, qui bénéficie du plus fort potentiel de tous les pays de la région.

Dans son dernier rapport, publié en novembre 2022, la PSEW estime même le potentiel de la Pologne à 33 GW et considère que cette électricité pourrait à terme couvrir 57 % des besoins du pays. La puissance installée en 2020 dans la mer Baltique n’était cependant encore que de 2,2 GW dont 1 GW pour l’Allemagne, 0,87 GW pour le Danemark et 0,2 GW pour la Suède. Si la Pologne ne tire pas encore profit de ce potentiel, son plan d’aménagement du territoire consacre 2000 km² au développement des parcs éoliens sur ses 22500 km² de zone économique exclusive et les formalités à respecter pour construire des éoliennes en mer ont été simplifiées en décembre 2020 et à nouveau en décembre 2022.

Elle n’est pas la seule sur ce créneau. À la fin du mois d’août 2022, le Danemark, l’Allemagne, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Finlande et la Suède ont signé une déclaration en présence de la présidente de la Commission européenne pour le développement de l’éolien offshore en mer Baltique dans un but à la fois environnemental et d’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. L’Allemagne prévoit de doubler sa production en mer Baltique d’ici à 2026 et vise une capacité totale offshore de 30 GW à l’horizon 2030 et de 70 GW à l’horizon 2045, dont 8 GW en mer Baltique. La Lituanie réalise un projet qui devrait aboutir à un parc de 700 MW d’ici à 2028, couvrant ainsi le quart environ des besoins du pays en électricité.

Les grands projets de parcs éoliens offshore en cours de réalisation dans la zone économique exclusive de la Pologne sont les suivants :

  • Les parcs Baltica 1, 2 et 3 réalisés en trois tranches par la compagnie électrique polonaise PGE en collaboration avec la compagnie danoise Ørsted. La première tranche devrait entrer en service en 2026 et la dernière en 2030, avec une puissance installée totale de près de 3,5 GW. Mais PGE a encore déposé huit autres demandes d’autorisation pour des parcs éoliens en plus des trois déjà prévus.
  • Le parc Baltic Power réalisé par la filiale Baltic Power de la compagnie pétrolière polonaise Orlen. En octobre, Orlen a annoncé la construction d’un nouveau port à Świnoujście pour servir les parcs éoliens offshore polonais. Ce port devrait entrer en service en 2024 et le premier parc éolien Baltic Power devrait suivre en 2026, avec une puissance de 1,2 GW fournie par 70 éoliennes géantes.
  • Les parcs MFW Bałtyk I, II et III réalisés par la société polonaise Polenergia en coopération avec la compagnie norvégienne Equinor. Leur puissance totale atteindra 3 GW. Le début de la construction est prévu pour 2024 et la mise en service de la première tranche en 2027.

Le nucléaire

Si l’éolien en mer est la source d’énergie la mieux acceptée par la société polonaise (80 % des Polonais sont favorables à son développement selon une étude réalisée par le ministère du Climat et de l’Environnement en 2020), le soutien à la filière nucléaire encore inexistante en Pologne a connu un bond avec la crise énergétique actuelle et la guerre en Ukraine. Une étude réalisée par le même ministère également en novembre 2020 montrait que 62,5 % des Polonais étaient alors favorables à la construction de centrales nucléaires dans leur pays, ce qui était déjà un pourcentage en hausse. Un an plus tard, 74 % des Polonais y étaient favorables et seulement 20 % hostiles, et 58 % des personnes interrogées se disaient même prêtes à accepter la construction d’une centrale nucléaire près de leur lieu de résidence. Une étude de l’institut Ibris réalisée en novembre 2022 montre désormais un soutien encore plus large à l’énergie nucléaire en Pologne, avec plus de 85 % de Polonais qui y seraient favorables contre seulement 9 % de personnes hostiles.

Si l’objectif à terme de la Pologne est de fonder sa production électrique sur l’éolien et le nucléaire, les technologies actuelles ne permettant pas d’assurer la sécurité énergétique avec ces deux seules sources (à cause du caractère intermittent de l’éolien qui ne peut pas être compensé par des réacteurs nucléaires compliqués à arrêter et à redémarrer), la Politique énergétique de la Pologne jusqu’en 2040 ne prévoit pour le moment qu’entre 6 et 9 GW de puissance installée pour les réacteurs nucléaires, ce qui s’accompagnera d’un programme de développement des centrales au gaz pour remplacer les centrales à charbon.

La discussion autour de la nécessité de construire des centrales nucléaires en Pologne durait depuis des décennies. Une telle intention avait été exprimée par les gouvernements communistes dès le début des années 1970. Après la transition démocratique de 1989-90, le sujet est revenu plusieurs fois sur la table et la nécessité de l’énergie nucléaire avait été mise en avant par les gouvernements aussi bien post-communistes que libéraux (le premier ministre Donald Tusk avait annoncé en 2008 la construction de deux centrales nucléaires), mais cela ne s’était pas concrétisé.

Arrivé au pouvoir à l’automne 2015, le PiS n’a jamais caché son intention de construire au moins une centrale nucléaire, mais ce n’est qu’à partir de 2020 que le gouvernement de Mateusz Morawiecki s’est véritablement saisi de la question. Plusieurs sociétés publiques et privées ont depuis fait connaître leurs projets pour des mini-réacteurs modulaires (SMR) et le gouvernement a annoncé son intention de construire six réacteurs de 1-1,6 GW chacun. En mars 2021, le gouvernement Morawiecki a fait partie des sept gouvernements de l’UE qui, à l’initiative de la France, ont signé une lettre ouverte à la Commission européenne pour inclure l’énergie nucléaire dans la taxonomie de l’UE (la liste des énergies propres pouvant bénéficier de financements européens).

La crise énergétique provoquée par les politiques « vertes » de l’UE et le facteur aggravant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont donné un coup d’accélérateur, et il a été décidé au début du mois de novembre 2022 de confier la construction de la première centrale nucléaire polonaise à la société américaine Westinghouse. Le premier réacteur de cette centrale qui sera construite dans le nord du pays devrait entrer en service en 2033, et le donneur d’ordre est le gouvernement polonais qui conduit directement les négociations avec la partie américaine.

Au moment où le choix de la technologie de Westinghouse était annoncé par le gouvernement de Mateusz Morawiecki, on apprenait la signature par des sociétés privées polonaises et coréennes d’une lettre d’intention pour la construction d’une deuxième centrale nucléaire. Si le projet est conduit par le secteur privé, les négociations ont bénéficié d’un fort soutien du gouvernement polonais. Côté polonais, les entreprises impliquées dans ce projet de centrale qui doit voir le jour dans le centre du pays, dans la voïvodie de Łódź, sont le groupe électrique PGE et la compagnie ZE Pak qui a aujourd’hui trois centrales à charbon, dont une en cours de liquidation. Côté coréen, il s’agit de la compagnie Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP), du groupe KEPCO. Un projet de troisième centrale est également en discussion car l’intention des autorités polonaises est d’avoir trois centrales nucléaires à l’horizon 2037.